…Mettre toutes les chances de son côté non plus. Est-ce qu’atteindre les résultats demandés signifie que le tour est joué ? Dans le monde d’aujourd’hui, il se trouve que gagner ne permet pas d’y arriver. Notre société exige souvent la perfection et la possibilité de contourner le chemin n’est donc pas toujours une option. Je me demandais pourquoi, bien qu’ayant été blessée un certain temps, la Fédération ne m’a pas sélectionnée pour les Mondiaux paralympiques à Dubai (novembre 2019) alors que j’avais atteint les « minima B » ?
Aucune chance de plus
Malgré avoir réussi ces « minimum requis », que signifient-t-ils dans la réalité ? Me restant suffisamment de temps pour récupérer (deux mois après la sélection officielle de septembre), n’auraient-ils pas pu prendre une décision ultérieurement ? Réévaluer ma forme et ma santé leur aurait permis de faire un choix objectif concernant ma participation. Pourtant, nous (mon coach et moi) gardions espoir, pensions que, sauf imprévu, tout était encore possible.
La décision de la Fédération est décevante. Frustrante. C’est mon ressenti. Ce n’est pas le fait de ne pas avoir été sélectionnée, mais bien parce que la commission de sélection n’a pas pu clairement se justifier. Si l’état de ma cheville ne s’était pas suffisamment améliorée un mois plus tard, j’aurais évidemment accepté cette situation. Dans ces conditions, j’aurais préféré que la Fédération me dise qu’elle voulait me préserver pour l’échéance clé (les Jeux paralympiques de Tokyo 2020). Certes, la décision est tombée et je ne peux pas la changer. Je dois l’accepter. Point. Pour continuer à avancer.
Cette expérience reflète une réalité
La concurrence devenant de plus en plus rude, on ne peut plus jamais se reposer sur ses acquis. Et ça, c’est plus ou moins pareil dans tous les domaines de la vie ! Dans mon cas, bien qu’ayant obtenu d’excellents résultats, il faut à chaque fois les confirmer. La perfection est demandée et l’embûche n’est pas tolérée. Malgré que j’aie continué à m’entraîner tout l’été alors que j’étais blessée (entraînements adaptés), cet investissement supplémentaire n’a pas été considéré à sa juste valeur. J’avais donc tout entrepris pour maintenir ma forme dans l’idée de renouer rapidement avec la compétition. Je ne devais pas me trouver d’excuses, je devais gagner pour y aller !
En plus, le choix du sport athlétique et paralympique suisse est utopique ! Il n’y a pas beaucoup d’athlètes. L’organisation faîtière aimerait inciter plus de personnes en situation de handicap à pratiquer l’une de leurs activités. En même temps, pour le développement du sport handicap, la Suisse doit être représentée aux compétitions majeures. Hélas, notre participation reste aujourd’hui limitée ! Avec un modeste soutien, comment peut-on espérer évoluer ? Cherchez l’erreur ! Malgré que je ne connaisse pas les enjeux majeurs, des solutions devront être trouvées afin de développer le sport handicap ! L’engouement doit se faire et les personnes en situation de handicap doivent elles-mêmes être inspirées et motivées en regardant les athlètes paralympiques se dépasser !
Comment accepter la décision et rester motivée ?
Avant de pleinement reprendre l’entraînement, je devais me débarrasser complètement de toute émotion pouvant freiner ma progression ; surtout retrouver ma volonté de me battre et d’avancer. Il m’a fallu quelques semaines pour digérer cette décision de non-sélection. Mais comment ?
- Rédiger une lettre à l’entraîneur national ce qui m’a permis d’exprimer mon désaccord.
- Me rappeler mon objectif ultime (sa réalisation) : le choix de l’opération de ma cheville avait pour but de performer à Tokyo en 2020.
- Me rattacher à mes valeurs – la détermination et la persévérance – ainsi qu’à ma passion (ça montre que le dépassement de soi peut être dur et magnifique à la fois !)
- Être entourée par mes proches et les personnes qui croient en moi et me soutiennent. Ils me suivront et me soutiendront tant que je me donne à fond.
- Informer mon équipe proche (médico-sportive notamment) et lui transmettre ma niac de continuer. J’ai été rassurée, ces personnes ne m’ont pas abandonnée !
- Pour « mettre de côté » émotionnellement cette décision (même si ma réaction n’était pas la bonne), j’ai essayé de ne pas y penser. Afin de minimiser la difficulté, j’ai multiplié les activités. Jusqu’à « craquer », ce qui m’a finalement bien soulagée ! De plus, il m’a fallu me dépasser afin de me soulager mentalement: j’ai sprinté au départ d’une course (les 20km de Genève by Genève Aéroport). Même si ça s’est bien passé et que je pensais l’avoir bien calculé, le risque était trop élevé d’abîmer mon pied… La prochaine fois, je trouverai une meilleure idée!
- L’expérience positive de porter la flamme olympique des Jeux Olympiques de la Jeunesse Lausanne 2020 lors de la cérémonie à Genève a permis de retrouver les vibrations intérieures de mon rêve paralympique.
- Faire à nouveau les mêmes séances d’entraînement qu’avant m’a rassuré: d’une certaine manière, elles m’ont rapproché de mon objectif et m’ont montré que tout était encore possible.
- L’apprentissage de cette situation m’a finalement permis de me réorienter, de mettre des priorités et de me concentrer sur la qualité plutôt que la quantité. Cette leçon, je vais pouvoir la travailler et en profiter plus tard… A moi de jouer !
Comment continuer à promouvoir son activité et pousser à la développer ?
Le sport handicap se développe de jour en jour. Le niveau international augmente et la concurrence devient de plus en plus rude. Si la Suisse veut être compétitive à tous les niveaux, elle se doit d’encourager les personnes en situation de handicap à la pratique d’une activité sportive. Le “para” doit tant être soutenu par des actions individuelles (envers les athlètes) que collectives (envers le sport handicap) pour maximiser son développement. De plus, il est impératif de faire véhiculer les forces des athlètes, d’insister sur le fait que leurs difficultés, liées au handicap, peuvent se transformer en opportunités ; pour eux et pour les autres. Tout le monde a quelque chose à y gagner !
Photo: Jess Hoffman