La vieillesse est une maladie incurable

Plaidoyer pour le suicide de bilan

À partir de 75 ans, chaque personne lucide et capable de discernement devrait avoir le droit de mourir avec une aide médicale. Ceci pour éviter les suicides violents comme la noyade ou la défenestration.

Il faut comprendre que nous sommes arrivés à prolonger la vie grâce aux progrès de la médecine. Pour la plupart d’entre nous, c’est un bonus. Nous préférons tous la vie à la mort. C’est notre instinct de survie, que nous partageons avec tous les autres êtres vivants.

Cependant, certains d’entre nous (comme par exemple Frédéric Beigbeder) considèrent qu’ils ont vécu les deux tiers de leur vie à cinquante ans. Donc, selon cette logique (que je partage) on a atteint la fin du parcours à 75 ans.

Si l’on veut prolonger, pourquoi pas ? Mais cela reste un prolongement. Si l’on a encore du plaisir, c est formidable.

Peu d’entre nous arrivent à cet âge-là en parfaite santé. Même la vie de couple devient une routine et un fardeau. Les enfants sont adultes et ont leur propre vie. Les petits-enfants nous font sourire, mais ce ne sont pas nos enfants. Nous ne les élevons pas – à quelques exceptions près.

Notre sexualité est en berne. Notre appétit diminue (et s’ il augmente, nous tombons malades ou grossissons).

L’alcool nous donne mal à la tête. Donc un ou deux verres et on s’arrête. Ce que nous avons à dire n’intéresse plus personne. Nous inspirons l’ennui avant de finir par inspirer le dégoût ou la compassion.

Je sais bien que ce n’est pas un discours politiquement correct. On me répondra qu’il faut être gentil avec ses aînés.

C’est un discours auquel je serais forcée d’adhérer si je ne faisais pas partie de ces aînés avec lesquels il faut être gentil.

Je n’ai pas envie qu’on soit gentil avec moi. Je veux vivre. Et vivre, c’ est aimer, c’ est rire, c’est marcher et courir, escalader des montagnes, humer le vent, donner des baisers et en recevoir. C’est travailler aussi.

Pour certains d’entre nous, partir à la retraite c’est le tocsin. D’autres sont heureux de pouvoir enfin se reposer. Aucune vérité n’est universelle. A chacun de trouver la sienne.

Par contre, il est inadmissible de ne pas respecter la vérité de l’autre. Toi, tu veux vivre vieux ? Ton choix. Je le respecte. Mais moi, je ne veux pas vivre au-delà de 75 ou 76 ans. C’est mon choix. Il faut le respecter et ne pas m’obliger à me justifier par des pathologies qui ne regardent que moi et mon médecin.

J’ai de la chance. Je connais un médecin qui partage mes idées et m’aidera, le moment venu.

Mais quid de toutes celles et ceux qui, tout comme moi, n’ont pas envie d’attendre la maladie incurable et les souffrances insupportables qui, seules, justifient l’aide médicalisée à mourir ?

Même en Suisse, le suicide de bilan des personnes âgées ne fait pas l’unanimité. Pourquoi ? A-t-on peur de dérives ? Genre : on va vouloir se débarrasser de tous les vieux ?

Cet argument ne tient pas la route. On ne parle que de la décision d’un patient âgé, mais éclairé, lucide et rationnel.

Peu d’entre nous prennent une telle décision, car nous avons tous ce fort instinct de survie. Ce n’est pas une décision qui doit être prise dans un moment de déprime. Elle doit être réfléchie et la demande réitérée pour qu’un médecin accepte de poser la perfusion ou de prescrire la potion létale.

Mais de grâce, ne nous obligez pas à être déjà mourants pour avoir le droit de mourir.

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