Manuel pour habitants des villes

Stephane Bern, ambassadeur du NIMBY à la française

Il fallait avoir du culot pour s’attaquer à un projet comme celui de Saint Vincent de Paul, l’ancien site des Grands Voisins ! Du culot et du mépris pour ceux à qui vous vous adressez. Les quelques quarante signataires d’une tribune farcie de contresens parue dans Le Figaro ne manquaient ni de l’un ni de l’autre.

Leur initiative pourrait légitimement être pointée comme un cas presque parfait pour expliquer ce que signifie le terme NIMBY. Il s’agit de protestations de riverains indignés, fondées non pas sur une question de principes ou d’idées, mais sur la proximité de ce qu’ils dénoncent. Je ne suis pas contre Amazon, juste contre l’idée d’un centre de distribution en face de chez moi ! Ou encore : Uber ne me gêne pas, c’est juste les livreurs qui squattent mon trottoir qui m’indignent. NIMBY, veut dire not in my backyard : pas dans ma cour.

L’écoquartier Saint Vincent de Paul, le projet ciblé par cette tribune, c’est un peu “l’horlogerie suisse” de l’aménagement urbain. Le site en question est celui de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, en plein centre de Paris, désaffecté depuis une dizaine d’années, et que la ville veut reconvertir en y créant 600 nouveaux logements, dont la moitié de logements sociaux. Voulant bien faire les choses, les aménageurs confient la préparation du terrain à l’association Aurore, Plateau Urbain et Yes We Camp, qui ont occupé le site pendant plusieurs années afin de créer un réseau associatif d’activités solidaires dans la friche hospitalière. Bien plus que l’habituelle médiation urbaine, leur action a consisté à créer le substrat d’activité sur laquelle le nouveau quartier va pouvoir prendre pied. Une fois ce réseau bien constitué, les entreprises vont pouvoir être pérennisées et occuper le bâti ancien préservé et les rez-de-chaussée des nouveaux immeubles d’habitation. L’habitat va ainsi venir s’ajouter à un quartier vivant, constitué, avec des rues, des espaces communs et tout un réseau de commerces de proximité. Ce travail de longue haleine permet d’éviter le principal défaut des quartiers résidentiels flambants neufs : leur mono-fonctionnalité. Plus de 200 structures ont ainsi été créées dans un quartier auparavant résidentiel. Un travail exemplaire qui mériterait indéniablement un prix d’urbanisme.
En 2020, la deuxième phase du projet a ainsi pu être entamée. C’était sans compter sur l’obscure association de riverains excédés rassemblant parvenus de toute sorte, artistes médiatiques, célébrités et autres évadés fiscaux qui redoutent de voir leur ghetto doré se densifier. Ils tirent la sonnette d’alarme et nous préviennent du crime en train d’être commis : l’aliénation du quartier d’Apollinaire, d’Hemingway et de Picasso par la densification !
Stéphane Bern, cosignataire de la tribune, aurait pu prévenir ses camarades de lutte que l’argument central de leur protestation est foireux : la densité du quartier au moment où Picasso et Hemingway s’y activaient était nettement supérieure à celle d’aujourd’hui où la gentrification, airbnb et la prolifération des lofts ont désertifié des parties entières de la rive gauche.
Espérons que la mairie de Paris ne cédera pas à cette ignoble mascarade ! L’héritage des Grands Voisins méritent mieux que d’être contrés par une bande d’indignés fortunés!

Article paru dans la version en ligne de l’Architecture d’Aujourd’hui

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