Eloge de l’action: pour une Suisse dynamique

Pourquoi Boris Johnson n’avait rien d’un populiste

A l’heure où les conservateurs britanniques cherchent un dirigeant capable de succéder à l’artisan du Brexit et d’une révolution idéologique sans précédent dans cet Etat insulaire, toujours resté à l’écart des évolutions politiques du continent, il paraît nécessaire de déterminer les ressorts et les conséquences des profondes mutations du paysage politique britannique au miroir des changements institutionnels et sociaux observés dans les autres démocraties européennes depuis deux décennies.

Boris Johnson a gagné une victoire symbolique. Depuis le début de l’élection interne organisée pour désigner son successeur, tous les candidats à la plus haute fonction politique du pays se sont réclamés de l’héritage du chantre du Brexit, s’engageant à s’inscrire dans la continuité de la politique menée par le Premier Ministre sortant, basée sur le programme électoral grâce auquel l’ancien maire de Londres fut élu triomphalement en décembre 2019. Mais l’influence de Boris Johnson s’étend bien au-delà des cercles conservateurs traditionnels. Encore populaire auprès d’une couche d’électeurs ayant voté tory pour la première fois lors des dernières élections générales, il pouvait affirmer sans honte hier après-midi qu’il avait présidé à une « immense recomposition de la politique britannique », alors qu’il faisait face à une chambre des communes particulièrement éruptive pour ses ultimes Prime Minister’s questions. Au-delà du nombre inouï de scandales qui ont émaillé sa primature, il semble en effet que Boris Johnson fut, à l’instar de William Ewart Gladstone, Ramsay McDonald ou David Lloyd George, l’un des rares hommes d’État britanniques étant parvenu à imposer une vision et des ambitions qui marqueront durablement la vie politique du Royaume-Uni. En proposant un nouveau contrat social, en s’adressant à un électorat populaire historiquement acquis à la cause des travaillistes aussi bien qu’aux électeurs conservateurs traditionnels, son parti s’est engagé à répondre aux disparités économiques qui opposent le sud de l’Angleterre – particulièrement prospère – au reste du pays. Ainsi, en rompant avec une décennie d’austérité, Boris Johnson a initié un vaste programme d’investissement destiné à favoriser le développement d’infrastructures garantissant une meilleure connectivité entre les différentes régions du pays. Paradoxalement, il semble que seul ce partisan convaincu du Brexit pouvait redonner vie aux préceptes de Benjamin Disraeli, qui défendait une vision unitaire du corps social britannique et prônait l’avènement d’un one nation conservatism, doctrine dont le fondement principal était la représentation de l’ensemble de la société britannique par le parti conservateur. Alors que la fracture sociale ne fait que s’accroître dans la plupart des démocraties européennes et que la défiance à l’égard des institutions atteint un niveau préoccupant, la voie suivie par le parti conservateur britannique, malgré ses limites évidentes, a ceci d’intéressant qu’elle permet de renouer avec la conception holiste du politique qui prévalait au XIXe siècle et qui fut l’une des causes de l’hégémonie du parti radical en Suisse. Bien que nos deux systèmes politiques soient profondément différents, n’oublions pas que notre démocratie aussi est fondée sur l’inclusion de tous les segments de la société dans le débat public.

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Remarque complémentaire (25.07.22) :

Cet article ne visait pas à faire l’apologie de Boris Johnson ni à justifier certaines de ses conduites les plus contestables, mais à donner un éclairage différent sur son héritage de Premier Ministre en en abordant un aspect intéressant et généralement occulté.

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