Les paradigmes du temps

De la congruence des événements historiques

N’est-il pas étonnant de constater parfois à quel point un événement majeur pousse un fait d’actualité tout aussi important hors du champ des medias, ne le rendant pas totalement obsolète mais le reléguant dans la salle d’attente des chroniques de l’Histoire ?

Le 9 septembre 2001, deux tueurs, qui se faisaient passer pour des journalistes, abattaient le commandant Massoud, icône de la ténacité afghane, emblème de la résistance à l’oppression. Tacticien militaire hors pair et poète à ses heures, il avait été reçu par le Parlement européen. Sa mort allait sans doute déséquilibrer la fragile harmonie entre les clans du pays des cavaliers et rompre les processus de paix que d’aucun rêvait de voir advenir dans cette partie du monde. Le commandant n’eut pas l’éloge funèbre auquel on pouvait s’attendre dans les medias occidentaux car deux jours plus tard, un autre symbole tombait, le World Trade Center de New York dont l’écroulement des deux tours allait résonner longtemps dans les consciences américaines. L’impact de cette nouvelle fut écrasant, pour le moins ! Massoud disparut des préoccupations.

Rares furent les analyses, à ce moment, qui tentèrent de faire un lien entre ces deux événements. Car enfin, était-il seulement possible d’établir une relation entre les deux actes ? Seules quelques voix émirent l’hypothèse d’une corrélation entre un assassinat devant déstabiliser plus encore qu’il ne l’était l’Afghanistan et le drame du 11 septembre dont nous connaissons tous les conséquences. La guerre devait alors occuper le devant de la scène des mois durant.

Lors de la Grande guerre, celle de 1914 qui n’avait de grande que la souffrance qu’elle devait engendrer, il n’en n’alla pas autrement. Plus encore à dire vrai, puisqu’en ces temps de chaos, le lecteur français qui suivait l’actualité était directement impliqué par un parent, fils, frère ou père, en train de trucider ou de se faire trucider…c’était selon. Toute idée constructive, déductive ou relationnelle ne pouvait émerger, étouffée par la pressante contrainte de l’actualité. Aussi était-il communément admis que le Prussien était un pilleur, ivrogne et tueur d’enfant. Une rhétorique de l’image surdéveloppée par la propagande atteignant des sommets spectaculaires. Comme si la capacité de relativiser était devenu un concept abstrait, un exercice théorique dénué de sens. Il allait falloir attendre, attendre le temps du recul et le regard en contre-champs de témoignages et de livres comme celui d’Erich Maria Remarque À l'Ouest, rien de nouveau pour se rendre compte que le Landser allemand n’était autre que le frère de souffrance du poilu français. Un témoignage qui allait se heurter à une nouvelle propagande faite de croix de fer et de suprématie raciale vouant l’ouvrage de Remarque à l’autodafé en 1933.

Ne peut-on faire la même observation à propos des événements de cette année dans le Proche Orient et remarquer que les cimeterres et les yatagans sanglants d’une secte de pseudo-anachorètes déments prétendant à une nation théocratique absolue oblitèrent les missiles Exocet et les hélicoptères Apaches de Tsahal ? Toute relation entre les deux bains de sang ne peut évidemment n’être que fortuite et un pur effet du hasard ! Mais la question demeure. Quelle est la part de propagande ?

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