Politique migratoire

Vote sur “l’immigration de masse”: 4 ans plus tard…

Quatre ans jour pour jour après le 9 février 2014, où en est la  mise en oeuvre de l’article constitutionnel 121a (“Le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse est limité par des plafonds et des contingents annuels. Les plafonds valent pour toutes les autorisations délivrées en vertu du droit des étrangers, domaine de l’asile inclus. Le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales peut être limité”) ? Nous mettons à jour ci-dessous le blog du 27 octobre 2017.

Après avoir envisagé une mise en œuvre rigoureuse de l’article constitutionnel « contre l’immigration de masse » (quotas annuels d’immigration par branches ou région) puis une version beaucoup plus souple (plafonnement unilatéral uniquement en cas de forte immigration), le Conseil fédéral (CF) a passé la main au parlement qui, en décembre 2016, a pris la liberté de ne pas appliquer la Constitution. Il envisage en contrepartie une mesure destinée à faciliter l’insertion sur le marché du travail des chômeurs résidants, l’espoir étant qu’elle diminue l’appétit des entreprises pour l’immigration.

Après l’émoi presque hystérique de l’après 9 février, la montagne accouche d’une souris. La loi  et les ordonnances d’application ne prévoient en effet qu’une mesure de marché du travail : l’obligation pour les employeurs d’informer les Office régionaux de placement (ORP) des postes vacants dans les catégories professionnelles affichant un taux de chômage supérieur, d’abord à 8% (1.07.2018) puis à 5 % (1.01.2020). Dûment avertis, les demandeurs d’emploi résidants – suisses et étrangers – auront ensuite 5 jours pour postuler avant que l’employeur ne soit autorisé à prospecter plus avant et, en particulier, à recruter au sein de l’Union européenne en vertu de la libre-circulation. Les ORP pourront par ailleurs transmettre aux employeurs des dossiers de candidats que ces derniers auront l’obligation de rencontrer, mais sans devoir justifier un éventuel non-engagement. Ainsi un employeur ne pourra recruter un plâtrier (11.4% de chômeurs), un maçon (6.5%) ou un spécialiste en relations publiques (12.5%) dans l’Union européenne qu’après un délai de 5 jours et des entretiens avec des chômeurs locaux, tandis qu’il pourra embaucher un fleuriste (1.6%) ou un fromager (1.8%) séance tenante jusqu’en Pologne ou au Portugal (chiffres 2016). En tout, environ 218’000 postes vacants devraient être annoncés ainsi chaque année et soumis au délai d’embauche. Huitante-huit professions sur 383 seraient concernées.

Le terme “préférence indigène” (à fortiori nationale) ne s’applique donc plus, puisqu’il s’agit en fait d’une “préférence aux chômeurs”: l’employeur n’a simplement plus la possibilité d’engager quiconque sans en référer d’abord aux ORP.

Bien qu’administrativement complexe, cette mesure se borne à donner « une longueur d’avance » à la main-d’œuvre locale, mais ne plafonne en aucune manière l’immigration: la majorité des branches qui recrutent à l’étranger sont précisément celles où le taux de chômage est inférieur à 5% et échappent donc à tout contrôle. Au niveau du marché du travail par contre, la mesure pourrait avoir un impact favorable, d’autant plus que les réfugiés et les détenteurs d’une admission provisoire (permis F) accueillis en Suisse seront eux aussi habilités à postuler en priorité.

La solution trouvée par le parlement au casse-tête du 9 février pose de nombreuses questions. Elle risque d’engendrer des coûts administratifs substantiels pour les entreprises et pour l’administration. Son efficacité reste à démontrer. Mais c’est tout de même un coup de théâtre historique de voir une initiative contre l’immigration déboucher sur une loi potentiellement favorable aux chômeurs, aux réfugiés et à l’intégration…

 

Blog issu de la Table ronde « Emploi et migration » organisée par la ville de Renens dans le cadre du programme cantonal d’intégration vaudois le 26 octobre.

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