Comprendre, parce que c’est important

Le fossé et le soleil

Un futur possible et joyeux

Le climat est en folie et la vie se meurt dans une extinction telle qu’il n’y en a pas eu depuis des dizaines de millions d’années. À laisser aller, notre civilisation court probablement à sa perte, entraînant avec elle les valeurs qui nous sont chères. Là-dessus, la plupart des gens sont d’accord et tout le monde comprend qu’il faut agir. Hélas, entre comprendre et agir, le fossé est terrible. La médiocre loi sur le CO2 a été rejetée ; le Conseil fédéral propose un contre-projet à l’Initiative des glaciers, confirmant ainsi l’exigence du zéro carbone pour 2050… avec une nuance toutefois; il souhaite ajouter les mots “si possible” ! Pendant ce temps la justice s’engage à remettre sur la voie de la discipline, les jeunes qui témoignent de leur conviction.

Il y a de quoi être désespéré. D’autant plus que l’ambiance est morose chez ceux qui s’inquiètent et essayent de concevoir quelques éléments de solutions. On parle de vacances aux îles auxquelles il faudra renoncer, d’aéroports plus silencieux, de décroissance, de chômage, de liberté bradée, de démocratie compromise. Par contre, on parle si peu de l’immense chance qu’offre la sortie de la crise vitale ; la chance de retrouver une relation saine à la nature et au monde global des humains. Bref, l’histoire nous offre, à tous, un joli boulot: construire un futur possible et joyeux.

La tâche est grande. Elle me dépasse largement, mais j’imagine quelques recettes qui pourraient donner le ton. Je vous en propose une, juste une. J’y reviendrai avec d’autres.

La très grande partie de l’énergie qui fait marcher notre civilisation provient du carbone fossile. On brûle en 100 ans ce que la nature avait accumulé dans les entrailles de la Terre durant des centaines de millions d’années. C’est pour cette raison que notre climat part en vrille. Pourtant nous nageons dans un bain d’énergie renouvelable surabondant et bon marché puisque, aujourd’hui, le vent et le soleil sont, en principe, les sources d’énergie les moins chères. On pourrait, par exemple…

On pourrait, par exemple…

Conscient de la crise vitale, le Conseil fédéral donne, demain, l’ordre aux compagnies d’électricité d’équiper en panneaux solaires l’ensemble des toits, adéquatement orientés, de toutes les maisons de Suisse. Comme l’a montré, Roger Nordmann (Nordmann, R. (2019). Le plan solaire et climat. Lausanne: Editions Favre), cela permettrait, avec quelques autres surfaces et quelques mesures complémentaires, de couvrir, et bien plus, l’ensemble des besoins d’énergie de la Suisse pour un avenir durable.

 

Impossible ! Le Conseil fédéral ne peut pas faire ça !

Pourtant, le 15 mars de l’an passé il a décidé, du jour au lendemain, de tous nous mettre aux arrêts domiciliaires. C’est vrai, à ce moment le nombre de malades du Covid se multipliait par dix chaque semaine. La catastrophe sanitaire était annoncée pour la fin du mois. Le Conseil fédéral a fait ce qu’il fallait. En juin, la situation était rétablie, le nombre de cas journaliers ne dépassait guère dix. La maladie était maîtrisée (malheureusement, la suite fut moins brillante.) Est-ce que la démocratie en a souffert ? Pas du tout ! Elle a simplement agi comme l’exigeait la réalité. Bravo !

Aujourd’hui, le monde fait face à une crise exponentielle semblable, mais plus grave encore. Le printemps passé, pour le virus, l’échéance se mesurait en semaine. Aujourd’hui, il faut la voir à 10 ans, mais l’urgence n’est pas moins grande. La vie se meurt, maintenant. Allez, le Conseil fédéral, on y va ! La Suisse vous en sera reconnaissante, l’histoire jugera.

 

Impossible. Dix ans, c’est bien trop court !

Un responsable à qui je posais la question m’a dit que non. Si on les laisse aller les firmes de l’électricité, c’est jouable. Je n’en suis pas surpris. En une année la Suisse a complètement changé sa capacité à produit des vaccins – une tâche compliquée. Elle pourrait aussi se mettre au boulot pour produire des panneaux. Pour une partie au moins, elle en est capable. Si ce n’est pas chez nous, les Chinois apporteront le complément. L’an passé, ils ont construit un hôpital Covid en un mois. Rappelons-nous aussi comment les Américains ont transformé leur économie en quelques mois après l’attaque de Pearl Harbour le 7 décembre 1941. Leur démocratie en a été renforcée.

Bien sûr, il faudra beaucoup de travailleurs compétents, mais notre système de formation technique est un des meilleurs du monde et un CFC se fait en trois ans. J’aime l’idée du Revenu de transition écologique de Sophie Swaton, enseignante à l’UNIL et à l’EPFL (Swaton, S. 2018, PUF). Elle montre, par la pratique, que ça marche (Swaton, S. 2020, PUF). J’aime aussi la vieille chanson d’Annie Cordy : https://www.youtube.com/watch?v=kNVaNStzwTk. Elle raconte l’ambiance de la transformation des années 50 ; elle n’est pas morose.

 

Qui va payer ?

Les propriétaires naturellement ! Tout à coup, leur maison va prendre une belle plus-value sans qu’ils aient à porter les soucis de la transformation. Quelle chance ! Et puis le Conseil fédéral convaincra les banques d’adopter une mesure complémentaire :  accorder à tous des prêts à zéro pour cent. Nous avons de la chance en Suisse, l’argent ne manque pas, et tout à coup, cet argent, au lieu de partir dans des investissements plus ou moins barils, se transformera en vraie plus-value, concrète et réelle, offrant du même coup une avancée exemplaire à la contribution de la Suisse au climat du monde.

 

Technologie, technologie, rien que la technologie alors que la crise est une crise de société !

J’entends déjà la voix de certains de mes amis. Ils diront : « Technologie, toujours et encore la technologie alors que c’est la société qu’il faut changer ». Oui, je suis d’accord, il faut la changer, mais, à moi, la technologie ne fait pas peur. La crainte vient de ce qu’on en fait. La révolution ne consistera pas à rejeter les technologies, mais à maîtriser leur usage pour qu’il serve au bénéfice de tous et non aux intérêts personnels ou mercantiles de quelques-uns.

 

Eh oui, si on voulait, on pourrait.

Qu’est-ce qu’on attend ?

 

 

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