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L’école valaisanne, pionnière pour développer les forces intrinsèques des élèves

Cycle d'orientation et école professionnelle de St-Maurice, Valais. Prises de vues du 7 mai 2015

Si l’on pose la question suivante aux parents : que souhaitez-vous pour vos enfants ? La majorité donneront des réponses qui tournent autour de l’épanouissement et de la santé physique, émotionnelle et psychologique de leur enfant. En revanche, quand on regarde ce que l’école enseigne, il s’agit essentiellement d’outils d’accomplissement1. Il semble y avoir un fossé entre ce qui est souhaité par les parents et ce qui est enseigné, et ce malgré de nombreuses recherches démontrant les bénéfices cognitifs de considérer le bien-être psychologique des élèves.

C’est dans ce contexte que Philipe Gay et Nicolas Bressoud, deux chercheurs valaisans, lancent un projet d’établissement dont l’objectif est de favoriser le développement des forces personnelles des élèves en milieux scolaires ordinaires et intégratifs. Les impacts de ces séquences pédagogiques seront évalués dans le cadre d’une recherche de large envergure menée par la HEP Valais, en collaboration avec le Centre Interfacultaire en Sciences Affective (Université de Genève), l’université de Fribourg et l’université Grenoble Alpes.

Développer les forces de caractère

Les forces de caractère de Peterson et Seligman constituent un modèle-phare pour développer les ressources des individus. En partant de six vertus (sagesse, courage, humanité, transcendance, tempérance, justice), les chercheurs ont isolé 24 forces spécifiques : créativité, amour de l’apprentissage, curiosité, perspective, pensée critique, capacité à diriger, sens de la justice, travail d’équipe, prudence, maîtrise de soi, modestie, pardon, spiritualité, humour, gratitude, reconnaissance de la beauté, optimisme, intelligence sociale, gentillesse, capacité d’aimer et d’être aimé, joie de vivre, honnêteté, persévérance, courage.

Ces 24 éléments ont tous du crédit socialement et moralement (les auteurs ne considèrent pas comme force personnelle la capacité à mentir, par exemple).

Encourager et construire l’individu à partir de ses forces intrinsèques plutôt que de ses faiblesses

Dans ce projet, le postulat de base est que chaque enfant possède des forces spécifiques qui, si elles sont reconnues et stimulées, lui permettent d’améliorer son bien-être, ses apprentissages scolaires, son engagement à l’école et la cohésion du groupe-classe. Pour l’enseignant autant que pour les élèves, il s’agit de passer d’un mode de pensée et d’un vocabulaire centrés sur les manques et les difficultés à une vision fondée sur les forces individuelles.

Les effets escomptés sont que les élèves (et les enseignants) commencent à définir l’autre et soi selon ce qu’ils peuvent amener au groupe (par exemple : “Il a un sens de la justice très fort”) plutôt qu’en fonction de ses lacunes (par exemple : “Il parle trop”).

La mise en place en classe

Dès la fin de l’été, les enseignants participant à ce projet seront formés à sa mise en œuvre. Plus précisément, le programme d’intervention sera construit autour des éléments suivants2:

1) Développer un langage commun dans la classe en utilisant la liste des 24 forces qui permet d’identifier les ressources énergisantes des individus plutôt que leurs faiblesses, les utiliser davantage dans le quotidien et en classe (p. ex. décrire les qualités d’un ami en utilisant la liste des forces).

2) Identifier et réfléchir aux forces des autres (p. ex. mettre en place des observations des forces dans la classe et des conséquences positives qui découlent de l’utilisation de ces forces).

3) Identifier et réfléchir à ses propres forces (p. ex. identifier ses trois forces principales dans des contextes différents).

4) Utiliser davantage ses forces dans le quotidien et les utiliser de façon nouvelle (p. ex. réaliser un plan d’action pour mettre en œuvre ses principales forces dans et en dehors de l’école).

5) Identifier et cultiver les forces du groupe au niveau de la classe voire de l’école (p. ex. repérer les forces en présence sur lesquelles il est possible de s’appuyer).

En plus de travailler au niveau individuel (p.ex., reconnaitre et cultiver ses forces et celles de ses camarades), les activités sur les forces seront également réalisées au niveau de l’identité de la classe (p.ex., reconnaitre les forces du groupe-classe, la richesse de la diversité) et, si possible, au niveau de l’ensemble du centre scolaire (élaborer une culture commune qui oriente l’attention sur les ressources plutôt que les déficits).

Les premiers résultats attendus dans une année permettront de préciser les conditions d’intégration au programme de ces éléments essentiels pour mieux apprendre et enseigner les compétences sociales et émotionnelles.

 

  1. Seligman et al. (2009)
  2. Eléments proposés par Linkins et collaborateurs (2015)

Cet article a été écrit en collaboration avec Philipe Gay et Nicolas Bressoud

1. photo du CO de St-Maurice :  Yves André
2. dessins de Laure Coutaz Bressoud
3. dessin des 24 forces :  VIA INSTITUTE ON CHARACTER.
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