L’économie déchiffrée

No-Billag : l’information n’est pas un produit comme un autre

L’initiative No-Billag considère à tort que l’argent public n’est pas nécessaire pour garantir la diversité médiatique. Or une information de qualité se prête mal au jeu du marché.

L’information est un bien public

« Je paie ce que je consomme » est un argument valable pour la plupart des activités, comme par exemple un repas au restaurant. L’information de qualité fait cependant partie des activités générant une externalité : même si je ne consulte pas les médias je suis exposé aux vues des personnes de mon entourage qui les regardent. Certes, cela ne me fait pas toujours plaisir, mais c’est nettement préférable que de rester enfermé dans ma bulle.

Dans une telle situation d’externalité les économistes savent bien que le marché laissé à lui-même conduira à une consommation trop faible de services comme l’information indépendante. Il y a alors un rôle pour les pouvoirs publics, un point que votre serviteur soulignait déjà voici bientôt un an avec Jean-Pierre Danthine dans le contexte de la presse écrite.

Il est du reste saisissant que les initiants prennent le cas de la presse écrite pour argumenter que l’acceptation de No-Billag serait sans dommages. Après la disparition de l’Hebdo, les restructurations répétées dans la presse romande, et le transfert des recettes publicitaires sur d’autres plateformes, c’est un bien étrange argument. Certes des journaux à l’échelle de la Suisse romande subsistent, pour l’instant, mais leur avenir est très incertain.

Payer pour des services publics que l’on ne consomme pas, ou peu, est normal, car après tout nous bénéficions aussi du paiement des autres pour les services que nous consommons. Il ne me viendrait pas à l’idée de refuser qu’une partie de mes impôts financent l’école primaire sous prétexte que je n’ai pas d’enfants en bas âge, ou l’assurance chômage sous prétexte que j’ai un job stable. Cela serait oublier un peu vite que j’ai bien bénéficié des impôts des autres pendant ma formation.

Réparer plutôt que jeter

La SSR et le système de la redevance ne sont de loin pas exempts de critiques. J’ai par exemple toujours trouvé qu’il serait nettement préférable de financer la redevance via les recettes générales de la Confédération (TVA, IFD et autres) plutôt que via une entreprise n’existant qu’à cette fin.

Mais l’initiative ne propose rien de tout cela. Son texte est limpide :

4- Elle [la Confédération] ne subventionne aucune chaîne de radio ou de télévision. Elle peut payer la diffusion de communiqués officiels urgents.

5- Aucune redevance de réception ne peut être prélevée par la Confédération ou par un tiers mandaté par elle.

Il ne s’agit donc pas de rationaliser le financement des médias ou les tâches de la SSR, mais bien de supprimer tout financement public. Cela revient à jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est une démarche trop radicale : l’information de qualité est un bien trop précieux dans un pays divers comme le nôtre pour qu’on le traite comme un smartphone que l’on jette dès qu’il devient poussif.

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