La Suisse, prisonnière d’une neutralité qui n’a jamais existé

En matière de neutralité, le Conseil fédéral s’accroche à une approche juridique comme à une bouée. Or la guerre en Ukraine constitue un changement géopolitique majeur, voire existentiel pour les démocraties du Vieux Continent. Ses conséquences ne peuvent être appréhendées avec les outils habituels de la politique étrangère. La plupart des pays européens a procédé à des ajustements considérables : l’Allemagne a révisé son pacifisme mercantile, la Suède et la Finlande veulent adhérer à l’OTAN.

Depuis bientôt un an, la Suisse procède, elle, à l’exégèse de sa neutralité comme si celle-ci était une fin en soi et non un moyen. Elle se laisse enfermer dans une vision mythifiée de son passé, et se fie à des textes qui ont plus d’un siècle (les conventions de La Haye de 1907), plutôt que de se dégager des marges de manœuvre pour défendre les valeurs d’indépendance et de liberté que l’agression russe foule aux pieds.

Tout au long de son histoire, la Suisse a rarement été absolument « neutre », c’est-à-dire totalement imperméable aux conflits. Tout un discours politique entretient pourtant l’idée que la Confédération aurait su – et devrait donc – se tenir hors des guerres.

La seule attitude constante de la Suisse depuis Marignan 1515 a été de ne pas être belligérante, de ne pas déclarer et faire la guerre comme état. Parce que pour le reste, les Suisses n’ont cessé de se mêler et d’être impliqués dans les conflits. Pendant plus de trois siècles, ils y ont participé comme mercenaires, principalement au service du Roi de France, mais aussi pour d’autres souverains. La Diète dut trouver les moyens d’éviter que des soldats de cantons différents s’entretuent, comme lors de la bataille de Malplaquet en 1709.

Pendant la période révolutionnaire de 1798 à 1815, la Suisse est prise dans la tourmente, occupée par les troupes françaises puis par celles de la Sainte-Alliance. Au cours de la première guerre mondiale, plusieurs scandales entachent la neutralité :  des colonels transmettent des informations à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie, le conseiller fédéral Hoffmann et le conseiller national Grimm lancent une tentative de paix séparée germano-russe.

Pendant la deuxième guerre mondiale, bien que le Conseil fédéral ait proclamé le retour à une neutralité « intégrale » après l’épisode de sa participation à la Société des Nations, nombre d’entreprises, Bührle en tête, ne se privent pas de livrer armes et munitions à l’Allemagne nazie et à l’Italie fasciste. Lors de la guerre froide également, la Suisse ne se comporte pas de manière aussi neutre que les proclamations officielles le laissent croire : elle est clairement – et plus ou moins secrètement – alignée sur les positions du bloc occidental. En témoignent notamment les révélations sur la P26 ou l’entreprise Crypto.

Ces quelques épisodes démontrent que les conseillers fédéraux actuels ont grand tort de s’entêter à refuser l’autorisation de réexportation de matériel de guerre vers l’Ukraine. Leurs prédécesseurs ont été beaucoup plus pragmatiques ou clairvoyants, privilégiant les affaires souvent et la morale parfois.

Ce qui est certain, c’est qu’à l’issue des conflits, la Confédération a toujours été sommée par les vainqueurs de s’expliquer sur ses ambiguïtés. Berne a-t-elle totalement oublié les leçons de l’affaire des fonds en déshérence, il y a 25 ans à peine ?

Il n’est pas demandé à la Suisse de livrer directement des armes à l’Ukraine, mais de laisser les états clients des entreprises helvétiques qui les fabriquent le faire. Le Conseil fédéral s’étant déjà aligné sur les sanctions européennes contre la Russie, cette concession serait logique. Car l’Ukraine n’a pas choisi d’être belligérante:  elle s’est retrouvée sauvagement agressée, et n’a pas eu d’autre choix que de se battre pour défendre son indépendance et sa liberté, comme les Suisses ont eu la chance, depuis 200 ans, de ne pas avoir à le décider.

Chantal Tauxe

Chantal Tauxe est journaliste depuis 1986. Elle est vice-présidente du Mouvement européen suisse.

33 réponses à “La Suisse, prisonnière d’une neutralité qui n’a jamais existé

  1. Pas envie de répondre. La 3e guerre mondiale a commencé aujourd’hui. Mieux à faire donc.

    Mais:
    “La chance de ne pas avoir à le décider”
    Ou le respect de sa neutralité, simplement.

  2. Chère Madame, merci beaucoup pour cet excellent article sur la neutralité suisse qui reste à géométrie variable en fonction des époques et des situations. Le Conseil fédéral devrait avoir le courage de revoir une approche juridique stricte de la neutralité suisse qui ne tient pas compte de la réalité de la primauté des valeurs, du droit des personnes et de celui des peuples à disposer d’eux-mêmes tel que l’Ukraine le fait actuellement avec mon plein soutien de garantir sa liberté, ses valeurs occidentales, sa dignité et sa souveraineté face à un dictateur cynique tel que Poutine qui manipule son peuple et se sent comme Stalline propriétaire de ses citoyens considérés tout simplement comme de la chair à canon. Ah le courage et la lucidité, la force du droit face au droit de la force sont des principes et des valeurs fondamentales à protéger et à promouvoir encore et toujours avec le souffle de la dignité humaine et de la protection des plus vulnérables de toute société, d’abord de celle dans laquelle je vis et m’engage au quotidien dans ma vie personnelle et professionnelle. Avec mes meilleures salutations

  3. Soit un élément neutre pour X noté 1. Il est dit inversible s’il est à la fois inversible à gauche et inversible à droite. L’élément Y, qui est alors unique, est appelé l’inverse de X. Et est noté X puissance -1. Il n’est ni certain ni démontré que la neutralité s’oppose aujourd’hui à la non-neutralité. À cet égard on peut (re)lire l’article publié dans le journal LE TEMPS du 19 juillet 2007, 《La grande et la petite histoire du Conseil fédéral, 10/24: Marcel Pilet-Golaz, la souveraineté à tout prix.》: “La neutralité active, concept si fréquemment utilisé par Micheline Calmy-Rey, a en réalité été inventée par Marcel Pilet-Golaz… comme ‘régénération autoritaire de la démocratie’ (…)” J’espère que je cite correctement. N’est-il pas temps d’interroger la motivation toute personnelle que vous nourrissez pour une révision de ce concept? Ne serait-il pas utile de prendre connaissance du communiqué de presse du 18 novembre 2022 publié sur www parlamant ch “La neutralité de la Suisse au centre des discussions de la Commission de politique extérieure du Conseil des États”?

  4. La Suisse profite de commercer avec l’Europe mais refuse d’en faire partie. La Suisse profite et surtout profitera de la couverture de l’OTAN, mais n’en fait pas partie ……et la liste est longue des profits que tire la Suisse, mais toujours a sens unique, à part l’aspect économique.
    La Suisse est bien d’accord de fabriquer des armes et de les vendre, mais pas que celles ci soient employées .Quelle hypocrisie. Et la neutralité est tellement pratique pour faire perdurer cette hypocrisie .
    Notre réputation est déjà entachée largement à l’étranger pour cela. Notre gouvernement a l’occasion de montrer que la Suisse n’est pas juste opportuniste , mais qu’elle se préoccupe de ses voisins et amis quand ils en ont besoin, pas seulement quand elle peut en tirer profit . La Suisse a l’opportunité de montrer que son engagement pour les doits de l’homme n’est pas qu’un label . Espérons qu’elle saura saisir cette occasion, et qu’elle ne se cachera pas derrière la «  neutralité « …comme vous l’avez si bien expliqué.

  5. L’argument selon lequel la Suisse se fonde sur une “neutralité mythifiée” est inexact et manque de nuance. La Suisse a en effet une longue histoire de non-belligérance, qui est différente de la neutralité absolue.

    Cependant, le fait que la Suisse ait participé à des conflits en tant que mercenaires ou que des entreprises suisses aient livré des armes pendant la seconde guerre mondiale ne signifie pas que la neutralité n’a jamais existé en Suisse.

    Au contraire, ces épisodes montrent que la Suisse a cherché à maintenir sa non-belligérance en temps de conflit, ce qui est différent d’être complètement neutre. La neutralité est un engagement politique constant en Suisse et, en période de conflit, elle est un moyen pour le pays de protéger ses valeurs fondamentales d’indépendance et de liberté. En refusant l’autorisation de la réexportation de matériel de guerre vers l’Ukraine, le Conseil fédéral s’en tient à cette politique, en ligne avec la tradition de non-belligérance de la Suisse. Ainsi que l’offre des bon office permettant justement au 2 parties au conflit, à savoir la Russie et l’Ukraine de discuter de traité de paix en tant voulu.

    De plus, nier la neutralité de la Suisse, un état souverain, pour le bénéfice d’un autre pays (attaqué certe mais ultra corrompu) , peut être considéré comme un manque de respect envers la souveraineté, l’intégrité et l’indépendance de la Suisse.

    Malgré que l’Ukraine soit attaqué (personne ne nie ce fait), il est fort regrettable que la pression des politiques pro-européens pousse la Suisse à changer sa politique de neutralité au profit d’un pays comme l’Ukraine aussi corrompu que la Russie…
    Sachant que les affaires de ce chère Monsieur Zelensky lié au Pandora Papers mettrait n’importe quel politicien européen dans une situation très délicate similaires à la case prison pour des motifs de fraudes et évasion fiscale..(https://www.francetvinfo.fr/economie/impots/paradis-fiscaux/pandora-papers-qui-sont-les-dirigeants-epingles-pour-des-montages-financiers-offshore_4794657.html)

    Donc avant de critiquer la neutralité de la Suisse, il faudrait aussi regarder l’ensemble du tableau.

    Il serait bien plus pragmatique d’arrêter d’alimenter ce conflit avec des armes et plutôt commencer à trouver une solution pour discuter d’un accord de paix et ceci pour le bien des générations futurs !

  6. Bravo
    Depuis le temps où notre Suisse se ment et nous ment
    Nous n’avons jamais été neutre et surtout
    Nous ne sommes pas justes propres et net avec les géraniums au balcons …

    Arrêter de nous manipuler pour être meilleurs
    Soyons normaux
    Apprenons à nous pardonner de ce que nous avons mal agis
    Apprenons à pardonner aux autres
    Et soyons plus tous humains

  7. Ceux qui n’ont pas compris que le monde (75%) de l’Humanité ne soutient pas la politique américaine et celle de son vassal européen, décrite par Brzezinski il y a déjà bien longtemps, et qui n’a pas changé , seront un jour les dindons de la farce: cette politique des USA consiste à empêcher l’Europe, et l’Allemagne en particulier, de se rapprocher des Russes économiquement, et éventuellement, un jour, politiquement.
    Faire partie des 25% des pays qui soutiennent la guerre est une mortelle erreur. Abandonner une neutralité qui existait, contrairement à ce qui est dit, est une autre erreur qui mériterait “l’impeachment” des responsables qui n’ont pas consulté le peuple, mais ce pays n’est pas suffisamment démocratique pour que ce soit possible.

  8. Pacifisme et/ou neutralité mercantile ? Telle est effectivement, probablement, un aspect de la question. La géopolitique actualisée en est la révélation et incite à une mise à jour des logiciels politiques qui en ont bien besoin.

  9. Le problème, avec une autorisation à revendre/envoyer de l’armement par des pays tiers, c’est qu’une grenade estampillée “CH” se retrouvant au milieu d’un tas de civiles morts, ça restera la responsabilité de la Suisse, du moins au niveau image. Est-ce quelque chose d’acceptables ? Pas certain. D’autant qu’on a déjà été confronté à ce type de scénario dans un passé pas si lointain (Syrie, sauf erreur?).

    On a des preuves, multiples, de détournements de cargaisons d’armes et munitions au profit du côté russe – le marché noir y est florissant, comme dans toutes les guerres. Il n’est donc pas inconcevable qu’on retrouve effectivement de l’armement suisse “dans l’autre camp”. Est-ce acceptable ? Même s’il est revendu par des tiers, ça reste “made in Switzerland”, avec toute l’image du pays derrière.

    Au final, il me semble que la Suisse ne fait que suivre le droit international, celui qui décrit la neutralité telle qu’on la trouve en Suisse. Il n’appartiendrait donc pas à la Suisse de faire des changements, mais bien à la communauté internationale de réviser la définition de la neutralité et le droit associé.

    Il est un peu facile de casser du sucre sur le dos d’un petit pays, au final. On remarquera aussi que l’Allemagne est censée avoir des lois lui interdisant l’exportation à des pays en guerre, mais qu’elle ne les suit pas. C’est son choix. Il ne lui appartient cependant pas de vouloir faire de l’ingérence dans un pays démocratique et en paix (et c’est tout aussi vrai pour les autres pays essayant de faire pression sur notre politique internationale).

    La Suisse participe déjà bien assez, vu la quantité de réfugiés accueillie à bras ouverts par la population et les états; via les investissements humanitaires sur place (livraison de matériel, entre autres); via les investissements somme toute massifs dans le pays pour préparer la reconstruction.

    Les pays ayant acheté du matériel de guerre dans notre pays savaient fort bien à quoi ils s’engageaient au moment de signer le contrat, qui est très clair sur les conditions de réexportation… Qu’ils aillent se fournir ailleurs, après tout. De toutes façons, l’industrie guerrière de la Suisse est déjà en faillite, entre autres avec la revente de la fabrication des munitions à l’Italie (Beretta sauf erreur), et la perte de compétence dans tous les domaines, y compris et surtout l’aviation.

    1. @Cedric Jeanneret : il est clair que fabriquer et vendre des armes ….fait de nous de facto des co belligerents de tous les conflits. Les armes ne sont pas des objets de collection qu’on met dans une vitrine, on est bien d’accord. Ici , comme ailleurs, ce sont des engins de mort. Donc l’hypocrisie maximale consiste à ne pas assumer le fait que ce sont des armes que nous vendons ( money, money..) à ne pas soutenir nos amis et voisins, et à nous cacher derrière notre « neutralité ». Un pays qui souhaite rester vraiment neutre , ne fabrique pas et ne vend pas des armes

  10. Je vous cite:
    “Car l’Ukraine n’a pas choisi d’être belligérante: elle s’est retrouvée sauvagement agressée, et n’a pas eu d’autre choix que de se battre pour défendre son indépendance et sa liberté, comme les Suisses ont eu la chance, depuis 200 ans, de ne pas avoir à le décider.”

    Pour une journaliste, votre jugement est un peu simpliste et l’impartialité qui devrait être de mise avec votre profession fait défaut. Vous viviez dans un bunker entre 2014 et 2020 ?

    Entre 2014 et 2020, ce conflit a causé plus de 13 000 morts selon l’Organisation des Nations unies (3 350 civils , 4 100 membres des forces ukrainiennes et 5 650 membres des groupes armés pro-russes) et le déplacement de près d’un million et demi de personnes.

    Donc comparer cela à la Suisse est non seulement un non sens, mais de plus indécent. De plus, soutenir les réfugiés est une chose, mais livrer indirectement des armes en est une autre.
    Il n’y a que les européens qui pensent que livrer des chars de combat ne fait pas d’eux des belligérants au conflit, quelle belle hypocrisie…

    1. Bravo….et oui aujourd’hui journaliste est un mot qui me fait sourire dont la définition devrait être revue

      Le pire est que dans toute guerre…il y a des événements de part et d’autre qui ont prospéré pour arriver a une fin armée et ne pas oser en parler et le voir ne permet en rien de la résoudre par des moyens pacifiques

  11. Vous enfoncez des portes ouvertes.

    Bien sûr que la Suisse est neutre, au sens moderne du concept, au moins depuis 1815 et Pictet de Rochemont, et bien sûr que cette neutralité l’a protégée: pendant la guerre franco-prussienne de 1870, pendant la guerre de 14-18, et pendant la guerre de 39-45. Tous les Suisses en sont conscients et c’est pourquoi ils sont très inquiets que nos autorités en prennent trop à leur aise avec la neutralité et la violent allègrément (en suivant les sanctions de l’UE qui sont clairement des actes de guerre) ce qui met notree pays en danger.

    Et en même temps, comme dirait Emmanuel Macron, tout le monde sait également que la neutralité n’est jamais absolue. C’est toujours un arbitrage délicat entre des pressions très fortes des grandes puissances, qui parfois sont à même de nous forcer la main. C’est par exemple ce qui s’est passé à un moment donné pendant la guerre de 39-45, quand la Suisse était entièrement cernée par les forces de l’Axe et qu’elle a du louvoyer pour éviter qu’Hitler prenne la décision de l’envahir. C’est à ce moment là qu’il n’a pas été possible de respecter la régle voulant qu’on ne peut pas vendre d’armes à un des belligérants à moins qu’on ne puisse en vendre aussi à l’autre. Et c’est vrai qu’Oerlikon-Bührle a vendu pendant quelques temps des armes à la Wehrmacht. C’était justifié par la nécessité et chacun le comprend. Même Churchill a pris la défense de cette attitude de la Suisse quand les Etats-Unis voulaient la punir pour cela.

    Mais la neutralité n’en reste pas moins une étoile polaire, une norme de référence, à laquelle on finit toujours par revenir comme un équilibriste pour éviter de tomber quand il est sur la corde raide, et qu’il est sauvé in extremis par son balancier qui lui permet de rétablir l’équilibre. La neutralité, c’est ce balancier qui préserve la Suisse, quand elle est au bord du gouffre, de tomber dedans. C’est ce qui s’est passé ces derniers temps. Le Conseil fédéral s’est rendu compte qu’il avait agi avec une légèreté coupable en s’associant ä ces actes de guerre de l’UE co-belligérante, et ils s’en en est repenti. Maintenant, petit à petit il agit pour tenter de se faire pardonner cette faute monumentale. Le balancier de la neutralité les contraint donc à corriger leur faute, tant bien que mal. Ce n’est pas glorieux, mais ils ont raison de vouloir se rattraper après avoir mis le pays en danger par légèreté, sous la pression des banques, contrôilées par Oncle Sam.

    Si vous prenez le précédent des ventes d’armes d’Oerlikon-Bührle pendant la guerre, pour justifier des ventes d’armes actuelles à l’Allemagne en GUERRE (dixt Annalena Baerbock, ministre dees Affaires étrangères de la BRD), c’est donc que vous estimez que nous nous trouvons actuellement dans une situiation où notre liberté d’action est réduite à zéro, de la même façon qu’elle l’était pendant l’opération Barbarossa, c’est à dire que nous sommes contraints de violer la neutralité par force majeure.

    Hélas cette appréciation semble partagée par le Conseil fédéral puisque ce dernier tente désespérment de violer la neutralité, tout en faisant semblant de la préserver (en exportant hypocritement ces armes vers l’Allemagne tout en se se lavant les mains de ce qu’elle en fera).

    C’est pitoyable, car en réalité nous ne sommes pas du tout dans la même situation de nécessité de survie qu’au temps de l’hégémonie totale du Reich allemand en Europe, et nous pourrions parfaitement nous permettre une politique digne, consistant à refuser, au nom de la neutralité, d’armer l’armée otanienne qui est en train d’essayer de recréer un espace vital à l’est, cette fois au nom de la démocratie, mais tout le monde voit bien l’hypocrisie de l’argumentation.

    Non, nous sommes dans un cas de figure où nous avons les moyens d’agir dans la dignité en refusant complètement de livrer cette munition. Nous nous exposerons, ce faisant, à quelques rétorsions, mais nous pouvons et devons les supporter pour préserver la crédibilité de notre neutralité, qui nous protège encore, bien qu’elle ait déjà été trop écornée.

    Vous essayez de nous faire croire que nous serions obligés moralement à violer notre neutralité, car il s’agit d’un combat du bien (la “démocratie”, comme si Zelenski était un “démocrate”) contre le mal (l’autoritarisme de Poutine). Non madame, cet argument ne tient pas.

    La neutralité n’a que faire d’arguments moraux. C’est une politique froide et sans états d’âmes qui consiste à se tenir, au moins à tenter de se tenir, dans toute la mesure du possible, à équidistance des puissances militaires et territoriales qui s’affrontent en Europe, en faisant totalement abstraction des idéologies dont se prévalent, abusivement ou légitimement, les dites puissances.

    1. Vous savez très bien retourner les faits: c’est bien Putin qui a parlé, en premier, du combat du bien contre le mal, en l’occurence l’Ukraine dirigée par des nazis. Le patriarche Cyrille lui emboîte le pas en déclarant que « la Russie ne conduit pas en Ukraine un combat physique mais métaphysique contre les forces du mal. »

      1. @Mark Wild

        Je ne retourne rien du tout.

        Vous avez parfaitement raison: c’est un combat du bien contre le mal de part et d’autre. Le bien des Russes: conservateurs, autoritaires, patriotiques, antifascistes, orthodoxes, est le mal des autres: libéraux-progressistes LGBTQIA, appuyés sur les nationalistes ukrainiens suprématistes et génocidaires, antisémites (ce que cachent les bonnes âmes pro OTAN) qui honorent Stepan Bandera comme un héros et qui bizarrement sont soutenus par toute la propagande pseudo démocratique du camp otanien..

        C’est bien parce qu’il s’agit d’un combat à mort entre des visions du monde radicalement inconciliables, en plus d’un conflit entre grandes puissances qui se servent du peuple ukrainien comme chair à canon, que nous, Suisses neutres, N’AVONS PAS LE DROIT de prendre parti pour l’un ou l’autre des belligérants.

        Madame Tauxe estime que nous faisons partie du camp du bien occidental et que nous devons être alignés couverts derrière ses mots d’ordres bellicistes à la Annalena Baerbock, car elle croit que nous partageons les “valeurs” du pouvoir zélenskiste (mais elle oublie, et surtout elle gomme, l’essentiel, qui est le caractère essentiellement nationaliste, chauviniste, antisémite et raciste de ce pouvoir, issu d’un alliance contre-nature antirusse, dans laquelle on trouve des Juifs et des nazis antisémites ensemble, selon le principe: l’ennemi de mon ennemi est mon ami).

        Mme Tauxe a tort, c’est ce que je dit. Et le Conseil fédéral a grand tort de ne pas maintenir une ligne de neutralité STRICTE.

        Bonjour.

      2. Je voudrais ajouter qu’il n’y a pas une gentille démocratie d’un côté contre une vilaine autocratie de l’autre. Il y a DEUX REGIMES EGALEMENT DETESTABLES de part et d’autre. Et il y a UN CONFLIT QUI NE NOUS CONCERNE PAS, en aucune façon, ni au point de vue géopolitique dans lequel nous ne devons JAMAIS choisir un camp, et encore moins au point de vue idéolgique car LES DEUX REGIMES, UKRAINIEN ET RUSSES, SONT EGALEMENT OPPOSES A NOS VALEURS.

    2. “La neutralité n’a que faire d’arguments moraux”. C’est précisément pour cette raison que l’on ne peut pas être neutre. Ignorer la morale est un choix … moral. Et il est évidemment insoutenable.

  12. Non Madame Tauxe, on ne peut plus aujourd’hui dire que l’Ukraine a été “sauvagement” attaquée par la Russie. On ne peut plus, depuis que Madame Merkel a avoué, publiquement, dans “Die Zeit”, que les accords de Minsk de 2014 sont un mensonge d’Etat signé par des pays européens pour tromper la Russie.
    Européens, USA et OTAN et Ukraine ont semé le vent, ils n’ont pas fini de récolter la tempête.
    La Suisse, qui n’avait rien à voir avec ces accords, s’est sentie obligée de plonger la tête la première dans une co-responsabité qu’elle n’avait pas. À titre moral ? Où est la moralité de s’associer à un occident voyou ?

    1. Certains commentateurs omettent sciemment de se rappeler les accords de Budapest de 1994 et la reddition par l’Ukraine de tout son arsenal nucléaire a l’URSS , contre l’assurance de n’être JAMAIS envahie, même si elle faisait partie de l’OTAN. Les mêmes oublient facilement les russes infiltrés dans le Dombass et qui miment des attaques ukrainiennes, pour faciliter l’occupation russe .
      Et rien, mais absolument rien , ne justifie l’invasion d’un pays démocratique et souverain. Rien ….. Rien ne justifie de piétiner tous les accords internationaux et lois internationales qui régissent les limites et frontières des pays. . Rien , rien, mais surtout rien, ne justifie les atrocités, et crimes de guerre commis par l’agresseur, qui est clairement , et quoi qu’en disent certains, Poutine , avec son opération spéciale . Zelensky ne fait que se défendre. Poutine reçoit des armes et du soutien d’Afganistan et de la Corée du Nord : ça ne pose pas de problèmes. Les USA et l’EU soutiennent l’Ukraine : quel scandale …. : soyons sérieux et objectifs ….: cela semble trop compliqué pour certains adeptes d’un tyran narcissique.

      1. Vous falsifier gentiment l’Histoire. Ce sont les USA qui ont exigé que l’Ukraine remette son arsenal nucléaire à l’URSS pour garder le contrôle dans les mains des grandes puissances dans ce domaine, et c’est bien normal.

  13. @ Taleb Veronique Et jamais l’Ukraine n’aurait été envahie, quoi que vous fassiez dire ( prouvez ce que vous dites ) a Mme Merkel , si l’Ukraine n’avait pas naïvement cru la Russie en 1994 et rendu tout son arsenal nucléaire. Jamais Poutine n’aurait osé l’envahir.
    Poutine ne cache pas sa volonté de restaurer sa (?) grande Russie , et au besoin de continuer ses opérations spéciales en Pologne et dans les Pays Baltes, mais surtout en Moldavie . Il le dit et le redit , et cela ne tient pas Mme Merkel, mais a la haine de Poutine de « l’Occident » et de sa décadence selon lui, de ses libertés d’expression et intellectuelles, qu’il traite de sataniques ( au 21 eme siècle, sans blagues ….) .
    Et oui, Poutine a envahi sauvagement un pays souverain . Et oui, Poutine a piétiné accords et lois internationaux , commis beaucoup de crimes de guerre . Et absolument rien, à part le grand narcissisme pervers d’un seul homme , ne le justifie .

  14. Merci à la charmante Mme Tauxe, qui publie sans broncher les commentaires même très opposés à ses idées, et même si ceux-ci sont, me semble-t-il, en majorité. (Ce qui est rassurant).

    Bel exemple d’honnêteté intellectuelle et de fair play journalistique. On ne peut pas en dire autant de bon nombre de ses collègues.

    Compliments madame!

    1. La démocratie, c’est le débat, la confrontation des opinions. C’est pour profiter de cela et de leur liberté que les Ukrainiens versent leur sang. Essayons d’être à la hauteur de leur sacrifice et d’une époque si pleine de gravité et de tragédie.

      1. L’OTAN ce n’est pas forcément la démocratie (selon l’histoire de l’OTAN elle-même).
        Et pour les Ukrainiens et les Russies, je leur souhaitent de ne pas verser leur sang pour rien.
        Mourir pour ses idées, mais de mort lente…
        La neutralité est un vrai acte de paix, en ce sens qu’il incite les autres à la la modestie.
        Alors que la fourniture d’armes à des belligérants est un acte de guerre en ce sens qu’il pose l’idée que les guerres sont une manière juste de réaliser ses buts politiques.
        L’Ukraine a été attaquée, mais les armes ne sont pas la solution à ce conflit. La solution à ce conflit est la neutralité de l’Ukraine et le retrait des troupes russes.
        Et pour cela, il faudra négocier, en Suisse par exemple (si elle reste neutre) ou ailleurs, si la Suisse ne souhaite plus être neutre.
        La position d’offrir un lieu de négociation est une position très forte de la politique suisse. Voulons-nous jeter tout cela à la poubelle?

        1. C’est quoi le raisonnement ? Les Ukrainiens ont droit aux bombes parce que le régime n’est pas une parfaite petite démocratie comme la nôtre ? Je ne vois pas ce qui peut faire rire dans cette guerre.

          1. En effet, ça ne fait pas rire. Deux régimes détestables et fanatiques se battent pour imposer chacun sa conception nationaliste. Mais il faut bien reconnaître que la puissance américaine a acculé sciemment la Russie dans une situation où ses intérêts vitaux étaient menacés. On peut donc dire que l’agresseur n’est pas celui qu’on croit. Lisez Brzezinski. Le but est d’arrimer l’Ukraine à l’empire US car sans l’Ukraine la Russie s’effondrera. Je n’ai pas la citation exacte par coeur mais il’agit bien de désintégrer la Russie complètement, en commençant par lui arracher son influence sur l’Ukraine. Il faut arrêter avec le narratif de la lutte entre la gentille démocratie ukrainienne contre la vilaine autocrate russe. Les Ukrainiens ont toujours souhaité une entente avec la Russie. Ils sont victimes du bellicisme de l’OTAN. Même Zelenski a été élu dans l’espoir qu’il fasse une politique conciliante. Le conflit aurait pu être évité si on avait loyalement appliqué les accords de Minsk. Nous savons aujourd’hui par Angela Merkel et François Hollande que ces accords (entérinés par L’ONU et dont la France et l’Allemagne étaient garants), avaient pour but de gagner du temps pour préparer la guerre contre la Russie. Donc les fauteurs de guerre dont ceux qui ont toujours refusé de donner des garanties de sécurité à la Russie. Maintenant le jusqu’auboutisme de l’OTAN fait que le peuple ukrainien est saigné. On nous ment en affirmant que l’Ukraine peut gagner. C’est impossible. Vous souffrez de toute cette effusion de sang. Pourquoi ne signez-vous pas, en tant que journaliste connue, la pétition lancée courageusement par Arni Klarsfeld dans le but d’éviter la 3ème guerre mondiale, nucléaire, sur le territoire européen?

  15. Le problème est que l’auteure ne fait jamais aucun éloge, ni ne rend le moindre hommage, à la politique suisse dans le domaine de la paix. Elle ne trouve que des défauts de notre part et jamais un seul mot sur l’hégémonie de l’UE. Il est notoire que la politique constante, en apparence Neutre, du CF a été bénéfique pour nous tous et pour les pays limitrophes. Vous voulez aussi repousser la place mondiale de la diplomatie de Genève vers Istanbul? Laissez faire SVP, l’on change pas un système qui marche!

  16. En vous lisant je comprends mieux pourquoi le Journal Hebdo a fermé. Vos propos ne représentent que des bobos qui pensent avoir raison. Vous souffrez d’un complexe de supériorité. Un conseil faites vous soigner ! A bon entendeur…….

    1. Voilà une contribution intelligente et décisive au débat sur la neutralité et sur la guerre en Ukraine… L’Hebdo est mort il y a 6 ans – laissez le reposer en paix – il a rendu quelques services à la diversité de la presse et au débat public romand et suisse. Et laissez celles et ceux qui y ont travaillé avoir le plaisir de défendre un point de vue, même s’il n’est pas le vôtre. On est en démocratie, et la confrontation des opinions et des arguments mérite mieux que des attaques personnelles un peu vaines d’ailleurs – les journalistes ont l’habitude d’être critiqués et à force deviennent assez imperméables aux commentaires tels que le vôtre.

      1. On peut être patriote (aimer la Suisse) et dénoncer l’hypocrisie du discours sur la neutralité. Attention aux amalgames et aux lectures binaires.

Les commentaires sont clos.