Le dessous des cartes

Aux antipodes de la raison

Vendredi passé, les cadres de l’UDC emmenés par le conseiller national grison, Heinz Brand, présentent leurs propositions de mise en œuvre du nouvel article 121a de la Constitution après le vote du 9 février dernier. Plusieurs observations peuvent être faites à ce stade.

Sur la forme, l’UDC continue de se plaindre de ne pas avoir été associé au groupe de travail mis en place par le Conseil fédéral pour collaborer à cette mise en œuvre. Le parti semble oublier que, du moment où le vote a été accepté par le peuple et les cantons, la nouvelle disposition constitutionnelle n’a plus à être principalement interprétée selon la volonté des initiants – ni même selon le Message du Conseil fédéral d’ailleurs – mais bien selon des méthodes juridiques reconnues. L’interprétation n’est plus celle d’un texte d’initiative populaire mais bien celle d’un texte figurant dans la Constitution.

Sur le fond, on ne peut pas dire que le parti se soit particulièrement foulé en termes d’inventivité. Les sept pages de propositions reprennent en substance le système réchauffé du contingent global existant en Suisse entre 1970 et 2002 mais en plus précaire encore:

En fin de compte, après avoir prôné durant plusieurs semaines en cours de campagne le système à points anglo-saxon, l’UDC prône désormais un système migratoire proche de ceux des pays du Golfe où les postes de travail précaires sont totalement libéralisés. Le recrutement temporaire de main d’œuvre faiblement qualifiée profiteraient aux branches économiques les moins compétitives du pays et la Suisse deviendrait très peu «attractive» pour les personnes qualifiées. Socialement, on imagine déjà les dégâts en termes de conditions de vie inacceptables dans lesquelles seraient placés les travailleurs migrants, tous jeunes, exploités et sans la moindre perspective réelle de séjour. Alors que l’UDC reste très timide sur la question de l’aide sociale au sujet de laquelle il ne fait aucune proposition substantielle, le parti feint d’ignorer que les contingents ne sont pas des instruments adéquats pour stabiliser l’immigration à long terme. Quarante ans d’expérience avec les contingents ont tout de même permis d’observer qu’entre 1970 et 2002, les soldes migratoires en Suisse sont restés largement positifs et la population migrante a continué de croître. L’UDC se contente de ne pas entrer en matière sur ces constats scientifiques de base et s’extirpe de toute responsabilité en n’articulant aucun chiffre.

Autre point problématique, l’asile. On imagine mal comment le Conseil fédéral fixerait un contingent « en fonction des besoins de l’économie» pour les réfugiés et les admis provisoires. Par ailleurs, alors que la réforme urgente de la loi sur l’asile a déjà donné lieu à un arbitrage politique clair, l’UDC revient une fois encore sur ses propositions pour supprimer le regroupement familial des admis provisoires et pour supprimer l’aide sociale pour les requérants d’asile.

La validation populaire du 9 février dernier laisse une marge de manœuvre au législateur. Celui-ci doit construire sa nouvelle politique migratoire sur la base de constats rationnels et de manière humaine.

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