Mon oeil

En finir avec les politiciens cacochymes

Liu est une jeune chinoise comme il y en a beaucoup. A 24 ans, elle parle plusieurs langues couramment. Ses diplômes universitaires sur les systèmes d’information en poche, elle a fait le tour du monde avec des stages dans les plus grandes institutions grâce à des bourses financées par son pays, la Chine populaire. Actuellement, elle travaille à Genève pour une organisation internationale.  On se rencontre dans une soirée entre amis. Elle est souriante, avenante et témoigne évidemment d’une vive intelligence. On peut se risquer : son point de vue sur la situation à Taïwan ?

Eh bien, c’est simple : l’appartenance de Taïwan à la Chine n’est pas un sujet de discussion. Taïwan est né de la dissidence des nationalistes de Chiang Kaï-Shek et, tôt ou tard, l’île doit revenir à la Chine. Les Taïwanais sont pervertis par les Américains (ils ont tous, ou presque, un « oncle en Amérique ») et sont seuls responsables de la haine, devenue réciproque, entre les Chinois des deux pays. Quant à nous, les Occidentaux, nous avons une fausse image des Chinois : nous les voyons comme des pauvres et des sous-développés. On lui objecte que c’est plutôt l’absence de démocratie qui poserait problème.  C’est là que Liu nous montre une vidéo : son village d’origine, au fin fond de la Chine rurale, autrefois très pauvre, aujourd’hui prospère et coquet, genre Gros-de-Vaud en plus propre. « C’est le régime qui a permis ça. Sans lui, je n’aurais jamais pu faire mes études et je ne serais pas là. D’ailleurs, lorsqu’on se sent menacés, on a l’habitude d’invoquer Grand’Pa Mao. Il a fait quelques erreurs mais il reste dans nos cœurs ».

Gratitude et confiance

On rappelle que ces « quelques erreurs » permettent à Grand’Pa MaoZedong de figurer en bonne place dans le tiercé génocidaire des dictateurs socialistes du 20ème siècle avec 80 millions de morts sous sa responsabilité devant Staline (30) et Hitler (17) mais Liu ne changera pas d’avis. Non seulement, elle a beaucoup de gratitude pour le régime qui a permis à sa famille de prospérer, mais elle lui témoigne aussi d’une grande confiance comme c’est le cas d’une immense majorité de ses compatriotes (voir graphique). Une telle adhésion au capitalisme d’Etat, tel qu’initié par Deng Xiaoping (« Enrichissez-vous» en 1973 pour la partie « capitalisme » et le massacre de Tiananmen en 1989 pour la partie « Etat »), interroge. Serait-elle la preuve, d’une certaine manière, que le capitalisme l’emporte sur la démocratie dans la recherche du bonheur et de la confiance ? Près de 1,2 milliards d’individus semblent répondre oui.

Le taux de confiance de la population en son gouvernement, fin 2021.

Il y a donc du soutien populaire au royaume de Xi Jinping. Pour induire un changement de régime au nom des valeurs démocratiques occidentales, il faudra repasser. Sachant cela, la provocation de l’inénarrable Nancy Pelosi a-t-elle un sens ? Aller chercher des noises à un régime qui bénéficie chez lui d’un taux de confiance de 91% alors que l’on n’a que 39% chez soi est-il bien raisonnable ? Certainement pas.

 Pathétiques dinosaures

En réalité, l’escapade hautement médiatisée de Nancy Pelosi (82 ans) à Taipei s’inscrit dans le triste spectacle que nous livrent les politiciens cacochymes américains depuis plusieurs années et qui pourrissent l’ambiance mondiale. Hystérique sous Trump, elle multiplie les coups d’éclat : déchire le discours du Président sur l’état de l’Union après qu’il a refusé de lui serrer la main,

Nancy Pelosi en avril 2020, devant son “cher” réfrigérateur.

exhibe ses petites habitudes gastronomiques, typiques de la gauche caviar, devant son frigo de luxe pendant le confinement, ouvre un nouveau front alors que la guerre en Ukraine fait rage, propulse Taïwan sous le blocus militaire et économique de la Chine et vaporise le peu de crédibilité qui reste à la politique étrangère de l’administration Biden. Accro à la notoriété et au show médiatique, elle fait le spectacle et réfléchit après. Le « virtue signalling » est un sport national aux USA et n’épargne aucune génération.

Joe Robinette Biden (79 ans) ne fait pas mieux. Les signes de détérioration mentale sont tels que même les médias mainstream (si prompts à exiger des bulletins de santé à Trump dès le début de sa présidence) n’arrivent plus à faire semblant. Quand on mélange didascalies et discours sur un simple prompter, peut-on sérieusement prétendre au rôle de leader du monde libre ?  Quant à son bilan politique (Afghanistan, inflation, immigration, covid), il est catastrophique et fait de lui le Président le plus impopulaire de l’ère moderne.

Donald Trump (76 ans) fait son retour à Washington après sa longue bouderie de mauvais perdant. N’oublions pas qu’il a réussi l’ultime exploit de faire élire, contre lui, un type faible et détérioré alors qu’il pouvait se prémunir d’un excellent bilan. Du point de vue de l’économie mais pas seulement. Son administration a notamment réduit les fractures sociales (plus en trois ans qu’Obama en deux mandats). En clair, il a prouvé qu’il avait une excellente administration mais qu’il était incapable de gérer son ego massif. Quand vos supporters se mettent à porter des casques à corne en envahissant le Capitole, c’est un signe qui ne trompe pas : mieux vaut en rester là. S’il est urgent que les Américains tournent la page Biden, ce n’est certainement pas dans leur intérêt d’en rouvrir une à l’effigie de l’ancien président.

Face à cette galerie de politiciens lourdement chargés d’années (en âge comme en longévité) les gens d’en face paraissent d’une rare fraîcheur : quasi contemporains, Poutine et Xi ne sont pas encore septuagénaires. Depuis l’URSS et la Chine de Mao, la sénilité aurait-elle changé de camp ?

La plus vieille démocratie du monde doit nous offrir mieux que ça. Elle en a les moyens.

Il faudra sans doute compter avec un intermède Kamala Harris (57 ans) après que l’actuel occupant de la maison blanche aura tiré sa révérence d’une manière ou d’une autre. Les Démocrates pourront se targuer d’avoir produit la première Présidente américaine mais la victoire sera brève car elle ne sera probablement pas élue pour peu qu’elle se présente. Kamala Harris est la moins populaire de l’histoire moderne des vice-présidents américains. Elle est environ 10 points plus bas dans les sondages que Joe Robinette.

A gauche, des modérés respectables.

Cet épisode passé, on verra peut-être émerger des candidats de valeur dont certains membres actuels de l’administration Biden. On en citera deux de manière non exhaustive : Pete Buttigieg (40 ans), actuel ministre des Transports. Autrefois maire de South Bend (Indiana). Ancien consultant, brillant et pragmatique, « Mayor Pete » s’affiche volontiers en compagnie de son mari et de leurs deux enfants. C’était encore un handicap insurmontable en 2020 pour prétendre à la fonction suprême. Pas sûr qu’il en soit de même en 2024.

Encore Maire, Marty Walsch à la Pride de Boston en 2019. Très consensuel et très populaire.

On pense aussi à Marty Walsch (55 ans), l’ex-maire de Boston. Très populaire dans sa ville qu’il a quittée pour rejoindre l’administration Biden en qualité de ministre du travail, ex-syndicaliste et ex-alcoolique (comme Georges W. Bush) il pourrait s’inventer un destin majeur sur la base de sa capacité consensuelle. A noter que sa successeuse élue à Boston est Michelle Wu, d’origine 100%… taiwanaise.

 

A droite, le début de l’après-Trump ?

Mike Pence (63 ans) s’est dévoilé il y a peu. L’ancien vice-président de Donald Trump est sans doute un bon candidat. Très loyal envers son ancien patron (jusqu’au 6 janvier 2021 à tout le moins), il joue avec habileté la carte de la page à tourner sans vraiment rien renier du passé. Chrétien à 360 degrés (éducation catholique et conversion « born-again » à l’évangélisme), pro-life et pro-économie, il mènera une politique proche de celle de Trump mais avec une personnalité opposée : il refuse par exemple d’être seul avec une femme dans une pièce (on n’est jamais assez prudent).  Très attaché à l’esprit des pères fondateurs, il se présente comme le défenseur de la valeur la plus menacée du moment : la liberté. Son programme s’intitule Freedom agenda.

Beaucoup comptent sur Mike Pence pour pousser Donald Trump hors du tableau mais cela ne fait pas de lui un favori. Pour cela, il faut regarder du côté de la Floride. Ron DeSantis (43 ans), le jeune gouverneur de cet état tropical où cohabitent les cultures geek, latino et boomer, s’est profilé avec succès comme un ardent défenseur des libertés.  Il est notamment un farouche résistant à la culture woke. Il a fait adopter la loi Don’t say gay qui vise à limiter l’activisme LGBT dans les écoles primaires afin que les enfants se concentrent sur l’acquisition des connaissances. Avec une récente levée de fond de USD 100M, il prépare une candidature solide pour 2024 et promet une primaire républicaine à suspens.

L’espoir du côté des indépendants

Andrew Yang, un espoir pour l’après bi-partisme.

Andrew Yang (47 ans), un entrepreneur devenu raisonnablement riche après la vente de sa première startup, était un candidat démocrate à la présidentielle 2020 et à la mairie de New York en 2021. Après l’élection new-yorkaise, il fonde son propre mouvement : Forward (En avant ! un nom qui parlera aux macronistes) soutenu par le Yang Gang, de fidèles supporters dont Elon Musk (Tesla), Jack Dorsey (Twitter) et Bari Weiss (journaliste virée du New York Times pour non-alignement idéologique). Dans une Amérique qui commence à rejeter le bipartisme historique, Andrew Yang réunit d’excellentes qualités : il vient du business, vierge de toute expérience politicienne comme Trump, tout en ayant une vision sociale adaptée à l’époque : il est notamment un fervent défenseur du revenu universel de base. Il représente une génération Asian American surdouée et dégagée des vieilles idéologies. Fils d’émigrés taiwanais, Andrew Yang reconnaît ne parler que « très peu » le mandarin mais il le comprend. Un indiscutable atout lorsqu’il s’agira de négocier avec le Président Xi.

 

 

 

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