Manuel pour habitants des villes

Les déserts ne sont pas vides.

Si Samia Henni, auteure de l’incontournable Architecture de la contre-révolution, s’est sentie obligée de titrer son dernier ouvrage de ce rappel, c’est parce que l’impérialisme colonial repose largement sur cette fausse déclaration: les déserts seraient vides. C’est parce que le désert est prétendument vide que l’on se prend à rêver d’une nation juive ethniquement homogène en Palestine, c’est parce qu’il est prétendument dépourvu de vie que l’on proclame sa conquête et l’exploitation effrénée de ses ressources minérales. C’est parce qu’il est décrit comme dépeuplé que l’on y teste des armes nucléaires que l’on n’oserait jamais tester chez soi, et c’est parce qu’il est jugé impropre à la vie que l’on y planifie toutes formes d’expériences concentrationnaires, du Sahara au Xinjiang, en passant par le Néguev et le Wyoming. Enfin, c’est parce qu’ils qualifient l’Amazonie de «désert vert» que certains se permettent de planifier sa transformation en un vaste territoire de culture intensive. La plupart de ces crimes, qu’ils soient environnementaux ou génocidaires, reposent sur la même distorsion auto-réalisatrice qui consiste à considérer un territoire comme vide et donc ouvert à la conquête. Dans l’imaginaire colonial, le désert est un territoire sans vie, sans culture et sans autre intérêt que celui d’accueillir l’intervention bienveillante qui le mettra au service du monde civilisé.

L’intégralité de cet article est disponible sur le site des revues de la SIA : espazium.ch

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