La vieillesse est une maladie incurable

L‘évènement

C‘est un film d‘Audrey Diwan, basé sur le roman autobiographique éponyme d‘Annie Ernaux .

Je l‘ai vu avec beaucoup d‘émotion , car je me suis revue à cette époque- la mienne .On employait des mots comme fille-mère pour celles d‘entre nous qui avaient des enfants en-dehors du mariage et nos familles nous rejetaient . On ne donnait la pilule qu‘aux femmes mariées . Avoir envie de sexe n‘était qu‘une prérogative masculine . Nous , on donnait notre „ fleur“ à celui qui nous épousait . S‘il baisait mal , tant pis pour nous . On n‘était pas sur terre pour avoir du plaisir , mais pour procréer en étant des femmes au foyer . 

J‘avais 18 ans quand j‘ai quitté la maison de mes parents et j‘ai fait la nounou tout en faisant des études de lettres . J‘aurais aimé faire autre chose , genre médecine ou archi . Mais il aurait fallu rester chez mes parents et rester chaste . J‘avais trop envie de liberté . Les études étaient gratuites et je lisais beaucoup , donc j‘ai réussi à la fois une licence d‘anglais et une d‘allemand . Mes parents me payaient des cours de sténo et de dactylo dans l‘espoir que je deviendrais secrétaire et que j‘épouserais le patron . Je gardais l‘argent pour manger et m‘acheter des clopes . J‘étais libre mais bohême et désordonnée . La première fois que je suis tombée enceinte , je n‘ai pas eu envie de me marier . Premier avortement . Sans anesthésie pour me punir . Mais c‘était un médecin . Il fallait avoir les moyens . Sinon c‘était les faiseuses d‘anges dans des ruelles , des sondes qui marchaient parfois en vous laissant un utérus abîmé dans le meilleur des cas et vous tuaient , dans le pire . Je vous épargnerai le reste de mes expériences , toujours douloureuses , toujours voulues . Je refusais d‘avoir honte . J‘ en parlais autour de moi . Et puis voilà : à la fin de ma vie , je clame haut et fort que je veux choisir le jour de ma mort ainsi que la manière et on me traite de tous les noms car je retarde l‘échéance . Croyez- vous qu’on a envie de mourir ? Croyez- vous qu‘on avortait de gaîté de coeur ? C‘était un déchirement chaque fois , sauf qu‘on n‘avait pas le temps de changer d‘avis . Trois mois au grand maximum . Et je n‘aurais jamais pu avorter avec un foetus de trois mois dans mon ventre . J‘ai mis trois garçons au monde . Je les ai voulus tous les trois et j‘ai enduré les nausées du début et les douleurs de la fin de la grossesse avec joie et amour pour les bébés à venir .A trois mois de grossesse , je les aimais déjà . Choisir la date de sa mort est plus difficile que je m‘y attendais , car la vieillesse ne fait pas vraiment souffrir si on n‘a pas de pathologie grave et irréversible . Pourtant , je suis convaincue qu‘il faut partir avant de se choper une maladie horrible , sauf si on veut vivre à tout prix , ce que je comprends aussi . Mais enfin , quel principe extérieur à nous doit décider pour nous du moment où nous voulons quitter la vie ? Je ne parle pas des suicides émotionnels qu‘on peut prévenir si on sait écouter . Mais une personne adulte , éclairée , capable de discernement ne devrait plus être empêchée de partir avec une aide médicale . Aucun médecin n‘ est obligé de pratiquer une IVG , si cela va à l‘encontre de ses croyances . On n‘oblige aucun médecin belge à pratiquer une euthanasie . Cependant , on ne punit pas ceux qui aident une femme à ne pas subir sa grossesse , si telle est sa décision . Pourquoi punit- on encore un médecin en France qui aide son patient à mourir ? Au nom de quoi oblige-t- on les patients français – qui en ont les moyens – à aller mourir en Belgique ou en Suisse ? Tout comme dans ma jeunesse , celles de nous qui en avions les moyens nous partions en Angleterre , en Suisse ou en Hollande pour nous faire avorter ? Quand admettrons- nous enfin que si c‘est un dieu qui nous a créés , il nous a créés sexués et mortels ?  Si c’est ainsi que nous sommes faits ,pourquoi est- que le sexe et la mort restent des sujets tabous ? En France nous sommes dans notre grande majorité au courant de la Science et de l‘Evolution . Nous sommes darwiniens mais nous laissons dicter nos lois par des idéologues . Réfléchissons enfin et voyons la réalité . Les criminels ne sont pas les jeunes femmes qui voulaient être libres à l‘époque ni les vieux qui revendiquent la même liberté aujourd‘hui : celle de disposer de leurs corps . Ce sont ceux qui nous empêchent de vivre quand nous sommes jeunes et de mourir quand nous sommes vieux .

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