Changer les choses avec des bouquets de roses

L’association du Pain & des Roses, basée à Paris, propose aux femmes réfugiées de découvrir le métier de fleuriste à travers des ateliers. Avec les fleurs, elles apprennent à dépasser leur épineux passé.

Article réalisé dans le cadre du workshop “Solution Journalism and the SDGs” dispensé par l’IHEID en collaboration avec Sparknews. Crédit photo: du Pain & des Roses

«Changer les femmes, changer les hommes, avec des géraniums» chantait Laurent Voulzy. Mais c’est du poème Bread and Roses de James Oppenheim que du Pain & des Roses tire son nom. «Dans ce poème, James Oppenheim raconte que pour vivre, on a bien-sûr besoin de pain pour se nourrir, mais qu’on a aussi besoin de fleurs, de beauté pour s’épanouir. C’est ce que veut refléter notre association», explique Marie Reverchon. Elle a fondé en 2017 du Pain & des Roses à Paris, après avoir travaillé dans sa version anglaise lors de ses études à Londres.

Remette un peu de beauté et de gaieté dans le quotidien parfois sombre des femmes réfugiées ou demandeuses d’asile, voilà la mission que s’est donnée l’association. Elle propose de leur faire découvrir les bases techniques et théoriques de la profession de fleuriste dans des ateliers se déroulant une fois par semaine. «L’avantage de travailler avec des fleurs, c’est que quoi que tu fasses, ce sera beau. Ça permet à ces femmes de reprendre confiance en elles, de voir qu’elles peuvent faire quelque chose de leurs mains», poursuit Marie Reverchon.

Le chemin de la sérénité est parfois bien long pour ces femmes, tant elles reviennent de loin. Selon une étude menée en 2018 par l’association France terre d’asile, les femmes demandeuses d’asile ou réfugiées vivent de nombreuses situations de violence une fois en France. Insultes sexistes et racistes, harcèlement ou agressions sexuelles: les violences qu’elles subissent sont innombrables et les poussent bien souvent à l’isolation et au repli sur elles-mêmes. «Les fleurs sont un moyen de déverrouiller la conversation, renchérit Marie Reverchon. On parle des différents types de fleurs, de comment faire un bouquet, et ça crée naturellement un espace sûr, où ces femmes peuvent se sentir bien.»

Des compétences professionnelles

Les ateliers proposés par du Pain & des Roses ont aussi pour objectif d’apporter à ces femmes des compétences professionnelles qui leur seront utiles par la suite. «L’idée c’est aussi de leur apprendre le métier de la vente, de les aider à développer des compétences communicationnelles ou logistiques», explique la directrice de l’association. En 2019, sur 49 femmes interrogées quelques mois après leur participation aux ateliers, 36 d’entre elles avaient retrouvés une activité. Un résultat encourageant, alors que les chiffres du ministère français du travail estimaient en 2018 que seules 19% des femmes réfugiées sont en emploi dans les premières années qui suivent leur arrivée, contre 52% des hommes.

Pour financer ces ateliers, l’association a monté en parallèle une petite société qui propose aux entreprises et aux particuliers de décorer leurs événements avec des fleurs. «Comme nous travaillons avec des réfugiées, il a fallu montrer que nous étions tout autant professionnelles que les autres fleuristes. Mais la qualité de notre service a très vite été reconnue», précise Marie. Par souci écologique, les fleurs proposées proviennent exclusivement du pays. «Les clients sont parfois surpris, car ils n’ont pas l’habitude des fleurs qui poussent en France. Pourtant, elles sont tout aussi belles», s’amuse-t-elle à rappeler.

Les difficultés du confinement

En temps normal, ces rentrées couvrent 80% des frais de l’association, et le reste est financé par diverses fondations. Mais avec le coronavirus et le confinement, du Pain & de Roses a vu ses revenus s’effondrer, plus personne n’ayant d’événement à organiser. Heureusement, le soutien des fondations devrait leur permettre de garder la tête hors de l’eau.

Ce qui inquiète Marie Reverchon, c’est l’impact du confinement sur les réfugiées, les ateliers ayant été interrompus: «Ces femmes sont déjà de base très isolées, et là c’est encore pire. Maintenant qu’il y a le déconfinement, on va essayer de rouvrir le plus vite possible une classe.» Cela nécessitera de reprendre contact avec les participantes et de les convaincre de reprendre les ateliers, ce qui n’est pas une mince affaire. «Le plus gros problème ce sont celles qui ont débuté les ateliers juste avant le confinement. Le début, c’est toujours la plus grosse étape, et j’ai la crainte qu’elles ne veuillent pas reprendre après la crise.»

Ne se décourageant pas, Marie Reverchon préfère regarder vers le futur. Elle prévoit d’ouvrir en juin un kiosk à fleurs, directement dans les rues de Paris. «Cela permettra aux participantes de mettre en pratique ce qu’elles ont appris en se confrontant directement à la clientèle. De plus, cela représentera une source de revenu supplémentaire.»

Antoine Schaub

Réalisant un master en études du développement à l’IHEID, Antoine Schaub est un passionné de journalisme. Il a été corédacteur en chef du journal des étudiants de Lausanne et écrit régulièrement pour le satirique numérique La Torche 2.0. A travers ce blog, Antoine partage, avec ses mots, ses réflexions et ses analyses sur l’actualité internationale.

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