Politique européenne

La politique étrangère féministe d’Annalena Baerbock, quèsaco ?

La déclaration est passée quasiment inaperçue. Condensé de paroles ingénues, ne provoquant que quelques haussements d’épaules, ou expression d’une carence intellectuelle, faisant froid dans le dos, elle est indigne de la politique. Qu’elle soit prononcée par un homme ou par une femme, qu’elle soit mal comprise ou non, qu’elle fût mal interprétée ou pas, elle n’a pas lieu d’être et ne mérite aucune excuse. Son contenu traduit une incroyable maladresse culturelle et historique dont les premiers bénéficiaires ne peuvent être que les tyrans et autres sanguinaires de ce bas monde.

Candidate à la chancellerie en 2021, alors objet de moquerie pour ses nombreuses gaffes, l’actuelle Ministre des Affaires Étrangères allemande, Annalena Baerbock vient, une nouvelle fois, d’afficher ses limites. Endossant un costume trop grand pour diriger son ministère, elle ne peut en aucun cas se réclamer de ces chefs de la diplomatie allemande qui ont fait la renommée de la politique extérieure de la République fédérale. N’ayant rien de comparable avec le légendaire Hans-Dietrich Genscher, Frank-Walter Steinmeier ou plus encore avec son ami politique Joschka Fischer, elle accumule les faux-pas et ne peut que susciter quelques inquiétudes, qualifiées en l’occurrence et à juste titre, d’allemandes.

Venons-en au fait. Le 29 septembre dernier, Annalena Baerbock a prononcé devant le Bundestag un discours qui restera en mauvais souvenir. Bien que voulant apporter son entier soutien aux Iraniennes violemment réprimées par le régime des mollahs, elle s’est emmêlé les pinceaux. Oratrice médiocre, elle n’a rien trouvé de mieux que de déclarer que « quand la police, comme cela semble être le cas, bat une femme à mort, car selon l’avis des gardiens de la morale elle n’a pas porté correctement son voile, cela n’a rien, vraiment rien, à voir avec la religion ou la culture. Ce n’est qu’un abominable crime, voilà tout » ! Eh bien, non !  À Téhéran, cela a bel et bien à voir avec la religion !

On a beau chercher des circonstances atténuantes à Annalena Baerbock, on n’en trouve pas. Confondre un délit de droit pénal, si grave soit-il, avec un assassinat politique relève d’une irresponsabilité sans nom. Niant le lien de cause à effet entre la loi islamique et le port obligatoire du voile en Iran, plongée dans le déni intellectuel et religieux, elle déstabilise la lutte des femmes iraniennes et se comporte ipso facto comme l’alliée objective de ceux qui les assassinent. Que sa crédibilité personnelle puisse en pâtir n’a rien de grave en soi;  en revanche que celle de l’Allemagne puisse en être affectée l’est nettement plus.

Désormais, cette même Ministre des Affaires Étrangères allemande préconise l’avènement d’une politique étrangère féministe. À la lecture de ses déclarations sur la répression en Iran, celle-ci ne laisse augurer rien de bon. Sans savoir de quoi il s’agit au juste, on suppose que seules les femmes seraient en mesure de mener une autre politique extérieure. Mais, laquelle ? On en n’a pas la moindre idée ! Devant être au service des femmes, elle n’a pour intention principale que celle de les défendre. Intention plus que louable, nul ne pourrait s’y opposer, à l’exception peut-être de quelques dirigeantes qui, dès qu’elles accèdent au pouvoir, desservent le féminisme. Exemple taillé sur mesure du mainstream des années vingt, la politique étrangère féministe appartient, en réalité, à cet ensemble d’objets politiques non identifiés auxquels il ne faudrait pas succomber trop vite.

Mélange de bonnes intentions, mais aussi de dérives parfois sectaires, elle n’est pas à l’abri des pires contradictions dont ses plus fervents partisans et partisanes ne sont malheureusement pas toujours conscients. Au service d’un combat juste et honorable, la politique étrangère féminine peut aussi s’embourber dans des attitudes qui nuisent à sa cause. C’est le cas en Iran, mais aussi ailleurs. Qu’y a-t-il donc de si féministe dans le soutien gouvernemental apporté par Annalena Baerbock à son collègue écologiste politique Robert Habeck qui, sous les projecteurs de la presse internationale, n’hésite pas à faire une génuflexion devant l’émir du Qatar, dont l’engagement pour l’égalité des sexes laisse très largement à désirer ? S’arrêterait-elle au seuil de cette realpolitik qui, pour garantir les approvisionnements en gaz, se dévoie aujourd’hui de toutes ces belles déclarations de vertu dont les Allemands aiment pourtant se faire les apôtres ?

Épargnons, toutefois, à Annalena Baerbock le rôle de bouc-émissaire. Prise au piège d’une constellation dont elle n’a pas mesuré toute l’étendue, elle n’est que la victime d’une politique étrangère allemande qui a perdu certaines de ses lettres de noblesse. Que la coalition en poste à Berlin ait beau jeu de rejeter la faute sur les autres, cela ne convainc plus personne.  Son argumentation morale et son plaidoyer pour promouvoir la paix, ne résonnent guère aux oreilles de beaucoup de ses partenaires. Et la politique étrangère féministe n’y changera certainement pas grand-chose !

 

 

 

 

 

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