Politique européenne

Thuringe, la honte!

Les réactions à chaud sont souvent exagérées. Celle-ci le sera certainement aussi. Et rien ne sert de tomber dans le piège de l’invective et de la caricature antinazies. La Thuringe, Land au centre de la République fédérale d’Allemagne et à la frontière occidentale de la feue RDA, n’est pas d’extrême droite. Pourtant, l’extrême droite vient en ce jour du 5 février 2020 d’y fêter une victoire qui fera date, à savoir associer ses voix avec la CDU d’Angela Merkel et les libéraux du FDP.

Pour empêcher la réélection du Ministre-Président sortant, le néo-communiste Bodo Ramelow, l’AFD a joint ses voix à celles des chrétiens-démocrates et du parti libéral, permettant ainsi à un illustre inconnu, le FDP Thomas Kemmerich, d’accéder aux plus hautes fonctions dans cette région allemande. Depuis la création de la RFA et la renaissance de la démocratie allemande en 1949, c’est la première fois qu’un président d’un Land a été élu grâce à ceux dont l’idéologie rappelle à s’y méprendre les heures non les plus noires, mais les plus brunes de l’Allemagne.

La Thuringe fait honte, honte à elle-même, mais d’abord honte à l’Allemagne. Sur les décombres de Buchenwald renaissent les salauds qui se sont associés à cette sinistre mascarade politique. Qu’on le dise ou l’écrive haut et fort : il n’y a aucune excuse d’avoir collaboré, et le mot est plus que pertinent, au jeu de l’extrême droite allemande. Et à l’évocation d’un choix stratégique pour empêcher la non-réélection d’un communiste, de surcroît doté d’un excellent bilan social et démocratique, seuls le dégoût et l’opprobre peuvent servir de réponse.

C’est dans ces heures sombres que se séparent l’ivraie du bon grain. Qui aspire encore à la grandeur politique ne peut avoir pour seule attitude que de ne pas accepter l’élection du libéral, entre guillemets, Thomas Kemmerich. Entachée par un sceau idéologique brunâtre, elle est indigne de la démocratie allemande. C’est dans ces moments que les démocrates dignes de ce nom doivent faire preuve de grandeur. D’abord, aux sociaux-démocrates du SPD de faire planer l’ombre de la démission du gouvernement fédéral aux côtés d’un parti qui, ne serait-ce que pour l’épisode d’une élection régionale, choisit de mêler ses voix à celles de la droite extrême. Que le SPD se montre au grand jour et accuse son partenaire gouvernemental de la CDU de soumission à l’AFD. Ce que les électeurs sociaux-démocrates attendent maintenant, c’est non le renoncement, mais le courage qui a toujours fait la gloire et la fierté de leur parti, Willy Brandt en tête.

Mais, ce message concerne aussi Angela Merkel. Elle ne pourra pas se taire, et si elle le fait, elle devra s’exposer aux critiques amplement justifiées de ne pas avoir été en ce 5 février à la hauteur de l’événement pour dénoncer en temps et heure utiles cette blessure portée au cœur même de la vie démocratique de son pays.

Oui, les réactions à chaud sont souvent exagérées, mais sont nécessaires pour se prémunir contre l’inacceptable. Et ce qui a eu lieu en ce 5 février 2020 en Thuringe est inacceptable.

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