L’économie déchiffrée

Politique fiscale de Trump : open bar sur le Titanic

Si l’on m’avait demandé de mettre au point un plan creusant au maximum le déficit budgétaire tout en générant le moins possible de bénéfices économiques, j’aurais proposé celui que le Sénat américain vient d’adopter.

Cette réforme fiscale abaisse massivement les impôts sur les entreprises et les ménages les plus riches, et fait payer ce cadeau à la vaste majorité des ménages. Ceux-ci bénéficient tout juste de quelques baisses temporaires d’impôts afin d’enjoliver l’emballage.

Un déficit sans stimulus de croissance

Un tel déficit ne fera rien pour la croissance. Un grand nombre de travaux de recherche ont montré que la relance budgétaire peut fonctionner, mais selon des critères très précis. Le meilleur effet est atteint par des mesures ciblées sur les ménages qui vont dépenser l’aide reçue plutôt que de l’épargner, ou sur des investissements soutenant l’activité économique comme les dépenses d’infrastructure. Le plan du Sénat va à l’encontre de ces recettes.

Les ménages les plus aisés ne vont en effet pas accroître leurs dépenses. Quant aux entreprises américaines, leurs bénéfices se portent très bien comme le montre le graphique ci-dessous. Elles ne font face à aucune contrainte financière qui briderait leurs investissements.

En termes d’infrastructure, le plan va à l’encontre du bon sens. Il augmente par exemple fortement la facture fiscale des étudiants dont les bourses ne seront plus déductibles.

En marche vers la prochaine crise

Ces coupes fiscales prennent place dans un environnement de relâchement de la régulation économique. En plus des changements règlementaires, l’atmosphère est à une attitude plus conciliante des régulateurs envers le monde économique en général et financier en particulier.

Nous risquons bien d’aller au-devant d’un nouvel épisode de subprimes sous une forme ou une autre. Sauf que lorsque le problème éclatera l’Etat américain aura les coudées financières bien moins franches qu’en 2008.

Au final les plus démunis paieront

Le prochain chapitre de la politique budgétaire américaine n’est pas difficile à deviner. Ceux-là même qui ont adopté les coupes d’impôts malgré l’impact sur le déficit budgétaire viendront alors annoncer d’un air grave que ledit déficit est un problème majeur. Oh, pas en vue d’augmenter les impôts, non, mais afin de demander des coupes dans les programmes de retraites et de santé.

Finalement, comme pour le Titanic, se seront les passagers de troisième classe qui paieront le plus lourd tribut, comme le montre le graphique ci-dessous. Au moins en 1912 les hommes voyageant en première classe se sont pliés à l’adage « les femmes et les enfants d’abord » et ont payé le tribut en conséquence, 67 % d’entre eux ayant péri. Je doute hélas que ceux de 2018 aient une attitude aussi correcte.

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