Tout est possible

Je vous demande pardon…

…L’autre jour, je suis montée dans un tram. On m’a ignorée. Comme si je me déplaçais facilement avec des cannes. En plus, il y avait beaucoup de monde et il faisait chaud. Comme moi, chacun rêvait de s’asseoir. Mais, en ce qui me concerne, au risque de tomber, je ne pouvais pas rester debout longtemps. La situation aurait été quasi impossible si cela était à une heure de pointe.

 

Handicapée, même si cela ne se voit pas, mon équilibre est limité, bien que je n’utilise pas de fauteuil roulant. En voyant ma démarche quelque peu hésitante, on pourrait croire que je ne me sens pas très bien ou que j’ai bu un verre de trop. Dans la rue, la perception des personnes dépend fortement de leur sensibilité. Quel qu’en soit la manière, le respect envers chaque situation ne doit pas être une option.

 

Leçon 1 : L’égalité ne doit pas être oubliée

 

Lorsque je demande une place assisse ou simplement de passer, on ne me l’accorde pas toujours. Utopiquement, je devrais être en pleine forme, étant donné que je porte souvent une tenue de sport. Faut-il encore préciser qu’il est possible d’être déséquilibré dans ses mouvements et musclé à la fois ? Comme le veut le principe d’égalité défendu à travers notre société, le métier de sportif d’élite peut être pratiqué que vous soyez un résidant, un étranger ou une personne avec une singularité. Pourtant, il reste encore beaucoup de travail à effectuer si on veut parvenir à une situation qui tend vraiment vers l’inclusion.

 

Est-ce que l’on banalise les véritables difficultés dans ce monde où toutes les idées sont idéalisées ? Aimerait-on ignorer ou même s’aveugler des particularités de chacun, malgré qu’elles paraissent une minorité ?

 

Peu importe le jour ou la météo, il m’arrive de devoir me justifier. Dans ce cas, on ne me croit pas toujours. Les nombreux regards inquiétants sont déjà suffisamment alourdissant, comme si le fait d’être ignorée pouvait encore s’ajouter à mes difficultés. Patiemment, ma mission est de sensibiliser les passants aux handicaps invisibles. N’en avaient-ils pas conscience ou sous-estimaient-ils leur importance ? S’ils n’avaient jusque-là pas approché des personnes en situation de handicap, c’était leur chance de franchir le cap !

 

Leçon 2 : Approchez les personnes sans être gêné

 

N’avez-vous jamais osé aller vers les personnes qui vous semblent « différentes » ? Les avez-vous parfois ignorées ou hésité à les regarder, ayant peur de les déranger ? Grâce à un simple geste à leur égard, à votre écoute, vous aurez banni un apriori : en vous ouvrant à eux, vous les comprendrez mieux et vous aurez gagné une dose d’humanité.

 

Avoir une jambe cassée est synonyme de visibilité 

 

Étant blessée (en plus d’être handicapée), j’étais curieuse d’analyser comment mes béquilles et ma « botte de ski » allaient être interprétées. Le regard d’autrui aura-t-il changé ? Je voulais consciemment évaluer ces deux situations opposées, bien que je ne puisse pas vraiment les dissocier, vivant les deux simultanément. La différence est que le handicap fait partie de soi et qu’une blessure se soigne et disparaîtra.

Après mon dernier accident, j’ai pu à nouveau monter dans un tram. C’était au terminus. Il y avait des sièges libres. Je m’assieds près de la sortie. Le tram s’est rempli et les gens ont sans doute vu ma jambe bien « emballée ». Ils ne m’ont pas demandé de bouger. J’ai même pu laisser mon sac à côté de moi. Le luxe d’occuper deux sièges m’était parfois même accordé dans les moments les plus fréquentés, même si je ne les utilisais pas. Pour moi, il était évident de ne prendre qu’une place et de veiller à ce que mes affaires ne gênent personne. Par respect.

Un peu plus tard, j’ai vécu une situation contradictoire, à nouveau dans un tram, à la gare. En fin d’après-midi, je ne vous dis pas, il y avait du monde. J’ai cherché une place proche de la porte d’entrée. Personne ne s’est levé. Les portes se sont fermées rapidement et « l’engin » a démarré aussitôt. Au premier virage, j’ai perdu l’équilibre, sauté sur un pied afin de ne pas percuter ma jambe lésée. Les passagers ne pouvaient-ils pas voir l’impossibilité que j’avais de me déplacer ? Ne pouvaient-ils pas simplement me laisser passer ?

J’en ai conclu que les gens étaient d’accord de s’adapter à une situation (je suis déjà dans le tram quand ils arrivent) mais qu’ils ne sont pas prêts à se déplacer (ils sont dans le tram quand j’arrive), donc à faire un effort, même pour aider.

Ma santé s’étant améliorée, j’ai pu ensuite n’utiliser qu’une seule béquille. Les gens qui l’ont vue ne m’ont jamais demandé de me lever. Finalement, la canne me protégeait encore : la réaction des passants demeurait quasiment inchangée.

Débarrassée de mes aides auxiliaires, étais-je pour autant totalement guérie ? Progressant de plus belle, je ne portais plus qu’une petite attèle. Malgré cet équipement, qui me donnait encore un peu de légitimité, j’éprouvais des difficultés à me déplacer, s’ajoutant aux enjeux liés à mon équilibre, à la coordination et à ma vision, ayant été cérébrolésée.

 

Leçon 3 : Ne vous faites pas d’apriori, vous risquez d’être surpris !

 

Promouvoir l’inclusion, être approché et traité de la même manière doit être votre priorité. Les particularités de chacun permettent à d’autres de s’en inspirer. Mais attendez, vous plaignez-vous encore alors que vous êtes en bonne santé ! Regardez, suis-je si limitée alors que je porte l’étiquette, comme vous pouvez le penser, de diminuée ? Regardez les personnes en situation de handicap gagner et vous serez bluffés par leurs capacités !

 

Les deux mots soulignés sont le « respect » est la « priorité ». Tout le monde a le doit, simultanément, de les incarner et d’en profiter. Nous avons tous quelque chose à y gagner !

Cet article reflète une expérience personnelle telle que je l’ai vécue. Son seul but est d’inviter les lecteurs à la réflexion et de favoriser l’inclusion, c’est-à-dire, selon le Larousse, « l’action d’inclure quelque chose dans un tout, un ensemble », ce qui devrait être appliqué uniformément à la population, tant par les moyens matériels (l’accessibilité notamment) qu’humains (l’approche).

 

Photo: Jess Hoffman

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