Politique européenne

Le faux pas diplomatique d’Ueli Maurer

Le président Ueli Maurer n’a pas raté son entrée en matière. À peine en fonction à la tête de la Confédération, il a fait parler de lui. Dès le 5 janvier 2019, il a préconisé une renégociation de l’accord-cadre avec l’Union européenne. Que grand bien lui fasse, à condition que cela fasse aussi du grand bien à la Suisse, ce qui n’est visiblement pas le cas.

La diplomatie, cela ne s’invente pas. Cela s’apprend et se pratique. Qu’il soit donc permis de rappeler à Ueli Maurer une règle de base dont il ne semble pas tenir compte. Aucune négociation internationale ne peut s’effectuer qu’avec soi-même. Il faut au moins être deux. Et si l’on oublie l’autre, il ne reste plus qu’à oublier toute forme de négociation. C’est le b.a.-ba de la diplomatie que l’on n’enseigne même pas dans les instituts de relations internationales, tant cela paraît évident pour tout le monde ; sauf, à première vue, pour le nouveau président de la Confédération.

Trêve, toutefois, de moqueries! Ueli Maurer savait très bien ce qu’il faisait, du moins sur le plan de la politique intérieure. Pour rassurer ses propres amis politiques, mais aussi les autres réfractaires à la signature de l’accord-cadre, il a tenté d’amadouer une population qui, à l’heure actuelle, n’est pas disposée à accepter ce texte par référendum. En signalant sa volonté de renégocier avec Bruxelles, il a ainsi voulu réaffirmer son désir de mettre en œuvre, à plus ou moins moyen terme, ledit accord-cadre. Par conséquent, on lui sait gré d’avoir redonné une chance à un dossier qui semblait ne plus devoir ressurgir de ses cendres.

Agissant de la sorte, Ueli Maurer a une fois de plus démontré que la politique européenne de la Suisse est avant tout une affaire interne. Sauf qu’elle ne l’est pas. Et c’est là que le bât blesse ! Au diapason de ce qu’est devenue une tradition helvétique, le gouvernement helvétique considère toujours que les relations entre l’UE et la Confédération ne sont élaborées que dans l’espace restreint de la salle de séance du Conseil fédéral. Cela avantage certes ce dernier, mais ne correspond pas à la moindre réalité politique et diplomatique. Si la Suisse demande à l’Union européenne de respecter son libre arbitre, Berne est aussi obligée de respecter celui des instances communautaires ; ce qui ne semble pas être visiblement le cas. Un tel aveuglement a d’ores et déjà suscité divers sautes d’humeur de la part des responsables européens, à l’image de celle du président François Hollande qui, lors de sa visite d’État en 2015 et suite au résultat du 9 févier 2014, avait rappelé aux autorités helvétiques qu’elles n’avaient aucun droit de remettre en cause, à l’exemple de celui de la libre circulation des personnes, les principes juridiques de l’Union européenne.

Vue de Bruxelles, la déclaration du président de la Confédération est le prototype même du faux pas diplomatique. D’ailleurs, c’est ce que le président de la Commission Jean-Claude Juncker et le président du Conseil européen, Donald Tusk, n’ont pas manqué de lui signifier dans « une lettre… courte mais directe ». Véritable camouflet adressé au principal intéressé, cette missive, teintée d’ironie et de compliments empoisonnés, ne laisse subsister aucun doute sur les intentions de l’exécutif européen. En effet, celui-ci se réjouit « … de travailler avec [Maurer] et avec les membres du Conseil fédéral, afin de créer les conditions qui permettront à cet accord d’entrer en vigueur aussitôt que possible”. Bref, c’est ce que l’on nomme une parfaite fin de non-recevoir à la proposition de renégociation de l’accord-cadre.

Ueli Maurer aurait dû compter avec ce refus clair et sans appel. Voulant réussir un coup de politique intérieure, il a complètement raté son coup de politique étrangère. Commettant point par point les mêmes erreurs que Theresa May, il se trouve dans une situation parfaitement analogue à celle de son homologue britannique. Ayant choisi une fois de plus de copier la stratégie européenne du Royaume-Uni, la Suisse est victime de son choix délibéré de toujours vouloir s’aligner à tout prix sur Londres. Elle l’a fait depuis l’après-guerre et s’évertue à persévérer dans ce qui ressemble de plus en plus à une faute politique.

Par manque de jugeote, le Président de la Confédération est par conséquent tombé dans le même piège que l’Union européenne a elle-même tendu à la Grande-Bretagne. Mettant les points sur les i, l’UE avait prévenu qu’elle n’était plus disposée à renégocier le Brexit avec le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté. Elle a tenu parole et en fera de même avec la Suisse. Aujourd’hui, le Brexit ne sera pas celui voulu par les Britanniques un certain 23 juin 2016. Demain, l’accord-cadre avec la Suisse ne sera, en revanche, pas différent de celui conclu avec Bruxelles. À l’exception près que la Suisse a encore subi une défaite diplomatique qu’elle aurait pu facilement s’épargner !

 

 

 

 

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