Theresa May est partie bredouille du sommet informel de l’UE qui s’est tenu les 19 et 20 septembre dans la ville natale de Mozart. Venue plaider sa cause, elle s’est heurtée au front uni de ses 27 partenaires qui n’ont pas accédé à la moindre de ses demandes. Son échec est celui d’une Grande-Bretagne qui ne trouve plus aucune issue pour se sortir d’un Brexit qu’elle a voulu. Le message de l’Union européenne a été pour le moins clair : « vous voulez quitter l’Union européenne, eh bien quittez-la ! Mais sans compensation, sans arrangement et sans le moindre avantage. Vous avez cru bon nous imposer vos règles du jeu ; eh bien ce sont les nôtres que nous vous imposons ». CQFD ! Pas de libre circulation des biens, services et des marchandises, sans libre circulation des personnes. Pas de dérogation spéciale pour un pays qui aurait aimé déroger aux libertés fondamentales de l’Union européenne.
Voilà que le Royaume-Uni se trouve isolé. Il en est le seul fautif. À lui d’en assumer l’entière responsabilité et au mieux, tel le conseil prodigué par quelques-uns de ses partenaires, d’organiser au plus vite un second référendum sur le Brexit. La Grande-Bretagne prendrait ainsi exemple sur la Suisse qui, durant son histoire référendaire, a plusieurs fois eu recours à un second vote pour réparer ou corriger une décision populaire qui, impossible à mettre en œuvre ou dommageable pour ses intérêts, est repassée par la case de la démocratie directe.
Avant de subir un sort analogue à celui que l’UE vient d’infliger aux sujets de sa très Gracieuse Majesté, la Confédération devrait se pencher sérieusement sur les conclusions adoptées lors du sommet de Salzbourg. Traditionnellement très proche de la politique européenne de la Grande-Bretagne, se réclamant encore et sans cesse du discours de Winston Churchill du 19 septembre 1946 à l’Université de Zurich et, à l’image de quelques-unes de ses personnalités qui s’étaient plus ou moins officiellement frotté les mains lors du résultat du vote sur le Brexit du 23 juin 2016, prête à s’inspirer de l’argumentaire déployé par la Première ministre anglaise en Autriche, la Suisse a toujours préféré s’allier avec Londres pour définir et conduire sa politique européenne.
Aujourd’hui, Berne doit se rendre à l’évidence. L’échec du Royaume-Uni est aussi le sien. Victime collatérale de la défaite cuisante enregistrée par Theresa May, la Suisse doit impérativement tirer les leçons de ce qui vient de se passer à Salzbourg. En disant clairement « no » à la première dame anglaise, l’Union européenne lance aussi un grave avertissement au Conseil fédéral. Formulé de manière plus ou moins diplomatique, il pourrait être libellé de la manière suivante : « ne vous attendez surtout pas un instant à recevoir ce que nous venons de refuser à la Grande-Bretagne ». Pour poursuivre, « ce que nous pourrions à la rigueur accorder à un État qui pourrait – au conditionnel – encore rester parmi nous, nous ne pourrions en aucun cas le concéder à un pays qui refuse toujours de nous rejoindre » !
Quels que soient les débats internes de la Suisse sur les mesures compensatoires ou sur certaines dérogations fiscales, le message de l’UE est plus clair que jamais : « ne vous attendez pas à avoir un régime de faveur de notre part ». Néanmoins, ce langage ne semble pas encore avoir atteint le Palais fédéral. Par autisme ou par nombrilisme, le gouvernement a décidé de faire la sourde oreille. Retranché derrière sa pile de dossiers, la tête plongée dans ses expertises juridiques payées à coût de centaines de milliers de francs plus ou moins jetés par la fenêtre, englué dans des jeux miséreux de la politique politicienne helvétique, le Département fédéral des Affaires étrangères n’est plus à la hauteur de l’événement et des défis que l’Union européenne ne manquera pas de lui lancer. Aujourd’hui, et après le sommet de Salzbourg, si sévère puisse-t-elle sonner aux oreilles de nos gouvernants, une seule conclusion s’impose : après l’avoir fait avec la Grande-Bretagne, l’Union européenne a pris l’ascendant sur la Suisse !