Politique migratoire

Les demandes d’asile vont-elles augmenter en lien avec la COVID-19 ?

Les demandes d’asile déposées en Suisse ont diminué d’environ un tiers entre 2019 et 2020.

Les arrivées ont été et sont encore freinées par les multiples restrictions aux déplacements liées à la pandémie. Si on envisage un redémarrage de la mobilité en 2021, on peut escompter un effet de rattrapage pour des personnes qui avaient été bloquées dans des zones de transit.

Doit-on prévoir une augmentation plus forte encore liée aux conséquences de la pandémie ? Cet article développe la question de la MATINALE RTS du 19.01.

La dégradation en cours des conditions de vie dans de nombreux pays du monde plaide pour ce scénario avec une combinaison de déclin économique et de troubles politiques pouvant exacerber des situations de violence. Cela fait déjà de nombreuses années qu’on assiste dans le domaine de l’asile à une migration de survie qui ne concerne pas des personnes individuellement impliquées politiquement ou menacées par des violences ciblées mais dont les conditions de vie et la sécurité sont mises en péril par une combinaison de facteurs[1].

Si on s’en tient à cette analyse, on peut prévoir un accroissement très substantiel des demandes d’asile en Suisse. Il faut cependant se souvenir que l’existence de motifs de fuite n’est qu’une première condition au déplacement. Il y en a trois autres.

La première est que les personnes soient en mesure de partir : qu’elles en aient les moyens. Raison pour laquelle ce ne sont pas les pays les plus pauvres ou dont la situation est la plus fortement dégradée qui connaissent les départs les plus massifs mais les pays intermédiaires[2].

La seconde est qu’existent des voies d’accès et des connexions géographiques. Il en existe par exemple de l’Erythrée vers la Suisse, beaucoup moins de la République Démocratique du Congo ou d’Amérique du Sud. De la même manière, si des accords prévoient que les personnes doivent déposer leur demande d’asile dans un pays de transit, comme l’exigent les accords de Dublin, cela exerce un effet de frein considérable. La Grèce ou l’Italie retiennent ainsi bien malgré elles une partie des personnes qui pourraient souhaiter venir en Suisse. L’impossibilité de franchir certaines frontières, entre la Croatie et la Bosnie p.ex., a le même effet.

La troisième condition est que les personnes concernées puissent s’attendre à rester en Suisse et pour cela puissent faire valoir des motifs qui rendent leur renvoi impossible. Même dans une situation grave cela ne fait pas de sens pour un ressortissant Indien de demander l’asile en Suisse car, sauf exception, cette personne serait renvoyée dans un bref délai.

Les principaux pays d’où pourraient provenir des requérants d’asile plus nombreux sont ceux pour qui les trois conditions ci-dessus sont réunies et, de fait, ceux qui sont déjà à l’origine du plus grand nombre de demandes d’asile en Suisse: Erythrée, Afghanistan, Syrie, Turquie et quelques autres.

Sur cette base, un scénario de forte augmentation des demandes d’asile vers la Suisse est envisageable. Cette croissance serait accentuée si la Suisse se trouvait exclue d’un nouveau système d’asile remplaçant les accords de Dublin. Il est donc important que la Suisse profite de la diminution récente des demandes d’asile pour intensifier son association à une véritable politique d’asile européenne.

[1] Betts, A. 2013. Survival Migration: Failed Governance and the Crisis of Displacement. Cornell: Cornell University Press.

[2] Ruhe, C., C. Martin-Shields, and L. M. Groß. 2020. The Asylum Hump: Why Country Income Level Predicts New Asylum Seekers, But Not New Refugees. Journal of Refugee Studies.

Quitter la version mobile