Changement de cap économique

A quand un Green New Deal pour la Suisse?

May 13, 2019- Senator Bernie Sanders and Representative Alexandria Ocasio Cortez speak about the importance of a Green New Deal at a town hall organized by the Sunrise Movement. Washington, DC, USA. https://www.sunrisemovement.org/tour

 

Au cours de ces derniers mois, le programme politique du Green New Deal (GND) a fait l’affiche de plusieurs médias européens et outre-Atlantique. Le récent succès de cette politique peut être en grande partie attribué à la membre démocrate du congrès américain Alexandria Occasio-Cortez (AOC). En effet, cette élue a été approchée par le Sunrise Movement, un mouvement de jeunes activistes aux Etats-Unis qui militent pour la justice climatique. AOC a vite compris l’importance d’une politique radicale de décarbonisation de l’économie américaine afin de limiter le réchauffement climatique en dessous de 1.5°C tel que recommandé par le GIEC – le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

 

Un succès récent

Si le GND a fait récemment beaucoup parler de lui, ce programme d’investissement majeur dans l’économie réelle est pourtant né il y a déjà plus de dix ans dans un contexte de récession économique globale. A l’origine de ce projet se trouvent des économistes basés à Londres qui avaient compris l’importance de relancer l’économie à travers un programme d’investissement public, à l’instar du New Deal du président américain Roosevelt développé suite à la Grande Dépression des années 30. Ce projet de politique économique dite Keynesienne faisait appel à l’aide de fonds publics pour investir dans des grands projets d’infrastructure publique. Dans le contexte actuel de la crise climatique et écologique globale, le GND aurait, lui, pour but de financer des programmes dits verts tels que les énergies renouvelables ainsi que l’isolation des bâtiments et les transports publics.

Si le GND n’a pas eu le succès politique escompté lors de sa conception il y a dix ans auparavant, il est aujourd’hui avancé par plusieurs candidats et partis politiques tels que le PSOE en Espagne, le Labour au Royaume-Uni ainsi que le mouvement européen Diem25 porté par l’ex-ministre des finances grecque Yannis Varoufakis.

 

Le Green New Deal en détail

Avec un tel projet désormais prôné par autant de différents partis et politiciens, majoritairement de gauche mais également de droite, il existe autant de versions du GND. En effet, certains mettent majoritairement l’accent sur la création d’emplois verts et l’implantation en masse de projets d’énergies renouvelables. D’autres, telle l’élue démocrate AOC aux Etats-Unis, situent le GND au sein d’une politique de justice sociale qui aurait pour effet de renverser les inégalités socio-économiques résultant de décennies de politiques néolibérales qui se sont faites sur le dos des classes sociales défavorisées ainsi que des minorités et personnes racisées. Cette dernière approche a pour mérite de ne pas utiliser le GND comme un outil de croissance économique et de propagande verte mais au contraire de le situer au sein d’un plus grand projet de changement radical de politique économique. De plus, il est d’un intérêt majeur d’organiser le GND autour d’une conception de justice sociale afin de mettre fin à l’approche néocoloniale qui gouverne aujourd’hui l’approvisionnement des pays du Nord en matières premières – nécessaires aux batteries électriques et panneaux solaires – majoritairement en provenance de pays du Sud.

 

Une stratégie nécessaire pour le climat

On pourrait dès lors se demander pourquoi faire appel à un programme tel que le GND pour faire face à la crise climatique et ne pas simplement se baser sur les politiques traditionnelles des partis écologistes qui militent pour de telles idées depuis plusieurs décennies ? Cette question mérite réponse afin de comprendre l’importance du GND en vue d’une politique climatique gagnante. Pour ce faire, il faut situer la crise climatique et écologique comme la conséquence d’un système économique néolibéral capitaliste qui a pour objectif de booster la croissance du PIB et l’accumulation des richesses en dépit de toutes autres préoccupations de nature sociale et environnementale. Si les programmes des partis écologistes ont pour but de limiter le réchauffement en dessous de 1.5°C, ils n’ont jusqu’à présent pas réussi à mettre en place un projet politique qui puisse mettre un terme à la doctrine néolibérale qui domine toute politique économique.

Le GND, en raison de sa stratégie d’investissement massif dans l’économie réelle, possède l’avantage de mettre en place un programme de décarbonisation de l’économie et de création d’emplois dans des industries nécessaires à la transition socio-écologique sans pour autant faire appel à des instruments économiques néolibéraux, lesquels mettent l’accent sur le seul aspect financier de ces projets.

 

En dépit de sa récente popularité, il est néanmoins important de garder à l’esprit que certains politiques tenteront d’utiliser le GND comme outil de campagne. Alors que ce programme n’est encore que majoritairement une ébauche, il semble crucial pour les partis écologistes et de gauche de se pencher sérieusement sur son élaboration avant que la droite ne s’empare de ce projet. En Suisse, les écologistes et activistes pour la protection du climat auraient tout intérêt à se mobiliser derrière le projet du GND en raison de sa capacité de changement radical de l’économie globale et de transition sociale et écologique.

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