L’économie déchiffrée

Le rôle global de l’euro : beaucoup de bruit pour peu de choses

Don’t lose sleep over the global role of the euro

Renforcer le rôle global de l’euro, comme le souhaite Jean-Claude Juncker, est une perte de temps. Il y a d’autres priorités plus urgentes en Europe, et le rôle international d’une monnaie est un aspect bien moins important que l’on croit.

L’ordre monétaire n’est pas un tournoi de foot

Il n’est pas rare de voir des politiciens vouloir assoir le rôle international de leur monnaie, et de détrôner ainsi le dollar. Il est indéniable que le billet vert domine le système monétaire international sous plusieurs aspects, et que ce rôle majeur va bien au-delà du poids des Etats-Unis dans l’économie mondiale.

Mais ce qui importe est la stabilité du pouvoir d’achat d’une monnaie. C’est pour cela que les banques centrales sont concentrées sur la stabilité des prix, visant une inflation stable et modérée. C’est clairement le cas depuis plusieurs années (en fait le problème est plutôt que l’inflation est trop basse, mais ceci est un autre sujet). Une fois l’objectif de stabilité des prix atteint, peu importe le rang atteint par une monnaie au classement mondial.

Dans un tournoi de foot il ne suffit pas de bien jouer, encore faut-il le faire mieux que les équipes adverses. C’est le contraire pour la politique monétaire : l’important est d’atteindre la stabilité des prix. Si d’autres le font encore mieux, grand bien leur fasse.

La monnaie internationale : un trophée que ne change pas grands chose

Mais les Etats-Unis ne disposent-ils pas d’un privilège du fait du poids dominant du dollar ? En fait, pas vraiment. Premièrement, le gouvernement américain n’emprunte pas à des meilleures conditions que ceux d’autres pays. Les rendements sur les dettes souveraines européennes et japonaises sont plus faibles, même une fois corrigés de l’inflation.

Plusieurs études ont été conduites pour déterminer si les Etats-Unis gagnent de meilleurs rendements sur leurs investissements à l’étranger que ceux que les investisseurs étrangers obtiennent sur leurs avoirs américains. C’est effectivement le cas dans l’ensemble, mais il convient de regarder les choses de plus près. Tout d’abord les avoirs américains à l’étranger comprennent beaucoup de placement en actions et d’investissement directs (les participations des multinationales dans leurs filiales). Ces investissements rapportent plus que les placements en obligations, lesquels représentent une bonne partie des avoirs étrangers aux Etats-Unis. Ensuite, l’écart de rendement entre avoirs américains et avoirs des investisseurs étrangers est minime lorsque l’on compare des actifs dans la même catégorie (par exemple actions étrangères détenues par les américains contre actions américaines détenues par les investisseurs étrangers). La seule catégorie montrant un écart matériel est celle des investissements directs des multinationales dans leurs filiales, mais ces chiffres incluent une part substantielle d’estimations avec une marge d’incertitude.

D’autres priorités pour la zone euro

La zone euro fait face à toute une série de chantiers bien connus : renforcement de l’union bancaire, construction d’un mécanisme de recapitalisation des banques en cas de faillite, construction d’un pan budgétaire, passage de marchés financiers fragmentés à un marché plus large, et bien d’autres. Que l’euro ait ou non un rôle global n’y change rien. En fait son rôle s’accroîtrait sans doute une fois les chantiers menés à bien, car au final le poids international d’une monnaie n’est que le reflet de la qualité des institutions et marchés du pays émetteur.

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