Tout est possible

L’AI : soucieuse du bien-être ?

RTS. Dimanche soir dernier. Mise au point. 20 :45. Enquête sur des expertises de l’AI qui rapportent des millions.

On parle des experts de l’assurance invalidité. Certains abuseraient des expertises. Du côté des malades et des accidentés (du mien aussi), c’est parfois une guerre complexe. Mon cas était encore simple. Handicap physique. Atteinte sensorielle. Difficultés mentales, certes, qui évoluaient bien. Comment estimer les limites que celles-ci produisent ? Ne parlons pas des difficultés liées aux cas psychiatriques que l’on ne peut, souvent, pas contrôler. Ni imaginer comment elles affectent terriblement le quotidien. Pour les personnes qui ne reçoivent pas d’aide, après un lourd combat, ce refus peut avoir des lourdes conséquences. Financières, car elles sont partiellement ou totalement incapables de travailler. Morale aussi, ne plus voir de sortie du tunnel. Et sociale, inciter un chamboulement dans une famille.

 

Mon expérience

 

Cérébrolésée, les conséquences de mon accident étaient graves. Certaines sont irréversible. Comme la spasticité (difficultés de coordination et d’équilibre impossible à contrôler), la vision (champ visuel rétréci et vision double), additionnés à une fatigue accentuée dans certaines circonstances, un manque de concentration, la parole moins fluide. Un certain taux d’invalidité qui était, pour moi, difficile à accepter. Bien évidemment, jeune fille de vingt ans, je ne voulais pas reconnaître mon « invalidité ». Je voulais montrer de quoi j’étais capable. Mais j’avais un handicap. Je devais le considérer.

Certaines amies rencontrées dans le milieu du sport handicap attendaient une réponse de cette instance depuis longtemps. Je n’en avais jamais fait la demande, ne sachant même pas que j’en avais le droit. Quand ma situation s’est détériorée (je n’obtenais plus l’aide financier de mes parents en plein divorce, je n’avais pas bouclé mes études et je ne gagnais pas d’argent), je me suis approchée d’une avocate qui m’a aidé. En réalité, je ne parvenais pas à conduire toutes les démarches administratives. L’on ne m’avait jamais proposé de m’aider, par le passé. C’était, probablement, la méthode la plus efficace pour avoir une réponse rapidement. Deux ans. Au moins, cela a aidé.

Expertise médicale : j’ai fait plein de tests neurologiques aux HUG pour déterminer mes déficiences (et non mes capacités) physiques et mentales. On ne mesurait pas ce qui va bien, mais ce qui ne va pas. Cette perspective conduit d’emblée à défavoriser l’esprit du patient. Le mien aussi.

L’AI étant entrée en matière au sujet de la réinsertion professionnelle, elle me proposait de faire un CFC d’employée de commerce. Quoi ? Ce n’était pas assez, pour moi. Je me voyais devenir médecin avant mon accident. Depuis, j’espérais devenir physiothérapeute. Trop long. Douze ans d’études (les deux dernières années de matu plus quatre ans à la Haute Ecole de Santé, le tout fois deux) ! Mission impossible. Je désespérais, moi qui a été éduquée par mon père pour devenir médecin ou avocate. Un excellent salaire m’aurait attendu. Avant mon accident de 2008, ma voie était tracée. Déprime totale. Je ne savais pas quoi faire.

J’ai dû passer des tests à l’Office des Assurances Sociales pour déterminer mes intérêts. J’étais loin d’être convaincue par ce qu’ils me proposaient. Mais je l’acceptais. Je n’avais pas vraiment le choix. Simultanément, je me cherchais une meilleure alternative et je me renseignais sur d’autres formations. Je trouve une formation Bachelor à l’ESM (Ecole de management et de communication à Genève) à mi-temps, pour des sportifs et des sportives d’élite. Ayant provisoirement dû suspendre ma carrière équestre par manque de moyens financiers, j’étais encore considérée comme une athlète de haut niveau. Bingo. Le temps consacré au quotidien à ma formation correspondait à mes possibilités de santé et à mon ambition de mener des études supérieures. Mais à quel prix ? accompagnée dans mes démarches, j’ai finalement pu négocier cette condition favorablement. Bonne réflexion : mes études me permettent aujourd’hui d’affronter la vie, professionnelle et sportive à la fois de manière indépendante. Le bénéfice semble clair.

 

Suis-je un cas unique ?

 

Il est évident que l’on ne peut pas attendre de chacun de surmonter l’obstacle face à son interlocuteur de l’AI. C’est très dur, moralement. Face à un protocole strict à respecter, les situations sont traitées les unes après les autres. L’humanité devrait sans doute y retrouver une plus grande place. Chaque cas est différent. Chaque personne. Chaque maladie ou accident. Chaque pathologie. Ses conséquences. S’adapter à chaque personne individuellement est une nécessité. Rien que par respect. Est-ce possible ou complètement illusoire ?

Je pars du point de vue que les personnes sont honnêtes. Comment identifier celles qui ne le sont pas ? Malheureusement, des abus sont faits, volontairement. Que ce soit du côtés des experts (médecins) ou des bénéficiaires. Enjeux financiers pour les deux parties. Raisons pour lesquelles il est encore plus dur d’adapter les mesures d’une manière personnalisée.

Où le problème peut-il être résolu ? En politique ? Au parlement ? Peut-on un jour espérer un changement ? Une réflexion profonde s’impose.

Voir mon reportage de la RTS, 66-9, « L’honneur perdu de l’AI », février 2018 (mon témoignage à 40min50)

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