L’économie déchiffrée

Un fonds souverain pour la Confédération ?

Should the Swiss Confederation set up a sovereign wealth fund?

Rembourser la dette de la Confédération n’est pas un bon plan quand son montant est déjà bas et les taux d’intérêt négatifs. Une des alternatives serait d’investir dans un fonds de long terme – sans impliquer la BNS qui a d’autres tâches.

Les taux bas offrent une opportunité

Dans une étude publiée aujourd’hui, intitulée Le « fardeau » de la dette publique suisse : Eclairages des recherches scientifiques et pistes pour le futur, j’examine les récents travaux scientifiques sur la dette publique et applique leurs implications à la Suisse. La dette de la Confédération est à un niveau faible (moins de 15 percent du PIB), elle a nettement diminué depuis 2008, et les projections montrent une baisse supplémentaire dans les années à venir (première figure ci-dessous). Dans le même temps les taux d’intérêt sont clairement à la baisse, même pour de longues maturités (seconde figure). Actuellement le rendement d’un placement à 10 ans auprès de la Confédération est de -0.7 pourcent par année.Non seulement les taux sont bas, mais ils sont nettement en deçà du taux de croissance de l’économie. La ligne verte de la figure ci-dessous montre la différence entre le taux sur une obligation à 10 ans et la croissance du PIB (aux prix courants). Par exemple, en 2018 le taux d’intérêt était de 0.03 pourcent et le PIB a augmenté de 3.03 pourcent, donnant un écart de -3.0 pourcent. La ligne rouge présente le même calcul en considérant la croissance prévue sur les cinq prochaines années, selon le FMI. Entre 2018 et 2023 le FMI prévoit une croissance annuelle de 2.92 pourcent, ce qui donne un écart de -2.89 pourcent par rapport au taux d’intérêt.

Le taux d’intérêt et clairement plus bas que la croissance, une situation souvent observée en Suisse). Cet écart implique que si la Confédération ne fait pas de déficit, le poids économique de la dette – le ratio entre la dette et le PIB – diminue tout seul. Pour dire les choses autrement, nous pouvons stabiliser le poids de la dette tout en ayant un déficit des finances publiques. Mes estimations donnent un ordre de grandeur de 2.6 milliards par année pour le déficit que la Confédération pourrait se permettre.

Un fonds souverain ?

Que faire avec cet argent ? Bien des options peuvent être considérées : baisse d’impôts, investissement dans les infrastructures ou l’éducation, et j’en passe. Une possibilité serait d’investir ces montants dans un fonds souverain. En d’autres termes la Confédération emprunterait pour investir aussi à long terme, rentabilisant ainsi la confiance que les investisseurs ont dans notre pays. Il convient de souligner que cette stratégie implique seulement la Confédération, et pas la BNS qui est bien occupée à d’autres tâches. L’idée est donc complètement distincte des propositions de faire de la BNS un fonds souverain. Une étude récente montre que les Cantons pourraient eux aussi bénéficier d’une stratégie similaire.

Pour évaluer les rendements d’un tel fonds, je considère plusieurs options d’investissements et estime qu’un fonds pesant 10 pourcent du PIB (70 milliards de francs) pourrait rapporter entre 0.7 et 2 milliards par année. Si les estimations présentées peuvent bien entendu être affinée, l’analyse montre clairement que la stratégie actuelle de remboursement de la dette n’est pas la bonne. Après tout, rembourser la dette lorsque les marchés vous accordent un taux négatif revient à investir à ce taux négatif. On peut mieux faire.

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