Politique migratoire

En Biélorussie, les migrants ne sont pas les seuls coincés…

Une clôture à la frontière entre Pologne et Biélorussie en août 2021. — © Kacper Pempel/REUTERS

« La frontière polonaise n’est pas seulement une ligne sur une carte. La frontière est sacrée – le sang polonais a été versé pour elle ». Cette phrase du premier ministre polonais Mateusz Morawiecki[1] illustre le guêpier dans lequel le rusé président biélorusse vient de faire tomber l’Union européenne en laissant transiter par son pays des milliers de migrants.

Accuser M. Loukachenko de violer le droit international comme le fait l’UE est justifié puisqu’il instrumentalise scandaleusement la détresse. Mais ce même droit international est encore plus directement violé en cas de refoulement aux frontières de personnes qui pourraient avoir des motifs d’asile valables. Les pratiques de refoulement polonaise et lituanienne sont à cet égard pour le moins sujettes à caution. Selon les autorités polonaises, des milliers de migrants ont ainsi été bloqués lundi au poste de Kuznica.

Si l’UE et l’OTAN affirment sans ambages leur soutien à la Pologne et à la Lituanie, l’Organisation internationale des migrations et le HCR marchent sur des œufs dans leur communiqué commun et rappellent la nécessité « d’identifier les personnes ayant besoin de protection et celles qui souhaitent demander l’asile ».

C’est bien l’absence d’une politique d’asile cohérente qui est au cœur de cette crise : d’un côté les pays de l’UE accordent assez largement des permis de séjour humanitaires aux personnes qui parviennent en Europe en franchissant la frontière illégalement et font peu d’efforts pour l’exécution des renvois ou la mise en place de formes alternatives de protection hors d’Europe. D’un autre côté, de discrets refoulements aux frontières sont documentés tout autour de l’UE et aucunes modalités de protection ou d’assistance ne sont ouvertes aux personnes qui ne peuvent bénéficier des services de passeurs peu scrupuleux (dont le dernier en date est le président biélorusse).

La rhétorique guerrière adoptée par l’UE (qui stigmatise 20 pays pour avoir organisé des transferts de migrants vers la Biélorussie) peut évidemment se comprendre par le sentiment d’être pris au piège, mais une réflexion de fond s’impose sur les modalités de l’asile et sur l’asymétrie vertigineuse des droits entre une personne ayant réussi à mettre le pied à l’intérieur de l’UE et une personne bloquée ailleurs dans le monde…

Faute d’un tel aggiornamento, les dictateurs des pays limitrophes de l’Europe continueront à tenir par le manche un couteau redoutable.

[1] Rapportée par RTS – info. du 9.11.21

IMAGE: Une clôture à la frontière entre Pologne et Biélorussie en août 2021. — © Kacper Pempel/REUTERS Source : LE TEMPS 

Ce thème est traité dans FORUM RTS du 20.11.2021

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