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Nucléaire : les centrales suisses sont vétustes et dangereuses

Paysage argovien

Un accident nucléaire dans l’une des 4 centrales nucléaires suisses provoquerait l’irradiation de millions de personnes, des dizaines de milliers de cancers et de maladies cardiovasculaires, et l’impossibilité de cultiver des milliers de km2 devenus radioactifs.

Voilà le résultat d’une étude très intéressante (1) publiée le 21 mai dernier. Un spécialiste de sciences de l’environnement, un médecin, un météorologue et des géomaticiens se sont associés pour simuler les effets d’un accident nucléaire majeur dans l’une des 4 centrales nucléaires suisses. Les conclusions font froid dans le dos. L’impact sanitaire et environnemental serait catastrophique. Il faut aussi imaginer le chaos généré par un tel accident, avec des centaines de milliers, si ce n’est des millions de réfugiés, selon la direction du vent le jour de l’accident. La Suisse est un petit pays : un accident majeur dans l’une des quatre centrales pourrait rendre plusieurs cantons inhabitables, couper le pays en deux, et le déstabiliser politiquement de manière profonde et durable. Tout ceci est du domaine du possible, étant donné que cela est déjà arrivé en Ukraine, et au Japon, et que nos centrales nucléaires sont prolongées au-delà des 30 ans prévus à l’origine. Avec chaque année qui passe, les risques d’accident augmentent. La vieille centrale de Beznau est exploitée depuis 50 ans !

Et pourtant… tout avait si bien commencé

Sous le choc de Fukushima en 2011, le Conseil fédéral décide de sortir du nucléaire. Une dynamique nouvelle naît alors pour penser « l’après », produire des énergies de substitution à l’électricité atomique, consommer moins. De multiples initiatives de la part de la Confédération, des cantons, communes, entreprises et particuliers éclosent ou prennent leur essor, stimulées par cette volonté partagée de produire et consommer de l’énergie autrement.

Comme d’autres, ma ville (Nyon) a agi: des centrales photovoltaïques, des installations de chauffage à distance, de géothermie profonde, etc. sont étudiées. Des soutiens à des projets privés qui visent une consommation moindre et propre, dans les deux sens du terme, sont octroyés. Les autorités visent l’exemplarité dans les modes de construction, d’achats, ou encore de mobilité. Bref, comme 436 autres communes suisses, regroupant 60 % de la population de notre pays, Nyon est une « Cité de l’énergie » : cet excellent résultat helvétique a été obtenu au cours de ces deux dernières décennies. Mais à quoi bon ?

Le soufflé est retombé

Après les décisions fédérales de ne plus construire de centrales nucléaires, c’est l’heure du grand flou et du coup de mou. Les autorités tergiversent quant à la date de fermeture des centrales nucléaires. On sous-estime systématiquement les risques liés à l’utilisation prolongée de ces machines vétustes. La situation économique est difficile, et du coup l’investissement environnemental des collectivités publiques fléchit. Il n’est plus prioritaire à tous les niveaux des élus, ou est devenu concurrencé par d’autres projets considérés comme plus « urgents ».

Cette baisse du feu sacré est aussi causée par la baisse des soutiens fédéraux pour les particuliers, entreprises et institutions publiques dans le domaine des énergies renouvelables. Si des raisons financières ont été avancées par les autorités pour justifier cette réduction de subventions, il y a aussi des calculs économiques à court terme qui sont faits par les gros producteurs et consommateurs d’électricité (voir ci-dessous). Le résultat final de cette réduction du soutien fédéral est que les investissements faits maintenant dans le domaine de l’environnement sont devenus plus chers, et risqués. Ce sont pourtant eux, et particulièrement ceux dans la production d’électricité photovoltaïque, qui vont permettre de remplacer le nucléaire (voir le récent livre de Roger Nordmann à ce sujet : Le Plan solaire et climat, Editions Favre).

Pourquoi ce coup de mou ?

La sortie du nucléaire implique le démantèlement de centrales : une entreprise complexe, longue et dangereuse. La loi suisse sur le nucléaire oblige les propriétaires de centrales à le faire à leurs frais. Le fonds d’épargne pour les démantèlements n’a été que très partiellement approvisionné par les producteurs d’électricité. Autrement dit, il n’est pas inclus dans le prix de l’électricité.

Inutile de préciser que les propriétaires de centrales ne sont pas pressés de fermer ces centrales, ni de favoriser l’essor des énergies renouvelables. Ils le sont d’autant moins que la production d’énergie « propre » met leur modèle d’affaire en danger. La décentralisation de la production rendue possible par les panneaux photovoltaïques sur les bâtiments est bonne pour la nature, l’économie et la population, mais nocive pour les monopoles.

Les grosses entreprises électriques suisses qui – comique de l’histoire – sont en grande partie en mains publiques, ont donc été bien entendues par les autorités fédérales : les fermetures de centrales sont repoussées régulièrement. Et il n’y a plus de volonté politique pour les faire aboutir.

Que faire pour avancer maintenant ?

Les jeunes et les moins jeunes défilent dans nos villes pour laisser les ressources fossiles et fissiles sous terre. Ils disent l’urgence de la situation, ils demandent de l’action.

Alors que les autorités poussent à bout nos vieilles centrales, et n’encouragent pas encore assez les investissements dans les productions propres d’énergie et de chaleur, il est plus que temps de changer la dynamique. Celle-ci doit permettre, de haut en bas, et de bas en haut, de produire et consommer autrement. Il faut donc donner de la voix pour sortir du nucléaire, vraiment, et relancer le débat, pour mieux agir ! Les risques sont tout simplement trop élevés. La Suisse ne peut pas se permettre de les prendre plus longtemps.

 

(1) Institut Biosphère, Etude sur la vulnérabilité de la Suisse en cas d’accident nucléaire majeur sur le territoire national, Dr. Frédéric-Paul Piguet, étude réalisée sur mandat de l’association Sortir du Nucléaire

 

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