Eloge de l’action: pour une Suisse dynamique

En Suisse aussi la liberté d’expression est en péril

La réponse timorée de l’Université de Genève à la tentative d’«entartage» de la conseillère nationale Céline Amaudruz lors d’un événement organisé le 21 décembre dernier par le Club genevois de débat doit nous alerter sur le danger que court la liberté d’expression dans notre pays. 

La violence par peur du débat

“Peu importe, pour moi ce sont tous des réactionnaires”. Voilà les mots d’une jeune femme assise devant moi dans l’auditoire R280 d’Unimail au moment où un militant «antifasciste» s’est invité à la joute oratoire organisée par le Club genevois de débat, dans le but de recouvrir la conseillère nationale Céline Amaudruz d’un liquide nauséabond. Venu assister à cet échange portant sur la neutralité de la Suisse en tant que président du Cercle fribourgeois de débat et de rhétorique, j’avais constaté avec plaisir quelques jours auparavant que nos confrères genevois avaient eu à coeur de garantir une bonne représentation des diverses opinions qui existent dans la classe politique au sujet de notre approche de la neutralité en réunissant un jury de haut niveau, dans lequel figurait, aux côtés de deux éminents professeurs de l’Université de Genève et d’un avocat membre du Forum helvétique de politique étrangère (Foraus), une conseillère nationale fermement attachée à défendre la neutralité de la Suisse. Pourtant j’étais loin d’imaginer que de nos jours, l’invitation d’une élue de droite à un débat organisé par une association universitaire suffisait à provoquer l’intrusion d’hommes en cagoule déterminés à l’humilier et à l’agresser physiquement. Si la qualité de l’échange qui a suivi cet acte de violence politique rend honneur au Club genevois de débat et à ses membres, l’incident auquel j’ai assisté m’a conduit à m’interroger sur l’état d’une société dans laquelle certains individus sont prêts à s’en prendre lâchement à notre personnel politique par peur du débat d’idées.

Les ayatollahs du langage

L’extrême-gauche a remporté une victoire significative, elle a gagné la bataille de la langue. A l’instar de la jeune femme assise devant moi ce soir-là et qui s’opposait à tous les «réactionnaires» qu’elle rencontrait, je déplore régulièrement l’emploi, par des jeunes de tous bords politiques, de vocables dont il semblent ignorer le sens et la portée. Le danger principal de cette dérive langagière réside dans le pouvoir performatif que possède la langue. Comme le disait Cicéron il y a deux millénaires, les mots façonnent notre rapport à la réalité. Or, je crains que cette tendance à l’utilisation malavisée de certains qualificatifs ne conduise une grande partie de la jeunesse à croire sincèrement que tous les partis souverainistes sont «racistes» ou que, comme le criait le militant encagoulé auquel nous fument confrontés lors de cette joute oratoire, s’opposer à certaines idées de l’UDC signifie naturellement mener un combat «antifasciste». D’ailleurs il ne fait aucun doute que le mouvement «woke» – auquel nous pouvons sans difficulté associer l’organisme ayant planifié l’agression de Mme Amaudruz – crée, par la radicalité de ses formes d’expression, les conditions d’une violence politique à laquelle nous sommes encore peu habitués en Suisse.

Si le spectacle de jeunes pénétrant dans un auditoire de l’Université de Genève en hurlant «Amaudruz tu pues ! Genève antifasciste !» peut en faire sourire plus d’un et si, comme l’affirmait récemment Yohan Ziehli sur son blog, nous sommes beaucoup à nous amuser des outrances des chantres de l’écriture inclusive, je suis certain que l’influence croissante de ces ayatollahs du langage constitue une menace sérieuse pour la pérennité de notre système démocratique en ce que ces individus sont convaincus davoir le devoir moral d’imposer leur vérité par la violence, notamment celle du verbe (instauration d’un nouveau vocabulaire conforme à leur idéologie et atteintes multiples à la liberté d’expression). Ainsi, la tentative d’agression d’une conseillère nationale au nom d’une lutte contre tous les «réactionnaires» et «fascistes» de Suisse devrait inciter les autorités universitaires à s’opposer avec plus de vigueur aux abus des organes extrémistes qui agissent sur les campus et à leur conception «fort humble des droits de l’individu», pour reprendre une formule d’Alexis de Tocqueville.

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