Et si nous parlions d'école?

Où atterrir… en cas de catastrophe climatique?

Je ne vais pas m’étendre sur les décisions en demi-teinte qui caractérisent la COP26 qui vient de se terminer.

Je préfère rebondir sur l’image qui illustre l’article de Simon Petite dans le numéro du Temps du 14 novembre 2021. On y voit, selon le commentaire qui l’accompagne, un manifestant brandir une banderole avec le slogan “Le climat change, pourquoi ne changeons-nous pas?”

Excellente question. Militante pour un “catastrophisme éclairé” (Jean-Pierre Dupuy, 2004), je pense que, comme dans le mythe de Jonas (celui qui a fait un séjour dans le ventre d’une baleine), l’annonce d’une destruction programmée (ce que fait le GIEC si nous ne changeons rien à notre “business as usual” ) devrait nous conduire à modifier radicalement nos comportements pour éviter à tout prix cette prophétie de malheur.

Or, mis à part les pays qui subissent déjà maintenant les affres du réchauffement, les autres, et les plus pollueurs, ne changent rien. Trop d’argent en jeu, trop d’intérêts financiers, trop d’investissements à rentabiliser, trop de lobbies dans les coulisses du pouvoir.

Alors, comme le disait Gro Harlem Brundtland dans l’Agenda 21 pour le grand public en 1992 déjà : “Les promesses faites à Rio (nous pourrions dire Glasgow…) ne pourront être tenues à temps pour assurer notre avenir que si les citoyens, les gens prêts à soutenir des décisions difficiles et à demander le changement, savent inspirer leurs gouvernements et exercer des pressions sur eux“. A nous donc, citoyens responsables et désireux de voir nos enfants et nos petits-enfants évoluer sur une planète accueillante et une société en paix de crier encore plus fort que nous voulons des changements radicaux pour freiner ce train du désastre lancé à grande vitesse sur les rails d’une “modernité” dont le nom même apparaît aujourd’hui désuet.

Il va donc falloir inventer autre chose qu’éteindre les lumières en sortant d’une chambre ou d’arrêter le robinet quand on se lave les dents pour changer la donne. Mais quoi? … Vers quel avenir voulons-nous tendre? Où désirons-nous atterrir, pour reprendre les termes de Bruno Latour (2017)? Nous n’avons aucune vision d’avenir. Ou, si nous l’avons, elle ne peut qu’être défaitiste, comme s’il n’y avait pas d’autre voie que celle de retourner vers l’âge des cavernes. Car, il faut bien l’avouer, dans notre Suisse luxuriante, si bien organisée, dans laquelle nul ne meurt ni de faim, ni de soins inappropriés, imaginer un avenir meilleur est difficile. Notre confort est si sécurisant qu’il nous fait oublier que tout le monde ne le possède pas et que son prix est celui que vont payer bien avant nous quantités d’habitants touchés tant par la désertification que par la montée des eaux. 

Si nous ne changeons pas, c’est tout simplement parce que nous avons trop à perdre. Du moins, dans l’immédiat. Et que nous n’imaginons pas ce que nous pourrions gagner qui puisse supplanter ce confort qui nous endort. Engoncé dans une société dont les membres ont oublié qu’ils n’avaient pas seulement des droits, mais également des devoirs, notre vision d’une liberté individuelle axée sur la propriété matérielle privée nous empêche de développer un imaginaire collectif porteur de sens et d’espoir. 

Et pourtant…. en assistant à la Session fédérale des jeunes qui s’est tenue dimanche passé sous la coupole, j’avais le coeur rempli d’espoir. Toutes et tous ont proposé des projets concrets pour sortir des ornières dans lesquelles nous nous enfonçons. Loin des lobbies et de leurs intérêts toxiques, ces jeunes adultes réussissaient à penser un monde où la justice sociale et environnementale prenaient le pas sur le besoin de croissance économique. Cela ne signifie pas que l’économie était oubliée. Non. Mais, pour une fois, elle n’était pas tournée de manière nombriliste vers ses seuls profits.

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