Politique étrangère: assez des apprentis sorciers

Suisse du CICR versus Suisse exportatrice d’armes

« Le CICR appelle toutes les parties au conflit à protéger en tout temps les blessés et les malades, les personnels de santé, les travailleurs humanitaires et les infrastructures essentielles à la survie de la population – telles que structures médicales, écoles, systèmes d’approvisionnement en eau, boulangeries et terres agricoles –, dans le respect des dispositions du droit international humanitaire. Les blessés et les malades doivent recevoir les soins médicaux qu’exige leur état, sans aucune distinction fondée sur des critères autres que médicaux. »

Au début des « opérations de reconquête » d’Idlib par les forces du régime syrien et ses alliés, ce simple et traditionnel, en pareilles circonstances, communiqué du CICR est glaçant! Rien n’a-t-il changé dans le monde depuis Henri Dunant? Pas grand chose à vrai dire dans le « dark web » humain. L’homme reste un loup pour l’homme, mais un loup « High Tech ». Aujourd’hui il tue avec des armes sophistiquées et à grande échelle. De quoi rendre jaloux les combattants de Solférino!

Nos marchands de canons ont fait céder la digue!

Curieusement, mais, on le lui accorde volontiers, sans l’avoir cherché, le Conseil Fédéral a choisi ce moment pour décider « d’assouplir » l’ordonnance sur les exportations d’armes de guerre, ouvrant le marché lucratif des guerres civiles à nos exportateurs. Cruel clin d’oeil sémantique lorsque l’on sait que cette «action pour rendre plus malléable» n’aura pas seulement l’effet escompté sur la courbe d’exportation de nos armes mais aussi sur celle des morts «swiss  made». Bien sûr il a été communiqué « qu’en aucun cas des exportations vers la Syrie ne seront autorisées ». Au moins depuis la récente publication de l’audit du Contôle fédéral des finances  sur le sujet plus personne n’ignore que ce genre de promesses n’engage que ceux à qui elles sont adressées. Une fois qu’elles ont quitté la Suisse, les armes disparaissent généralement de nos radars. D’ailleurs, honnêtement, à part les journalistes qui est intéressé à leur traçage?

Si une hirondelle ne fait pas le printemps, le départ de l’une d’entre elles en revanche peut tout changer,  en l’occurrence celui de l’ancien Chef des affaires étrangères: le CF Didier Burkhalter. Son combat pour les valeurs était connu et reconnu. Il s’est chaque fois opposé à un tel « assouplissement », sachant quelles en seraient les conséquences sur notre image. Comme il fallait s’y attendre, à son départ, personne au Conseil fédéral, à commencer par son successeur, n’a remplacé son doigt plaqué sur le petit trou pour colmater la fuite d’eau. Sous la poussée des lobbyistes des armes, la digue a logiquement cédé. Dans le monde politique et au Parlement certains s’opposent à cette décision tandis que d’autres, comme récemment une commission du Conseil des États, jouent les Ponde Pilate et se bouchent le nez, les oreilles et la bouche, rappelant que tout cela est de la compétence du gouvernement.

L’urgence d’une réforme

Il ne faudrait pas seulement corriger cette mauvaise décision mais réformer radicalement un défaut structurel dans notre procédure d’autorisation d’exporter des armes. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), qui en a la charge, a surtout pour mission d’aider nos exportations. Pourquoi ferait-il une différence entre un canon et une machine à café? Le Département des affaires étrangères, supposé être le dépositaire de notre politique des droits de l’homme et de notre image, était sensé pondéré les décisions du SECO. On a vu ce qu’il advient lorsqu’il ne le fait plus. Il est donc plus que jamais nécessaire de charger un organe supérieur et transversal de cette tâche.

Exporter des armes c’est aussi de la politique étrangère. C’est pour l’avoir oublié que notre gouvernement doit plus que jamais aujourd’hui se déterminer et choisir entre la Suisse du CICR et une Suisse exportatrice d’armes.

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