L’économie déchiffrée

Quelles politiques économiques face au virus?

Which economic policy measures to face the virus?

La forte réduction du taux d’intérêt par la Fed la semaine passée n’est pas parvenue à enrayer le plongeon des marchés. Aider les entreprises et ménages à supporter le choc du Covid-19 demande une réponse de la part de plusieurs acteurs et pas seulement des banques centrales.

Perturbations de l’offre et de la demande

L’impact économique de l’épidémie est plus complexe que celui de la crise de 2008. La chute de Lehman Brothers avait entraîné une forte baisse de la demande de la part des entreprises et ménages. La réaction appropriée de la politique économique était alors de stimuler la demande, et les banques centrales ont adopté de politiques très agressives dans ce sens. Il a malgré tout fallu du temps pour que la croissance reparte car l’ampleur du problème a contraint les banques centrales à utiliser tous leurs outils, et la politique budgétaire n’a pas été déployée autant que nécessaire.

Le Covid-19 a quant à lui deux effets. Il entraîne tout d’abord une baisse de la demande avec par exemple une limitation des voyages et des activités de loisirs. Ensuite, il bloque les circuits d’approvisionnement des entreprises et la capacité des employé-e-s à se rendre à leur travail. Ce deuxième aspect représente un problème d’offre car les entreprises ne sont pas en mesure de produire même si la demande est au rendez-vous.

Gérer un problème d’offre est une tâche ingrate pour la politique économique. Il ne sert à rien de stimuler la demande, car ceci n’amènera que de l’inflation, comme les banques centrales en ont fait la douloureuse expérience avec les chocs pétroliers des années 1970.

Aider l’économie à s’adapter à la nouvelle donne

La réponse adéquate à un problème d’offre dépend de sa durée. Si le problème va demeurer durant très longtemps, il n’y a alors pas vraiment d’autre option que de s’adapter au fait que la croissance de long terme est réduite. La seule option pour la banque centrale est d’éviter une hausse de l’inflation qui rendrait la situation encore plus douloureuse.

La situation actuelle n’est cependant pas aussi sombre. L’épidémie devrait refluer au bout d’un moment – ce qui peut certes prendre du temps – et nous reviendrons alors à une configuration normale. Nous pouvons comparer la situation à un ouragan qui plombe fortement l’activité économique mais qui finit par passer. Le but de la politique économique est de permettre aux entreprises et aux ménages de passer ce cap douloureux, comme discuté dans un récent blog du FMI. Si les entreprises saines sont contraintes de licencier ou font faillite, il faudra alors créer de nouvelles entreprises et réembaucher les gens une fois la crise passée. Ceci est coûteux et il est préférable de garder les choses en place tant durant la période de creux.

La politique économique doit donc éviter que les contraintes de financement temporaires ne génèrent des problèmes qui prendront du temps à s’estomper. Le chômage partiel est un outil parfaitement indiqué pour ce cas de figure et la décision des autorités de permettre aux entreprises d’y accéder plus rapidement est bienvenue. Faudrait-il des mesures supplémentaires, comme un fonds de soutien aux entreprises, une option actuellement débattue ? La réponse est oui si ce fonds financerait des mesures similaires au chômage partiel, à savoir une aide rapidement disponible pour couvrir les frais autres que les salaires. Libérer des fonds dans plusieurs mois ne servirait pas à grand-chose. Une autre option évoquée est de différer certains coûts, comme le paiement des impôts, afin d’alléger la trésorerie. Cependant, pour payer des impôts encore faut-il réaliser des bénéfices, ce qui ne sera de loin pas le cas de tout le monde.

La banque centrale a un rôle à jouer en assurant l’approvisionnement en liquidité afin d’éviter les à-coups sur les marchés financiers. La situation actuelle est en effet caractérisée par une forte hausse des primes de risque, comme le souligne le FMI. Les interventions de la Fed et de la Banque d’Angleterre visant à limiter cette panique sont bienvenues, mais elles ne seront pas en mesure de résoudre le problème à elles seules.

Les finances publiques à la rescousse

Le soutien financier des pouvoirs publics a un coût. Les ventes que les entreprises n’ont pas réalisées durant les semaines de crise ne seront pas forcément rattrapées plus tard : les gens retourneront au restaurant, mais ils ne vont pas manger plus durant quelques mois pour rattraper les repas qu’ils n’auront pas consommés durant la période d’épidémie. Par conséquent il restera bien un manque à gagner pour les entreprises, et simplement différer leurs charges ne sera pas forcément suffisant.

Dans ce cas, l’aide des autorités sera au final une vraie dépense et non pas simplement un prêt. Cette dépense peut aisément être financée par un emprunt, car la Confédération et les Cantons peuvent se financer à des taux nettement négatifs sur de long horizons. On dit souvent que la bonne santé des finances publiques offre une marge de manœuvre « au cas où ». C’est tout à fait exact, et le Covid-19 représente une situation dans laquelle cette marge devrait être utilisée.

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