Changement de cap économique

Etat d’urgence climatique et inertie politique

Ce début d’année à peine entamé a déjà démontré à quel point les ravages du dérèglement climatique sont chaque année plus violents. Alors que l’Indonésie subit de terribles intempéries qui ont coûté la mort à plus de 50 personnes, l’Australie se trouve elle en proie aux flammes les plus ravageuses que le pays ait jamais connues. Certains avaient prédit que lorsque les pays riches, comme l’Australie aujourd’hui, subiraient de plein fouet les aléas d’un climat en crise, leurs dirigeants prendraient en compte l’état gravissime de la situation et agiraient en conséquence. Ces pronostics sont hélas bien loin de la réalité. Le premier ministre australien, Scott Morrison, refuse catégoriquement de parler de dérèglement climatique alors que son gouvernement se trouve depuis toujours enlisé dans la promotion du charbon. Il serait en effet naïf de penser que ces politiciens, qui ont depuis des années promu les intérêts des compagnies d’énergie fossile, se porteraient désormais garants d’un arrêt de le production de charbon, gaz et pétrole dans l’intérêt commun de leur population. Au contraire, des dirigeants tels Morrison, Trump et Trudeau ne doivent pas être vus autrement que comme des pyromanes qui conduiront leur pays à la dérive tant qu’il y aura des puissants intérêts économiques à protéger.

 

D’un autre côté, il est effarant de constater que le comportement de la population des pays riches ne semble en rien inchangé alors que tous les indicateurs écologiques et sociaux tirent la sonnette d’alarme. Combien de collègues qui se vantent de leurs vacances en croisière ou qui partent à l’autre bout du monde en avion pour aller prendre le soleil à Noël ? Pour ceux qui sont conscients, et justement alarmés, de l’état de la planète, il est de plus en plus difficile de voir que rien ne change ni au niveau décisionnel politique ni dans le comportement et les intérêts des gens dans la vie quotidienne. Même s’il n’est pas surprenant, ce décalage entre la gravité de la situation, qui demande un changement radical de modèle économique, et l’inertie des systèmes politico-économiques et des mentalités est particulièrement préoccupant.

 

Si les activistes environnementaux et grévistes du climat se battent chaque jour pour que leur cause soit entendue à travers l’organisation d’un mouvement, beaucoup d’autres ne seraient pas encore prêts à faire le pas vers l’activisme politique. Et pourtant, la majeure partie de la population se sent aujourd’hui concernée par les impacts du climat en crise et souhaite que les gouvernements agissent en conséquence. Le problème ne vient pas du manque de conscience ou d’intérêt de la population mais principalement du manque d’outils démocratiques à travers lesquels tout un chacun pourrait s’engager. L’individualisation de la société qui a permis l’apogée du néolibéralisme économique a littéralement détruit les institutions de la vie sociale et politique. L’augmentation et l’intensification du rythme du travail, la précarisation des conditions des travailleurs, la réduction drastique de la participation syndicale dans les entreprises ainsi que les coupes budgétaires dans les institutions socio-éducatives et culturelles sont les ingrédients parfaits pour la perpétuation du statu quo. Pour changer de système, il faut non seulement une prise de conscience individuelle – ce qui est déjà grandement acquis – mais surtout une organisation intellectuelle et politique de mouvements citoyens. Et ceux-ci doivent aller bien au delà des manifestations dans les rues et des signatures de pétitions ou d’actes individuels socio et écoresponsables.

 

Si certains utilisent le prétexte que la nature humaine serait fondamentalement égoïste et mauvaise pour justifier l’état actuel du monde, alors comment se fait-il qu’en une année seulement le mouvement des grévistes pour le climat soit devenu mondial? Comment est-il possible que la majorité des citoyens soutienne une politique sociale et climatique forte? On peut continuer à se cacher derrière des arguments décadents pour justifier notre inaction ou on peut désormais décider de regarder en face l’état des choses, agir en conséquence et participer à la (re)construction de ces institutions sociales et politiques. Lutter pour la réduction du temps de travail sans restriction salariale, rehausser les revenus les plus bas et améliorer les conditions des travailleurs précaires sont désormais plus que jamais nécessaires pour permettre l’engagement politique citoyen et la mise en place de mouvements collectifs forts, solidaires et unifiés dans leurs demandes sociales et écologiques.

Quitter la version mobile