Une chronique politique sans parti pris

L’éthique comme cache misère du politiquement correct

Le 13 février la Commission Nationale d’Ethique (CNE) a présenté sa position sur la procréation médicalement assistée: elle admet le don d’ovule et d’embryon, le diagnostic préimplantatoire y compris pour détecter la trisomie, le don de sperme pour les femmes seules et les couples d’homosexuelles, les «bébés sauveurs», voire (oh panique!) les mères porteuses. Toutes ces interventions médicales sont interdites par la loi actuelle en Suisse et largement pratiquées à l’étranger.

En même temps, le Conseil fédéral est engagé dans une révision de la loi sur la procréation médicalement assistée datant de 1998, mais cette révision se situe bien deçà de ce que propose la CNE. Concurremment une initiative parlementaire de votre serviteur, autorisant le don d’ovule, a été largement soutenue en janvier 2014 par la commission compétente du Conseil national, après de multiples refus antérieurs à une toute aussi large majorité du Parlement. Bref, la ligne de front s’est mise en mouvement. Ce qui était rejeté avec horreur voici quinze ans comme «contraire à la Nature», devient d’un coup «éthiquement» recommandable. Il n’est plus tolérable de ne pas soigner les gens avec tous les moyens possibles pour se conformer à une éthique, considérée encore récemment comme un impératif catégorique.

Je me souviens des discussions débiles qui firent rage à l’époque, dans les commissions parlementaires, pour un bouquet de législations, sur la procréation médicalement assistée, sur l’analyse génétique et sur l’expérimentation humaine en médecine. Les parlementaires divisés firent appel à la CNE qui vint plusieurs fois s’exprimer en séance de commission. Il sautait aux yeux que la CNE était divisée et que se recommandations de l’époque reposait souvent sur quelque vote aléatoire à une faible majorité. Aujourd’hui la majorité est passée dans le camp de la liberté thérapeutique.

Et l’on est en droit de se poser la question existentielle: sur quoi repose un avis de la CNE? Quelle est la base de l’éthique, son fondement invariable? N’est-ce pas une illusion d’imaginer qu’une assemblée d’experts puisse dire la morale avant que les parlementaires disent le droit par imitation servile? N’est-ce pas une échappatoire pour des politiciens aussi perplexes qu’apeurés, incapables de prendre leurs responsabilités? Si l’éthique se retourne du jour au lendemain, n’est-elle pas soluble dans le politiquement correct? Ne se conforme-t-elle pas aux préjugés les plus courants dans la société? Ne vise-t-elle pas, comme la politique politicienne, à se fondre dans les visées de la population?

Sans fondement religieux, le discours éthique s’efforce encore de se raccrocher à l’une ou l’autre version de la Déclaration des Droits de l’Homme. Mais celle-ci ne fait pas l’unanimité des nations et elle oublie les femmes dans son énoncé même. Le Droit vise l’ordre dans la société bien plus que la justice ou la morale. Il soutient un Etat qui est le plus froid des monstres froids. Inutile de le parer des oripeaux d’une morale fluctuante au gré des préjugés en circulation courante.

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