Politique migratoire

Crise en Ukraine et perspectives migratoires

La situation en Ukraine est totalement incertaine, mais un scénario de fuite importante de réfugiés est envisageable. Le chiffre de plusieurs millions a été évoqué par l’ambassadrice américaine à l’ONU. Aucune méthode ne permet de faire des pronostics, mais l’Ukraine est un grand pays (44 mio. d’habitants[1]) situé à proximité (la distance Lviv – Buchs est de 1300 kil. env.). Depuis 2017, les Ukrainiens sont exemptés de l’obligation de visa pour des séjours dans l’espace Schengen[2]. En cas de demande d’asile, ce sont les accords de Dublin qui s’appliquent : le pays d’arrivée est compétent[3].

En cas de poursuite de la situation de guerre ce sont principalement les pays limitrophes (Moldavie, Roumanie, Hongrie, Slovaquie, Pologne) qui recevraient en premier lieu des réfugiés. Tous sont de l’UE, sauf la Moldavie[4].

Durant une durée de 3 mois, le séjour des personnes pourrait être considéré comme légal. Dans un second temps, les modalités d’accueil seraient soit les procédures d’asile individuelles soit une protection collective. Dans l’UE la Protection temporaire (Conseil UE du 20 juillet 2001), jamais activée jusqu’ici[5]. Ce dispositif exceptionnel et temporaire (1 an prolongeable à 2 ans au maximum) doit être autorisé par une décision du Conseil de l’Union européenne. Le Conseil peut y mettre fin si la situation dans le pays d’origine permet un retour des personnes déplacées. Le Fonds ‘‘asile, migration et intégration’[6] permet d’assister ces personnes et l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) pourrait soutenir les pays pour l’enregistrement et l’accueil des personnes. Il est prévu que « les États membres accueillent, dans un esprit de solidarité communautaire, les personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire. Ils indiquent, de façon chiffrée ou en termes généraux, leurs capacités d’accueil. ». Il n’y a – malgré de nombreux appels en ce sens – pas encore actuellement de clé de répartition pré-établie décidée par l’UE. Des instruments permettant de calculer une répartition équitable en fonction de la population, de la richesse et de la conjoncture économique ont été proposés. Ici celui que j’ai développé avec le NCCCR on-the-move.

La Suisse dispose d’un permis collectif comparable à celui de l’UE avec la Protection provisoire (permis S / Art. 66 à 79a de la loi sur l’asile (LAsi)2). Il vise à protéger « des personnes aussi longtemps qu’elles sont exposées à un danger général grave, notamment pendant une guerre ou une guerre civile ou lors de situations de violence généralisée ». Ce permis est octroyé collectivement sans procédure d’asile. Il permet le regroupement familial immédiat sous certaines conditions. Si la personne ne peut rentrer dans un délai de 5 ans un permis B est délivré qui peut être transformé en permis C après 10 ans.

Les pays de l’UE disposent par ailleurs à des titres divers de plan d’accueil pour des arrivées importantes de réfugiés. Plusieurs pays limitrophes ont déjà fait état de capacités substantielles d’accueil. La Suisse dispose de son côté depuis 2012 d’un plan d’urgence pour faire face à un afflux éventuel de réfugiés.

Sur la base de ce qui précède on peut considérer que l’Europe est relativement bien préparée à un accueil important et souhaiter que la Suisse s’associe aux mesures pouvant être décidées par l’UE. La protection collective temporaire, en Suisse le permis S, semble la mieux adaptée à la crise actuelle. Enoncer des chiffres à cet égard n’a que peu de sens et pourrait donner l’impression de mettre en place des quotas injustifiables: toute personne ayant besoin d’une protection devrait pouvoir l’obtenir, quitte à ce que le séjour s’avère de courte durée. Ce fut le cas lors de l’intervention de l’OTAN en ex-Yougoslavie de 1999 durant laquelle de nombreuses personnes furent hébergées en Suisse dans des abris de protection civile. La Suisse sut faire preuve de générosité durant cette phase aigüe d’une crise qui s’avéra heureusement de courte durée.

Interview sur le thème dans Forum du 25.02

 

[1] 144 mio. dans la Fédération de Russie.

[2] En principe passeport biométrique + vaccination COVID pour la Suisse.

[3] Nb. même si il s’agit d’une arrivée légale [dispense de visa].

[4] Accord d’association entre la Moldavie et l’Union européenne de 2014 – politiquement contesté par les partis pro-russe. Nb. La Roumanie applique Dublin mais n’est pas dans Schengen.

[5] Les personnes concernées sont les étrangers non-européens qui fuient massivement leur pays ou leur région d’origine et qui ne peuvent pas y retourner. En raison notamment d’un conflit armé ou de violences ou parce qu’ils sont victimes de violations graves et répétées des droits de l’homme.

[6] 10 milliards d’euros pour la période 2021-2027.

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