Elles sont de magnifiques artistes. Alexandra est violoniste, elle déploie son talent au firmament de la nouvelle génération des virtuoses classiques. Gabriela est chanteuse, ses sommets à elle culminent sur la scène jazz américaine. Alexandra est moldave et vit en Suisse, Gabriela est suisse et vit à Boston. Professionnelles l’une comme l’autre, elles ont subi de plein fouet l’interdiction « sanitaire » de pratiquer leur métier. Sans se connaître, elles ont transformé la crise en opportunité, ce qui les a conduites, l’une et l’autre à écrire une belle histoire d’amour et de solidarité avec leurs … voisins.
Un violon sous les toits
Au printemps dernier, lorsque comme tout le monde elle est recluse dans son petit appartement du troisième étage d’un immeuble lausannois, Alexandra Conunova, la violoniste virtuose donne de manière régulière de brefs concerts de son balcon. Des moments de pur bonheur et d’euphorie musicale qui transmettent beaucoup d’espoir et de réconfort aux voisins. A tel point que le jardin situé sous le balcon de la belle violoniste ne tarde pas à se transformer en une salle de concert open air où la verdure remplace gaiement les moulures. Les images de l’artiste à son balcon ont fait résonner loin son talent et son empathie via la BBC et quelques autres médias.
Take care of yourself and… if you can, someone else too[i]
Au même moment à Boston, Gabriela Martina se trouve elle aussi dans une situation extrêmement difficile.
Le temps de la résilience
L’automne venu, il est temps de cueillir les fruits de ces initiatives généreuses. Pour Alexandra Conunova, cela se traduit par la sortie d’un très bel album où l’artiste livre sa version personnelle des Quatre Saisons de Vivaldi[iii]. Pourquoi choisir cette œuvre que les puristes aiment mépriser en la traitant de musique de répondeur ? Tout simplement pour dire merci. Alexandra a pu constater que les saisons vivaldiennes comptaient parmi les pièces les plus plébiscitées au balcon mais aussi sur les réseaux sociaux (8+ millions de vues pour sa version avec l’Orchestre international de Genève). Comme elle le dit joliment : « Prokofiev fait plaisir à moins de gens ». Cette belle version traduit aussi la relation particulière d’Alexandra avec le compositeur vénitien. Les partitions des Quatre Saisons ont été les premières que la virtuose, enfant, découvrait dans un pays où il était difficile de se les procurer.
Un livre et un disque
Du côté de Gabriela Martina, l’automne voit aussi la sortie d’un disque. La chanteuse suisse figure en bonne place sur le nouvel opus du bassiste américain Steve Bailey, Carolina.
A l’heure où les artistes protestent, à juste titre, contre l’interdiction qui leur est faite de vivre de leur travail, ces deux femmes talentueuses, belles (mais ose-t-on encore le dire ?) et entreprenantes montrent que les initiatives individuelles créent plus de valeur que la revendication idéologique qui opposent santé et économie ou culture et consumérisme.
Ces deux héroïnes de la résilience nous indiquent aussi qu’en l’occurrence l’espoir et le courage viennent de l’Est. De Moldavie et de Horw, où manifestement, comme aux Marquises, gémir n’est pas de mise.
[i] Prenez soin de vous-même et, si possible, de quelqu’un d’autre
[ii] Dîner avec mon voisin
[iii] Le Quattro Stagioni, Alexandra Conunova, Label Aparté.
[iv] DINNER WITH MY NEIGHBOR
A 100-RECIPE COOKBOOK for virtual dinners. Created during 100 days of COVID-19, Spring 2020,
Versions papier et électronique disponibles