Politique européenne

Angela Merkel: combien de temps encore?

Combien de temps encore ? Est-ce une question de mois, de semaines ou même de jours ? Faudra-t-il attendre les élections régionales de Bavière et de la Hesse des 14 et 28 octobre pour qu’elle franchisse le pas ? Ou sera-t-elle destituée par le congrès de son parti prévu du 6 au 8 décembre à Hambourg ? Elle peut à la rigueur encore finir l’année, mais les oiseaux de mauvais augure planent sur la chancellerie à Berlin. Angela Merkel est au bord du précipice et son avenir politique s’assombrit à grands pas.

L’élection surprise d’un nouveau président du groupe parlementaire CDU/CSU au Bundestag a plus que fragilisé la chancelière. Venu de nulle part, totalement inconnu du grand public, Ralph Brinkhaus a créé la surprise en destituant de son poste Volker Kauder. Fidèle serviteur d’Angela Merkel depuis treize ans, celui-ci incarnait une ligne politique centriste, désormais rejetée par la majorité des députés chrétiens-démocrates. À la fois glissement à droite de la principale formation politique allemande et vote de défiance adressé à la chancelière, le remplacement à la tête de la fraction CDU/CSU constitue l’un des plus grands revers de politique intérieure qu’Angela Merkel a subis depuis son arrivée au pouvoir en 2005.

Poste clé du système parlementaire allemand, le président de groupe assume soit le rôle de chef de l’opposition, à l’exemple de la numéro un du SPD Andrea Nahles, soit celui de courroie de transmission entre le-a- chancelier-e- et son parti au Bundestag. En renvoyant Volker Kauder à ses chères études, les députés chrétiens-démocrates ont tout simplement détruit l’échafaudage politique que la chancelière avait soigneusement mis en place depuis treize ans. Ayant perdu le contrôle politique sur la majorité de ses députés, elle est dorénavant à leur merci. Elle n’a plus d’emprise sur eux, obligée de naviguer à vue dans un espace partisan en pleine décomposition et recomposition politique.

Contrainte de faire contre mauvaise fortune bon cœur, Angela Merkel minimise pour l’instant la gravité de son échec. Pourtant, nul n’est dupe. Ses orientations politiques ne sont plus partagées par une droite allemande qui, en perte de vitesse, doit faire face au succès grandissant de l’AfD. Par choix stratégique, mais aussi par conviction idéologique, l’aile la plus conservatrice de la CDU et une frange largement majoritaire de la CSU ont décidé d’épouser des idées très droitières dans lesquelles elles n’ont d’ailleurs guère de peine de se reconnaître. En souvenir du leader historique des chrétiens-sociaux bavarois Franz-Josef Strauss dont on fêtera d’ici quelques jours le trentième anniversaire de sa disparition, certains de ses héritiers espèrent encore que la droitisation de leur discours leur permettra d’éviter l’essor de la droite extrême. Sauf que ce qui fut vrai il y a trente ans, ne l’est plus aujourd’hui.

Le virage à droite de la CDU/CSU est inéluctable. Angela Merkel n’aura alors guère de chances de s’identifier à un parti qu’elle aura néanmoins dirigé depuis dix-huit ans. Elle ne pourra pas le conduire vers de nouvelles élections qui semblent de plus en plus vraisemblables. Espérant repousser leur échéance, la chancelière souhaiterait qu’elles aient lieu après les européennes de mai 2019. Consciente du fossé grandissant qui se creuse entre elle et ses amis politiques, elle sait que son choix pour « l’Europe des progressistes » contre celle des « populistes » risque d’être minoritaire au sein de sa propre formation. Passée relativement inaperçue, car exposée par un homme politique encore peu connu il y a quelques jours, une déclaration du nouveau président du groupe chrétien-démocrate au Bundestag devrait susciter quelques inquiétudes au-delà des frontières allemandes. Ralph Brinkhaus a en effet manifesté son opposition aux réformes européennes présentées par Emmanuel Macron et a dit tout le mal qu’il pensait d’un budget de la zone euro que pourtant la chancelière avait accepté lors de sa rencontre au château de Meseberg, en juin dernier, avec le président de la République française. Par conséquent, en prenant les rênes de la fraction CDU/CSU au Bundestag, ce même Brinkhaus pourrait provoquer une crise franco-allemande dont on ne mesure pas encore les répercussions qu’elle pourrait avoir sur le devenir de l’Union européenne.

Après l’Italie, la République fédérale d’Allemagne pourrait devenir le prochain « (très grand) enfant malade » de l’Europe. Les temps où Angela Merkel assurait une stabilité européenne sont bel et bien révolus, d’autant qu’une nouvelle majorité et de surcroît un nouveau chancelier ne seraient certainement pas en mesure de la garantir. Ainsi, il ne faut pas se voiler les yeux : Angela Merkel n’en a plus pour très longtemps. À ses voisins et à ses partenaires d’en prendre immédiatement conscience.

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