Une chronique politique sans parti pris

La roulette russe de la sécurité nucléaire

Provisoirement la durée d’exploitation des centrales nucléaires suisses sera limitée à 50 ans. Du point de vue de la sécurité, cela a naturellement fait débat aussi bien dans les commissions qu’au plenum et surtout dans la salle des pas perdus. L’opinion politiquement correcte du parlementaire de base consiste à répéter la bouche en cœur que les centrales peuvent et doivent fonctionner aussi longtemps que leur sécurité est assurée. Et il suppose vaguement que celle-ci diminue avec le temps. Mais sans chiffre précis:

Dans ce débat brouillon, on mélange deux concepts. La sécurité constitue la garantie qu’un accident majeur, la fusion du cœur, ne se produise pas. Or, un tel accident est caractérisé par deux aspects : sa fréquence et son ampleur.

Pour les cinq cent réacteurs en service dans le monde, il y a eu cinq fusions de cœurs : la fréquence d’un accident  majeur est donc d’une chance sur cent durant la durée de vie du réacteur.

L’ampleur d’un accident majeur à Mühleberg a été prévue par le service compétent de la Confédération. S’il faut évacuer définitivement la population dans un rayon de trente kilomètres comme à Fukushima ou à Tchernobyl, cela signifie la perte de Berne, Fribourg, Neuchâtel et Bienne. Il n’y a pas de plan pour reloger cette population dans l’urgence. Il n’y a pas d’assurance couvrant la perte des biens immobiliers.

Et donc quel que soit l’investissement dans des mesures de sécurité, nous courons un danger insupportable avec un risque  non nul de le voir se matérialiser. Les trois accidents majeurs connus (il y en a d’autres) ont été provoqués soit par des erreurs humaines, soit par un phénomène naturel. Rien ne permet d’exclure ces deux facteurs à coup de millions. La conclusion purement technique est aujourd’hui évidente : avec la technologie utilisée il n’aurait pas fallu construire ces centrales. Maintenant qu’elles le sont et qu’elles assurent 40% de l’approvisionnement en électricité, il n’y a rien à faire que d’attendre en croisant les doigts. Pour les croyants, il y a aussi la possibilité de faire une neuvaine de prières. Mais cela n’entre pas en considération dans l’évaluation technique du danger couru. Dieu n'est pas un ingénieur d'ultime recours.

 

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