Les paradigmes du temps

A craindre l’ambiguïté, le Temps entérine un mémoricide

Voilà neuf ans que j’ai le plaisir d’écrire dans ce blog « Les Paradigmes du temps », qui m’avait été offert par feu l’Hebdo, et qui avait été repris par le Temps.

Ce dernier a décidé d’arrêter dès juillet l’ensemble des blogs qu’il héberge sur son site et de renvoyer à d’autres horizons, notamment au gouffre des réseaux sociaux, ses chroniqueurs qui s’y expriment gracieusement. « Internet et les réseaux sociaux offrent désormais d’immenses possibilités d’expression (souvent gratuitement) à tout un chacun » selon la rédaction, laquelle compare en définitive le quotidien, héritier des journaux historiques que furent le Journal de Genève, la Gazette de Lausanne et le Nouveau Quotidien à Facebook ; un parallèle qui laisse pantois. « Pas assez de », « trop de », « coûts de maintenance », « ambiguïté entre blogueurs et le Temps », etc.… Les raisons de cette décision sont multiples…, et regrettables. Abundans cautela non nocet !

Les opinions de penseurs – au sens large du terme – retenues pour des motifs considérés jadis comme pertinents par la rédaction, sont jugées aujourd’hui comme superflues ; autant de réflexions qui ne seront plus mises en lumière par l’un des premiers médias du pays.

Aux orties donc ce que d’aucun pouvait considérer comme une formule de think tank ouverte et interactive parcourue par les traits d’esprit de Suzette Sandoz, les coups de gueule de Jacques Neirynck ou les fulgurances de Jacques Dubochet. A trop en faire, le Temps qui a multiplié les blogs au cours de ces dernières années aura sans doute réussi à en diminuer l’attrait.

Il n’en demeure pas moins que cette disparition ne représente à l’évidence pas un progrès, bien au contraire ; elle participe au lissage d’un media dont les informations métissées représentaient une richesse fondamentale ; ce d’autant plus par les temps que nous traversons ponctués de crises successives de plus en plus rapprochées.

Une évolution qui s’inscrit dans le cadre de notre société valétudinaire où tout est devenu polémique et la réflexion trop fatigante pour des appétences reposant sur l’immédiateté et le sensationnel.

Une disparition qui démontre aussi tout l’éphémère que peut impliquer un format numérique. Qu’un technicien appuie sur une simple touche « delete », comme cela est prévu en fin d’année, et la lame de la guillotine de l’Internet effacera à tout jamais des années de réflexions accumulées par des auteurs dont certains articles sont pourtant devenus des références dans leur domaine respectif. Un mémoricide plus certain que les autodafés des années 1930, une décision qui n’annonce rien de bon ni pour la presse, ni pour le lectorat !

 

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