Chroniques constitutionnelles

Initiative “anti-burqa” : à qui revient sa mise en œuvre ?

A la suite de l’acceptation de l’initiative “Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage” dimanche dernier, une question en particulier s’est posée : revient-il aux cantons, ou à la Confédération, de mettre en œuvre le texte ?

Selon le système de répartition des compétences entre la Confédération et les cantons, la Confédération bénéficie de compétences d’attribution. Cela signifie qu’elle ne peut légiférer que si la Constitution fédérale le prévoit. A défaut, ce sont les cantons qui restent compétents, ce que rappelle l’art. 3 Cst. (“Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération.”).

L’interdiction de se dissimuler le visage relève de la réglementation de l’espace public. Or la Constitution fédérale ne prévoit pas de compétence en faveur de la Confédération dans ce domaine, si bien que celui-ci reste à ce jour de la compétence des cantons.

L’initiative acceptée dimanche dernier ne change rien à ce qui précède. Selon le nouvel article constitutionnel, introduit dans le chapitre de la Constitution fédérale dédié aux droits fondamentaux (art. 10a), interdiction est faite à quiconque de se dissimuler le visage dans l’espace public, ainsi que “dans les lieux accessibles au public ou dans lesquels sont fournies des prestations ordinairement accessibles par tout un chacun”, exception faite des lieux de culte (al. 1). De même, “nul ne peut contraindre une personne de se dissimuler le visage en raison de son sexe” (al. 2).

Si le texte de la révision constitutionnelle mentionne la mise en œuvre législative (il est prévu, d’une part, que la loi d’application mette en place des exceptions à l’interdiction de se dissimuler le visage ; d’autre part, la loi d’application doit être adoptée dans un délai de 2 ans à compter du vote), cela ne suffit pas encore pour considérer que la Confédération ait reçu une nouvelle compétence en la matière. C’est donc aux cantons qu’il revient d’adopter des lois d’application du nouvel art. 10a Cst.

L’Office fédéral de la justice a confirmé ce constat dans un communiqué récent. Dans celui-ci, il affirme être prêt à assister les cantons dans le processus de mise en œuvre, et également analyser la nécessité d’une mise en œuvre spécifique dans les domaines de compétence de la Confédération, tels que les transports publics.

Pour finir, il existe un domaine relevant de la compétence de la Confédération au sein duquel l’initiative pourrait, en théorie, être mise en œuvre : le droit pénal. Dans son Message relatif à l’initiative, le Conseil fédéral aborde la possibilité d’introduire dans le Code pénal l’interdiction de se dissimuler le visage. Il s’y oppose toutefois, en particulier parce que cette manière de procéder “déclarerait punissable un comportement qui, en soi, ne menace ni ne viole directement aucun bien juridique concret, ce qui irait à l’encontre des principes du droit pénal”.

 

 

 

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