La vieillesse est une maladie incurable

Le livre de la vie

“Ce livre suprême qu‘on ne peut ni ouvrir ni fermer à son choix . On voudrait retourner à la page où l‘on aime , mais la page où l‘on meurt est déjà sous nos doigts “(  Lamartine ) Eh oui , on le sait quand on est arrivé à la dernière page du dernier chapitre et pourtant , on hésite à la tourner ,cette page . Je vois bien que nous vieillissons tous – même ceux d’entre nous qui avons une porte de sortie – et nous ne sortons pas , à moins d‘être en grande souffrance . Cependant , lorsque nous savons que nous l’avons,cette porte de sortie , c‘est simplement rassurant . Au nom de quoi nous la refuse-t-on ? Est-ce plus légitime d‘avoir recours à un suicide violent au lieu de pouvoir simplement s‘endormir avec le bon barbiturique pour ne plus se réveiller ? Plus nous avançons en âge et moins nous avons de plaisir à vivre . Pourtant nous nous accrochons et chaque sourire , chaque mot gentil qui nous est adressé nous touche profondément , car cela ne va plus de soi . Le petit garçon qui souriait à sa maman est devenu un homme qui sourit à ses enfants .. Les amis d‘autrefois sont souvent morts ou mourants . Les nouveaux amis ? On n‘a pas de souvenirs à partager avec eux . Et pourtant , on invente des raisons pour ne pas sauter du plongeoir .

Alors je me demande comment font tous ceux qui souffrent sans issue . Pourquoi les oblige-t- on à continuer de souffrir s‘ils demandent de l‘aide pour pouvoir quitter la vie dignement ? Pourquoi ne pas respecter le droit à l‘autodétermination , qui est pourtant garanti dans toutes les constitutions européennes ? Par peur de dérives ? Mais il n‘y en a jamais eu , ni en Suisse ni dans les pays du Bénélux . Et moi qui clamais haut et fort que j‘allais mourir en 2020 , je ne suis même pas sûre d‘y arriver en 2021 . L‘année se termine et je suis encore là . Sans raison objective . Plus personne n‘a besoin de moi . Pourtant , je sens encore de l‘amour pour mes enfants et leurs petits . J‘aime encore marcher dans Paris . Lire . Relire mes poèmes préférés . J‘accepte de ne plus être qui j‘ai été .J‘accepte de reconnaître que je me suis trompée en déclarant avec tellement d’assurance que je fermerais le livre de ma vie en 2020 . Je sais que la dernière page se lit et se relit et que tout en sachant que le dernier chapitre tire à sa fin , on veut encore lire et relire la dernière ligne .lJe sais que j‘ai une porte de sortie et je voudrais tant que nous l‘ayons tous , cette porte de sortie . Ce serait un si beau cadeau de Noël pour ceux qui souffrent sans raison et aussi pour ceux et celles qui – comme moi – aiment la vie mais sont angoissés par la perspective d’une agonie sans fin , d’une vieillesse mal vécue , dans la solitude et l’abandon . Il ne faut plus accuser de “
non assistance à personne en danger “ un médecin ou un proche qui aiderait l’un ou l’une d’entre nous à partir si et quand il ou elle le souhaite . Cette loi est inutile et cruelle . Personne ne veut mourir , mais s’il le faut , acceptons la mort comme la fin naturelle de la vie . Est- ce si difficile à admettre et à comprendre ? J’admets que je me suis trompée en pensant qu’il était facile de mourir . Vous , les idéologues et les procureurs , admettez que vous vous trompez en interdisant l’accès à une mort douce à ceux d’entre nous qui vous implorons de nous accorder la clé des champs au moment qui nous paraît juste à nous et pas à vous .

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