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Une tentative d’éclater la bulle universitaire

Il est généralement admis qu’aller à l’université est hautement bénéfique, tant sur le plan financier que sur le plan professionnel. Les étudiants qui liront ceci conviendront probablement que leurs études leur permettront de trouver une bonne carrière et de mener une vie confortable, et c’est ce qui se produira probablement pour la plupart d’entre eux. Néanmoins, certaines théories prétendent que l’enseignement supérieur est dans une bulle. C’est une idée controversée, mais ses partisans avancent des arguments intéressants qui méritent d’être examinés de plus près.

L’un des défenseurs de cette idée est Peter Thiel, le milliardaire cofondateur de PayPal. Il soutient qu’une « vraie bulle, c’est quand quelque chose est surévalué et intensément cru. […] L’éducation est peut-être la seule chose à laquelle les gens croient encore aux États-Unis. Remettre en question l’éducation est vraiment dangereux. C’est le tabou absolu ».

Il est tout à fait possible que l’enseignement supérieur soit dans une bulle. En 1965, 6 millions d’Américains étaient étudiants, et ce chiffre est depuis passé à 20 millions, alors même que les frais d’écolage augmentent à un rythme deux fois plus élevé que l’inflation. De plus, les différences de revenus entre les diplômés et les non-diplômés se réduisent, même si le bénéfice acquis en étudiant à l’université est encore important.

Un diplôme d’études universitaires n’est plus une garantie de succès, car les universités produisent beaucoup plus de diplômés que ce que le marché du travail a à offrir en termes de postes bien rémunérés qui sont généralement occupés par des diplômés. Aux États-Unis, il y a 80’000 barmans et plus de 100’000 concierges titulaires d’un bachelor. Selon le Département du travail américain, 17 millions de diplômés universitaires occupent des emplois qui ne nécessitent pas de diplôme.

Se pourrait-il que l’enseignement supérieur soit davantage axé sur la sécurité et l’exclusivité que sur l’acquisition de nouvelles compétences ? Il y a une promesse implicite qu’en travaillant dur et en allant à l’université, l’avenir est assuré. C’est pourquoi tant d’étudiants accumulent des dettes immenses pour aller à l’université ; ils sont amenés à croire que c’est le seul moyen de réussir. D’ailleurs, 42 millions d’Américains ont maintenant une dette liée à un prêt étudiant, pour un total de 1,7 trillions de dollars. De plus, selon une enquête de PayScale, 27% des diplômés qui ont contracté un prêt étudiant le regrettent.

La question de la dette étudiante a été propulsée au premier plan du discours politique américain par des politiciens démocrates qui appellent le président à annuler toute dette étudiante. Le problème est que les études universitaires sont un choix et la dette qui en résulte est acquise volontairement. Ce n’est pas en faisant fonctionner l’imprimante à billets que le problème disparaîtra ; tout le système de l’enseignement supérieur a besoin d’être repensé.

Richard Vedder, professeur émérite à l’Université de l’Ohio, a publié un article intitulé Twelve Inconvenient Truths about American Higher Education. Il soutient que l’ensemble du système se livre à une inflation des qualifications, où les gens vont à l’école pendant toujours plus d’années simplement pour avoir une chance de trouver des emplois pour lesquels une grande partie de cette éducation est inutile. Étant donné que l’offre de diplômés dépasse de loin ce qui est nécessaire, les employeurs exigent de plus en plus de titres de compétences, simplement parce que cela les aide à réduire la liste des candidats.

L’université est très utile dans la mesure où elle est souvent requise pour de nombreux cheminements de carrière. Cependant, les chiffres montrent clairement qu’il y a un surplus de diplômés et que la dette étudiante est devenue un problème chronique. Il se peut que la génération actuelle d’étudiants considère l’université comme essentielle, en raison de l’influence des générations plus âgées pour lesquelles faire des hautes études était une nécessité absolue pour réussir.

Les faits démontrent que ce modèle est de plus en plus dépassé. Le secteur de la technologie est à l’avant-garde de cette refonte de l’enseignement supérieur. En effet, de nombreuses grandes entreprises comme Google, Apple et IBM ne requièrent plus de diplôme universitaire pour certains postes bien rémunérés. Par exemple, le PDG d’Apple, Tim Cook, a annoncé que la moitié des employés américains embauchés par son entreprise en 2018 n’étaient pas des diplômés.

La Suisse a également connu une augmentation massive des inscriptions à l’université : il y avait 100’000 étudiants en 2000, ce chiffre est désormais passé à 165’000. Il est possible que le marché suisse de l’emploi soit bientôt confronté à une offre excédentaire de jeunes diplômés. Heureusement, la Suisse possède un système d’enseignement supérieur incroyablement diversifié. Les apprentissages sont étroitement contrôlés par les autorités, ce qui garantit le respect des normes rigoureuses fixées pour préserver la qualité de l’enseignement. Les écoles professionnelles constituent une autre source importante d’employés qualifiés qui acquièrent des compétences concrètes pour répondre à une forte demande.

D’autres pays devraient suivre le modèle suisse s’ils souhaitent résoudre certains de leurs problèmes d’enseignement supérieur. L’université ne doit plus être considérée comme le seul moyen de trouver un bon emploi. La clé est d’offrir des alternatives qui fournissent des compétences qui, à leur tour, offrent de grandes opportunités d’emploi. Cela réduirait le besoin d’endettement étudiant et apporterait une certaine diversité bien nécessaire sur le marché du travail.

Léon Eversham

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