Il faut appeler un chat un chat: Sale bête est un blog antispéciste. Il se propose d’aborder la thématique du spécisme à la fois sous un angle philosophique et via l’actualité, pour peu que cette dernière s’y prête. Vous vous demandez ce qu’est le spécisme? Vous ne pouviez pas mieux tomber, car c’est l’objet de ce premier billet.
Quarante ans après son invention, le mot “spécisme” fera l’année prochaine son entrée dans le Petit Robert. D’après le dictionnaire, le spécisme est “l’idéologie qui postule une hiérarchie entre les espèces et, en particulier, la supériorité de l’être humain sur les animaux”.
Indice supplémentaire d’une prise de conscience désormais collective, s’enthousiasment certains. Mais d’autres regrettent déjà le choix de la définition. Si le spécisme était l’affirmation d’une hiérarchie entre les espèces, il n’est pas clair qu’il faudrait s’y opposer. De fait, qui nierait sérieusement que les humains sont (en moyenne) plus intelligents que les moustiques?
Les choses se compliquent néanmoins lorsque les plus enthousiastes concèdent ce point tout en rejetant la thèse d’une hiérarchie. Même si nous sommes plus intelligents que les moustiques, on aurait tort d’affirmer sans plus de précaution que nous leur sommes supérieurs. Après tout, en matière de voltige, les moustiques l’emportent haut la patte.
Armé d’un minimum de bonne foi, on admettra néanmoins que les relations qu’expriment les énoncés du type “x est supérieur à y” sont en principe indexées sur un critère implicite. Si votre tante Gilberte soutient que les humains sont supérieurs aux moustiques, elle fait probablement référence à leurs capacités mentales.
D’un autre côté, si elle signifiait réellement que les humains sont supérieurs aux moustiques tout court – c’est-à-dire sans référence au moindre critère –, il faudrait malheureusement conclure qu’elle n’a plus toute sa tête, cette idée étant dénuée de sens. Mais Gilberte ne serait pas spéciste pour autant.
En effet, quoi qu’en dise le Petit Robert, le spécisme n’est pas l’idéologie qui postule une hiérarchie entre les espèces. À sa décharge, il faut reconnaître que le terme fait l’objet d’usages variés, y compris chez celles et ceux qui savent s’en servir. Pour le propos de ce blog, la définition suivante fera l’affaire.
De la même manière que le racisme (sous l’une de ses formes) est la discrimination basée sur l’appartenance de race, le spécisme est la discrimination basée sur l’appartenance d’espèce. Tandis que les racistes négligent les intérêts des Noirs et leur refusent certains droits parce qu’ils n’ont pas la peau blanche, les spécistes négligent les intérêts des animaux et leur dénient certains droits parce qu’ils n’appartiennent pas à l’espèce humaine.
Comme l’indique, très justement cette fois, le Petit Robert, les antispécistes s’opposent au spécisme. Ce faisant, ils ne demandent pas une stricte égalité de droits entre humains et animaux. Après tout, le rejet du sexisme n’implique pas l’instauration d’une stricte égalité de droits entre hommes et femmes: les hommes n’ayant pas d’intérêt à avorter, personne ne demande qu’ils aient le droit de le faire. De manière analogue, personne ne milite donc pour que les cochons disposent du droit de vote ou pour que les veaux accèdent aux écoles publiques.
Le rejet du spécisme nous impose seulement de tenir compte des intérêts de chacun indépendamment de son espèce. Et d’accorder aux animaux les droits qui s’ensuivent.