La vieillesse est une maladie incurable

Lettre à Agnes Buzyn, ministre français de la Santé.

Je prie mes lecteurs de m’excuser si je ne m’exprime plus beaucoup dans ce blog. Je recommencerai en mars. Je suis en train d’écrire un livre. Il serait inutile de répéter la même chose dans un blog et dans un livre.

Cependant, je voudrais répondre à Madame Agnès Buzyn, ministre de la Santé en France, qui se satisfait de la loi actuelle, dite Claeys-Léonetti pour une population qui dans sa grande majorité demande un changement (sondage Ifop : 90% des Français demandent que la législation en France change).

Madame Buzyn n’a probablement jamais accompagné des patients en fin de vie et ne semble pas non plus être informée sur la législation belge ni sur ce qui se pratique en Suisse : le respect de la volonté du patient.

Comment se satisfaire d’une loi qui ne met pas le patient au coeur de sa décision, lorsque le moment arrive – lors du diagnostic d’une maladie incurable – ou lorsque toutes ses ressources émotionnelles et/ou économiques sont épuisées et qu’il est contraint de quitter son domicile pour finir sa vie dans un Ehpad (EMS en Suisse).

Madame Buzyn, ces choix sont parfaitement entendus et encadrés en Belgique comme en Suisse.

Une personne éclairée, lucide et capable de discernement peut faire le choix de mourir plutôt que d’être internée de force dans un hôpital ou dans un Ehpad (EMS).

Non, il ne suffit pas de dire trois fois de suite qu’on veut mourir pour être aidé par un médecin belge ou suisse. C’est réducteur et méprisant de votre part d’affirmer des choses que vous n’avez pas l’ air de connaître.

Madame Buzyn, voilà 10 ans que j’accompagne des patients qui font appel à l’ADMD lorsqu’ils se trouvent dans des situations de détresse médicale ou psychologique. Il s’agit souvent de personnes âgées et seules qui ont besoin d’être rassurées.

Elles le sont lorsqu’elles savent qu’elles auront une porte de sortie. Pour le moment, la porte de sortie ne peut pas être en France. Est-ce juste d’obliger des personnes gravement malades et/ou très âgées de devoir s’exiler pour mourir ?

La loi en France : il faut avoir un pronostic vital engagé à court terme pour avoir accès à la sédation profonde et continue jusqu’à la mort. Donc, il faut être mourant pour avoir le droit de mourir un peu plus vite. Quelle hypocrisie et quelle cruauté !!

Madame Buzyn, vous pouvez rassurer vos amis des labos et des Ehpads. Ils ne perdront pas de clients si la loi change. L’instinct de survie est très fort et très peu d’entre nous font le choix de mourir, même dans les cas les plus extrêmes.

Il faut simplement que ce choix existe. Il rassure. Qui êtes-vous pour refuser ce droit à vos concitoyens ?  On vous nomme ministre de la Santé. C’ est une responsabilité énorme qui vous incombe. Il faut la prendre au sérieux. Les soins palliatifs doivent être accessibles à tout le monde, pas seulement à 20% de la population. Le personnel des Ehpads et des hôpitaux mieux formé et mieux rémunéré . C’est urgent.

Chaque anesthésiste – réanimateur sait endormir un patient. Il n’ est pas obligé de le réanimer. Vous le savez très bien. Donc, cette sédation profonde et continue est inutile. Si un patient fait le choix de mourir et si ses arguments sont justifiés et reconnus par une équipe médicale, rien ne s’oppose à une anesthésie générale sans réanimation. Il faut simplement décriminaliser les médecins qui écoutent leur conscience plutôt que d’obéir à une loi obsolète et cruelle.

Réfléchissez, Madame Buzyn, et parlez à des interlocuteurs qui connaissent le terrain. Quand avez-vous accompagné un patient pour la dernière fois ? Comment peut-on légiférer sur un tel sujet sans le connaître ?

Je n’ai rien à ajouter sauf qu’il vaut mieux penser que croire. Et aussi que la théorie n’est rien sans la pratique.

Jacqueline Jencquel

Quitter la version mobile