Les paradigmes du temps

Les femmes, une population en danger

Chagall La chute de l'ange

La tolérance cède le pas à un radicalisme de plus en plus marqué à tous les niveaux. Les différences confessionnelles engendrent des tensions qui, bien souvent, confinent à une xénophobie mortifère. Un constat que l’actualité mondiale de ces dernières années relaye très souvent, faisant fréquemment état de cette haine de l’autre, de celui dont les prières se déclinent autrement.

De profonds clivages entre ethnies mènent à un racisme anthropologique que l’on pensait dépassé depuis longtemps, promouvant une conception biologique de la communauté politique autant que l’élimination physique de populations entières. Le drame du Darfour, si souvent oublié, est là pour le rappeler.

Les positions politiques se durcissent dans de nombreux pays européens, soufflant sur les braises idéologiques de partisans frustrés, excitant l’esprit soudard de plus d’un quidam, figeant des personnes, que l’on aurait supposées être formées à la philosophie de nos démocraties occidentales, dans des dynamiques déterministes et intransigeantes.

Cet atavisme clanique, forgé sur l’enclume de l’ignorance et du populisme, exhortant au repli identitaire et prétendant à des guerres de race en leur donnant pour nom Histoire, fait naître dans son sillage une autre pulsion discriminante bien plus intime, ayant pour objet les femmes.

L’avènement d’un autoritarisme américain renvoyant dans les cordes la liberté pour les femmes d’avorter, femmes dont on prétend par ailleurs défendre l’indépendance au travers d’un encouragement entrepreneurial suggéré par le gouvernement canadien, reflète une vision que la Russie ne désavouerait certainement pas. Une Russie qui vient, sous la pression de l’Église orthodoxe, de légitimer les maris battant leur femme en dépénalisant leur violence, pour « éviter la destruction de la famille ». Ne doutons pas que ces exemples ne manqueront pas de pousser certains hommes à s’émanciper de principes difficilement acquis au cours du XXe siècle et vécus comme le joug d’un cadre politiquement correct artificiellement imposé. La Hongrie et la Pologne n’ont-elles d’ailleurs pas vu également au cours de ces derniers temps des tentatives pour interdire l’avortement[1] ?

À la trappe, donc, les 10’000 femmes russes qui succombent chaque année aux coups de leur « tendre moitié », aux oubliettes ce million d’Américaines qui avortent chaque année. Quant aux femmes musulmanes, indiennes ou d’ethnies exotiques, que dire de l’intérêt qu’elles pourraient bien revêtir aux yeux de nos cadors forts en gueule et en poing face à plus frêle ?

Certes, nos démocraties européennes – puisqu’il devient difficile de parler de démocraties occidentales – laissent toujours à la femme son droit à l’auto déterminisme. Mais si celle-ci n’a souvent que faire des « e » à la fin des mots que le Littré et le Larousse ont jadis figé dans une posture couillue, elle est évidemment beaucoup plus sensible au harcèlement auquel elle est si souvent confrontée. Un article récent du Temps le démontrait[2], corroboré par un second article du magazine La Cité[3]. Bien sûr, nous sommes loin de ces malheureuses réduites en esclavage dans un Proche-Orient rendu à toutes les abominations, et nous peinons à mesurer la mécanique de régression qui dicte sa marche prussienne dans un nombre grandissant de sociétés, et dont les rouages broient de plus en plus d’individus. Mais il ne fait aucune doute que de toutes les communautés, la plus asservie ne sera pas celle se réclamant d’une croyance ou d’une autre, ou celle ayant adopté une idéologie minoritaire, mais bien cette moitié de l’humanité que constituent nos mères, nos femmes, nos sœurs et nos filles.

 

 

[1] http://www.liberation.fr/debats/2016/10/20/en-pologne-et-en-hongrie-les-droits-des-femmes-en-peril_1523171

[2] https://www.letemps.ch/societe/2017/02/15/sexisme-ordinaire-gagne-milieux-universitaires

[3] https://www.lacite.info/politiquetxt/uni-geneve-anticorps-sexisme

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