L’invasion de l’Ukraine était prévisible (et évitable)
Il est évident que la situation est dramatique pour le peuple ukrainien. Les images des explosions, mais aussi le nombre croissant de civils blessés ou morts suite à l’arrivée des soldats russes et enfin la vive détresse de la population ukrainienne ont de quoi émouvoir profondément les opinions publiques européennes. Pourtant, Vladimir Poutine n’est pas l’unique responsable de cette situation affligeante. Les occidentaux ont eu le temps de se préparer à une invasion de l’Ukraine par la Russie ; ils auraient dû considérer avec plus de sérieux les revendications de M. Poutine et sa profonde détermination à agir pour restaurer un ordre régional favorable aux intérêts de la Russie. Alors que la plupart des Etats européens, en particulier la France, jugeaient les alertes américaines avec une arrogante désinvolture, certains de pouvoir amadouer l’ours russe par l’étalage de leur vertu et de leur bonne volonté, il eût été plus sage de tenter de comprendre enfin quelle était l’essence véritable des demandes, des inquiétudes et des ambitions de la Russie, qui n’ont pas changé depuis vingt ans.
Non, Vladimir Poutine n’est pas fou. D’ailleurs, depuis le début de cette crise, toutes ses actions sont empreintes d’une stupéfiante rationalité et d’une impressionnante précision d’exécution. L’ancien agent du KGB a agi avec une prodigieuse transparence : il a présenté ses exigences en même temps qu’il ordonnait le déploiement toujours plus important de soldats et d’armement le long des frontières ukrainiennes. Son message était peut-être trop clair, trop évident dans sa brutalité, pour être pris au sérieux. Il ne faisait guère de doute que les demandes de la Russie seraient rejetées, parce qu’elles remettaient en cause la raison d’être de l’OTAN et le droit pour des peuples indépendants et souverains de choisir librement leur destin et d’intégrer pleinement le monde libéral et démocratique. Pourtant les demandes russes ne sont pas totalement illégitimes, elles témoignent d’une inquiétude profonde, d’un puissant sentiment d’humiliation auquel il aurait fallu répondre bien plus tôt. De toute évidence le Kremlin ne croit pas que les nations de l’OTAN aient l’intention de menacer l’intégrité territoriale de la Russie, mais c’est une vive amertume qui motive aujourd’hui les autorités russes. L’occident n’a pas accepté la main tendue par la Russie, et le maintien d’une alliance dirigée contre elle en est une preuve permanente et désagréable. Alors que l’Alliance Atlantique continuait insensiblement son expansion vers l’Est, sans raison puisque l’Empire soviétique était tombé, il aurait fallu comprendre que l’idée de zones d’influences (à laquelle les Américains se réfèrent toujours malgré sa prétendue désuétude) était le seul moyen pour la Russie de garder la tête haute. Mais c’est par une véritable intégration économique et politique, ou du moins par l’écoute attentive des aspirations et du ressentiment de Moscou que l’on aurait pu éviter l’arrivée des chars russes sur le sol ukrainien.
L’occident doit rompre avec l’ethnocentrisme
“Président Poutine, au nom de l’humanité …” En s’adressant ainsi à M. Poutine, le Secrétaire Général des Nations Unies a affiché une nouvelle fois la volonté partagée par de nombreux pays occidentaux d’établir un ordre international pacifié et unifié dans ses buts. Hélas cet idéal n’est pas partagé par l’ensemble de la communauté internationale. En s’érigeant en défenseurs ardents et exclusifs de la liberté, des droits de l’homme, d’un universalisme normatif et moralisateur, en promettant aux Etats voyous des sanctions toujours plus sévères, toujours aussi inefficaces, les Etats occidentaux tentent de satisfaire un besoin de moralité qui ne résout rien. Ce n’est pas en punissant M. Poutine, en cherchant désespérément à l’isoler des affaires du monde que l’on pourra réellement sortir de l’impasse. L’indignation véhémente manifestée par la plupart des capitales occidentales ne doit pas nous faire oublier que l’occident n’est plus le centre du monde. La Russie peut compter sur le soutien intéressé de la Chine, sur les liens étroits qu’elle a tissés avec nombre de nations africaines, sur son influence indéniable au Moyen-orient, sur son emprise sur le Caucase, et même sur ses bonnes relations avec certains Etats européens en dehors de sa zone d’influence immédiate. Malgré la gravité de la situation, la attaques inacceptables dont est victime la population civile et la violation éminemment condamnable du droit international par la Russie, nous devons accepter la dure réalité : l’ordre international libéral a ses limites. Il est temps de prendre conscience du fait que des modèles alternatifs existent et de la nécessité de maintenir le dialogue avec les nations qui s’en réclament, sous peine de risquer nous-mêmes l’isolement.
La Suisse doit rester neutre
Comme l’a dit Mme Calmy-Rey aujourd’hui, aucune sanction n’arrêtera le président russe. Pourtant certaines voix se font déjà entendre à gauche, réclamant des mesures punitives de grande ampleur à l’encontre de la Fédération de Russie. Face à la force du sentiment, nous devons pourtant garder la raison. Même si elle reprend dans les faits les sanctions européennes, la Suisse ne peut se permettre de sanctionner ouvertement la Russie si elle veut jouer un rôle dans le processus de pacification qui devra nécessairement prendre place lorsque la situation le permettra.
Monsieur Lévêque,
Permettez à un vieux papi de 83 ans de vous dire toute son admiration pour la maturité et le bons sens dont vous faites preuve à un si jeune âge. A cela s’ajoute votre remarquable maîtrise de la langue française. Un grand bravo !
Cher Monsieur,
Tous mes remerciements pour votre aimable commentaire. J’espère que j’ai pu à ma manière traiter cette question émotionnelle avec un réalisme et une modération qui font parfois défaut. Je suis ravi que cet article vous ait plu !
Bravo
Très bonne analyse !
Pour ce qui est de la gauche Suisse, c’est une calamité que nous trainons depuis quelques temps avec des partis qui n’ont pour objectif que de distiller leur dogme. Regardez ce qu’il se passe à Lausanne, cette ville se meurt, ses commerces fuient la ville car la municipalité n’a qu’un objectif: se faire reélire par une tranche de la population de parasite qui continue de vivre sur le dos de ceux qui bossent, qui ne sont pas subsidié par la commune.
Bonsoir,
Je suis très heureux que vous ayez apprécié cet article !
Je suis moi-même lausannois et partage totalement votre frustration quant à la gestion des espaces urbains par la gauche.
Voilà un article écrit par un très jeune homme ! Et pourtant ce qu’il a écrit est un des textes les mois bêtes et même les plus intelligents de tout ce qu’on a pu lire sous la plume de bons Suisses de vieille souche. Par exemple, je viens de regarder l’émission Infrarouge et je suis affligé du niveau extrêmement bas des débats (à part l’intervention de Guy Mettan). Bravo !
Juste une réserve : quand vous écrivez: que “de toute évidence le Kremlin ne croit pas que les nations de l’OTAN aient l’intention de menacer l’intégrité territoriale de la Russie”, vous n’avez pas raison. C’est bien clair que l’OTAN a la volonté de détruire la Russie, comme elle a détruit la Yougoslavie, l’Irak, Libye, et comme elle a presque réussi à le faire en Syrie si la Russie n’avait pas aidé ce pays à se défendre. Malheureusement c’est plus difficile de détruire la Russie parce que la Russie est une puissance nucléaire et parce que Poutine est un joueur d’échec. Sinon ce serait déja fait.
Bravo, cher Monsieur, votre page intelligente et sensible vous honore et nous permet de penser autrement, voire d’espérer. Merci !
Bonjour Madame,
Je vous suis reconnaissant d’avoir écrit ce gentil commentaire. Il me semblait en effet indispensable d’apporter un autre éclairage à ce sujet.
Merci à vous !
Merci pour cet article qui rappelle bien des choses. Vous dites mieux ce que nombre de pseudo spécialistes altantistes racontent sur les plateaux de télévision. Beaucoup racontent des mensonges notamment que nous sommes des Nations démocratiques et pacifiques. Oui, notre chère Suisse l’est et devrait le rester. Non, l’occident n’est pas pacifique et se fout du droit international. Alors que la guerre froide était à peine terminée, il a lancé des guerres illicites. La série est longue : Irak, Yougoslavie, Afghanistan, encore Irak sur un mensonge, puis Lybie, Côte d’Ivoire. Sans compter des pseudo revolutions que l’occident a soutenues voire organisées. Je m’arrête là. La liste est si longue.
Nous avons été un mauvais vainqueur. Le vrai vainqueur tend la main et met tout le monde autour de la table pour refonder les relations et un ordre dans le quel chacun trouve sa place. Que non. Nous avons été ivres de notre puissance et le seul ordre possible était celui de la soumission à Nos idéaux et Noos intérêts. Point de salut en dehors de cela. Nous avons créé des rancoeurs tenaces chez nombre de peuples dans le monde. Nous avons usé et abusé de la ruse et du deux poids deux mesures. Tant que cela ne nous touchait pas directement, c’est formidable.
Seulement, les autres peuples sont résilients et la puissance bascule. Qui eut cru que le Mali même pauvre pouvait chasser un ambassadeur de France ? Et là Poutine nous réveille. On est surpris. Mais, il nous avertit depuis de longues années. Seulement, mous sommes comme dans le film Titanic
Nous mangeons et dansons.
J’ai bien peur que cet épisode ne soit que le premier d’une série qui va voir le basculement de l’ordre stratégique mondial. Que ferait – on si la Chine rentrait dans la danse. Les autres peuples ne nous croient plus. La confiance est rompue car nous n’avons pas su préserver notre propres principes en allant faire des guerres iniques et illégales avec leur cohorte de millions de morts. Il est temps qu’en Occident, les peuples reprennent la main au détriment des oligarchies pour lesquelles on a fait la guerre chez les autres et piétiner le droit international.
Bravo pour cet article lucide pour un jeune homme de 19 ans.
Lucien Ahanda
👍
Bonjour; félicitations à Mr. Antoine Lévêque ! les grandes déclarations guerrières actuelles, qui me font penser à celles concernant la Pologne en 1940 sont absentes de cet article, bravo ! l’UE n’est qu’un conglomérat de lobbyes bruyants, que le guerrier Poutine méprise, ce qui l’autorise à agir librement. La paix reviendra en Ukraine après des ajustements sans doute douloureux, à l’image des péripéties liées à la fin de la guerre d’Algérie En France la période électorale présidentielle est commencée et nous présente son habituelle désinvolture….Encore merci .
Wow superbe article. L’Otan est éssentiellement une machine qui instigue des conflits dans l’intérêt des Etas Unis.
Excellente analyse que je partage complètement.
Ce qui me surprends le plus en réalité … est la surprise de nos dirigeants. A croire qu’ils tombent de nues alors que depuis des semaines les services de renseignements, américains notamment, annoncent une invasion de l’Ukraine par la Russie. A ce stade d’impréparation, on se demande où s’arrête la simple incompétence et où commence la franche bêtise.
Il est vrai que face à un psychopathe intelligent et retors comme Poutine, les juristes, technocrates et autres progressistes en carton qui prétendent diriger l’Europe ne font clairement pas le poids.
Avec une union européenne « macronisée » et « vonderleyenoïde », il ne faut pas s’attendre à des miracles de vision stratégique et géopolitique.
Comme vous semblez être un jeune homme brillant et versé dans la politique, essayez de ne pas devenir comme tous ces branques sans envergures qui prétendent nous diriger. Gardez votre esprit d’analyse sans vous bercer des illusions qui aveuglent tant de nos contemporains.
On compte sur vous.
C’est plutôt plaisant de vous lire.
Quand on lit des gauchistes, on voit tout de suite la différence.
Ce qui est très frappant c’est l’unanimité des commentaires. Tout le monde est dans l’éloge. Pas un seul démocrate indigné pour nous parler des valeurs universelle des droits de l’homme et de la démocratie libérale violées par Poutine, nouvel Hitler. Personne n’a la moindre empathie pour l’OTAN. Tout le monde comprend que la Russie est menacée dans sa sécurité et se défend contre un encerclement qui risque de faire subir à son pays le même triste sort que la Libye.
Je serais un journaliste mainstream, allons disons un nom au hasard, je serais Alexis Favre d’Infrarouge, je me poserais des graves questions. Car cet Alexis Favre il a du talent quand-même. Il sait faire passer la pilule bleue de la propagande impériale avec le sourire. Eh bien, non, c’est foutu. Le public n’achète plus le narratif. Plus personne ne croit la propagande de guerre de l’empire. Infrarouge et tous les médias nous servent une propagande totalement factice à laquelle plus personne ne croit. On laisse bien Guy Mettan faire de la figuration dans le rôle du méchant, mais on met en scène l’émission de telle manière que Guy Mettan passe pour le défenseur de l’indéfendable, qui “s’enferre” (sic Alexis Favre). Tous les autres participants sont mal choisis et de connivence comme d’habitude (jamais Raoult ni Péronne ni Jean-Fominique Michel, ni Astrid Stückelberger n’ont été invités à Infrarouge pour parler du covid ! Donc ça règle la question. Ca rend Infrarouge non crédible). Tous ces débatters sont dans l’émotionnel irrationel, le trémolo, la professeure Amacher n’imprime pas. La dame unkrainienne est sincère, mais ça ne passe pas. Tous ils nous servent la doxa. Eric Hoesli, qui pourtant connait le sujet, est le plus hypocrite. Il se dégonfle comme une baudruche et se liquéfie dans le sentimentalisme niaiseux. Carlo Sommaruga on le connaît: c’est un alter-mondialiste, donc un mondialiste. On est lassés de son hypocrisie Calmy-Reyiste pro OTAN.
Et à la fin, après toute cette mise en scène, qu’est-ce qu’on constate ? un gamin de 19 ans écrit un blog lucide et tout le monde applaudit. C’est donc ce jeune homme qui représente l’opinion dominante. Et il parle comme Guy Mettan. Donc c’est Guy Mettan et Antoine Lévêque qui ont la vraie opinion derrière eux.
C’est vraiment le constat de l’échec total du conditionnememt de l’opinion par la propagande de guerre. Mesdames Messieurs les maîtres du monde, vous pouvez virer tous vos fonctionnaires des médias qui vous coûtent si cher. Ils sont tous contre productifs. Le public a compris. Tout le monde a choisi la pilule rouge.
D’ailleurs, comment se fait-il que cette fois sur Infrarouge il n’y a pas eu de “débrief de Mélanie Kornmayer” ? C’est sans précédent. Il y a toujours un débrief. Comment l’expliquer? Est-ce que les téléspectateurs pensent tous comme Guy Mettan et Antoine Lévêque? Est-ce que le bel Alexis a reçu sur son prompteur un message de la Propagandastaffel disant:
“SMS désastreux du public. Faire durer débat jusqu’à la fin. Aujourd’hui pas de débrief!”
Il faudra qu’Infrarouge explique pourquoi on n’a pas eu de débrief.
C’est très louche.
Limpide, intelligent, merci!
Effectivement l’OTAN et les pays de l’ouest ont trop longtemps taquiné l’ours Russe. Ensuite ils sont tout étonnés que ce dernier s’énerve et sorte ses griffes. Espérons que la leçon a été apprise et que certains n’irons pas énerver le dragon Chinois…….. Ca pourrait faire bien plus mal.
Raisonnement fallacieux et probablement intention pro-russe.
Vous avez certes raison quand vous avancez que le conflict était prévisible et que l’isolement de Poutine et le désaccord de l’Occident concernant la “nouvelle ” vision géopolitique de la Russie ont poussé cet homme à occuper l’Ukraine et tenter de renverser son gouvernement.
Ce que vous ne semblez pas vouloir mentionner (à dessein?) ou peut-être que ce point vous échappe, c’est le droit fondamental d’une partie de l’Europe se trouvant à proximité de la Russie à ne pas vouloir adhérer à son modèle de démocratie, d’économie et de vision géopolitique.
J’ai envie de vous dire encore de ne pas oublier, mais vous n’étiez pas encore né à votre décharge quand cela a eu lieu, que l’URSS que Poutine semble vouloir restaurer a perdu en 1991 une guerre idéologique, économique et structurelle en laissant des millions de victimes.
Je reste perplexe.
Bonjour Monsieur,
Je comprend votre point de vue. Mon objectif n’est pas d’émettre un jugement à l’emporte pièce sur les actions de M. Poutine mais de comprendre les motivations qui les sous-tendent. J’ai essayé d’apporter un éclairage légèrement différent pour rendre le débat public plus intéressant, je ne crois pas que cela fasse de moi un émissaire de Moscou. D’ailleurs je suis certain que vous avez lu mon article avec attention et que vous aurez constaté que je rappelle “le droit pour des peuples indépendants et souverains de choisir librement leur destin et d’intégrer pleinement le monde libéral et démocratique.”
Pourtant je persiste à croire qu’il est essentiel de maintenir le dialogue avec la Russie et d’essayer de comprendre ses revendications, c’est le seul moyen de sortir de l’impasse et d’éviter qu’une telle situation se reproduise.
Monsieur,
La Russie non alignée mais ouverte au dialogue, coopérant avec l’Europe et respectant le droit international, on en rêve tous mais on est hélas loin du compte.
Vous avez raison en défendant la possibilité de modèles alternatifs et les limites de l’hégémonisme libéral. Encore faudrait-il que ce modèle alternatif proposés dans le cas de la Russie puissent séduire mais ce n’est pas le cas. Ce n’est ni le cas en Russie ni dans son “entourage proche”. La rhétorique de la peur ne fonctionnera jamais.
Vous vous dédouanez en avançant le motif de ne pas vouloir tomber dans les jugements à l’emporte-pièce. Allez donc expliquer votre point du vue “d’éclairage différent rendant le débat public plus intéressant” aux 44 millions d’Ukrainiens qui se terrent dans les caves et qui fuient la capitale en ce moment.
Le dialogue aurait été souhaitable et je pense très sincèrement possible mais avec un autre interlocuteur.
Il n’était pas souhaitable que l’auteur vous réponde, son erreur a été de ne pas comprendre assez tôt que votre premier commentaire n’était pas un appel au dialogue.
Vous savez cher Monsieur,
Un blog où tout le monde est d’accord avec son auteur et où il est une perte de temps de répondre à quelqu’un qui défend un autre point de vue, est justement un blog digne de la vision de M. Poutine.
Cela ne justifie en rien la guerre actuelle de Poutine en Ukraine – qui me semble une folie qui pourrait complètement détruire la région.
Mais à quel moment, l’UE a-t-elle proposé un dialogue ouvert et une vraie coopération à la Russie depuis la fin de l’URSS?
Bonjour Monsieur,
Merci pour ce commentaire éclairé et plein de bon sens. Comme je l’ai dit dans mon article je suis comme vous convaincu que l’Europe (et l’Amérique) ont toujours considéré la Russie avec un certain mépris et ont négligé la possibilité d’un dialogue et d’une coopération franche et ouverte avec ce pays, ce qui est l’une des causes de cette situation désastreuse.
Merci ROB
Et pour avoir vécu en Russie…. puis République Tchèque…. je préfère l’arrogance d’une fausse liberté occidentale pour l’argent et le capitalisme (d’où le souhait de neutralité Suisse ?) au régime autoritaire russe…
Je ne parle que de vécu mais cela pourrait éclairer Monsieur Lévêque qui écrit bien mais raisonne trop vite…
On parle d’un début de guerre par une nation dont l’armement nucléaire est désormais brandi car surpassant toutes les défenses existantes… et faisant trembler toutes les armées…
Bravo Monsieur Lévêque pour cette excellente analyse. Toute guerre est certes un échec, mais cet échec est aussi du à l’arrogance et à l’entêtement des puissances occidentales donneuses de leçons. L’Occident est très mal placé pour donner des leçons au reste du monde après les entreprises désastreuses d’Afghanistan, d’Iraq, de Libye et du Yemen, où là aussi des pays ont été attaqués et envahis. Sans parler de la Syrie et de sa population qui est actuellement étouffée sous les sanctions, est ruinée et sans perspective d’avenir. Et j’allais presque oublier le Mali ou il y a plus longtemps, la Serbie.
C’est d’une logique implacable: puisque “l’Occident” a très mal agit avec les pays que vous citez, la même action serait justifiée ? , normale ?, acceptable ? maintenant avec l’Ukraine ?!?
Et bien non.
Mais cette action va très certainement réanimer l’Otan pour plusieurs décennies, rendre la Russie totalement dépendante de la Chine (et de l’Inde ?), peut-être donner un coup de fouet à la défense européenne, et probablement -si les sanctions sont tenues – provoquer une perte de pouvoir d’achat en Europe (ouest) et à terme une décrépitude de la Russie, dont la population est en déclin.
Pour ne pas risquer de persister dans un déni de réalité, lisez, s’il vous plaît, la lettre d’un intellectuel ukrainien sous les bombes, Constantin Sigov, publiée ce matin dans Le Temps :
https://www.letemps.ch/opinions/lettre-dun-intellectuel-ukrainien-bombes
Bonjour Monsieur,
Je vous remercie d’avoir partagé cet article. Je ne nie pas la réalité. J’ai d’ailleurs évoqué le caractère “dramatique” de ce qui ce passe actuellement en Ukraine ainsi que la violation “éminemment condamnable” du droit international par la Russie. Mais j’essaie d’avoir un avis plus nuancé en affirmant que Vladimir Poutine n’est pas l’unique responsable de cette situation, qui aurait peut-être pu être évitée si l’occident avait pris au sérieux les demandes, les inquiétudes, le ressentiment de Moscou.
Remarquable analyse ! Bravo Monsieur Lévêque.
Quinze commentaires élogieux pour un seul exprimant un avis divergent, est-ce là un débat équitable? Pourtant, ce ne sont pas les points de vues variés et autorisés, voire contradictoires, qui manquent. Pour ne citer que quelques-uns:
Tim Guldimann, ancien ambassadeur de Suisse à l’OSCE, parlant couramment le russe, évoquait hier, 26 février, sur le site de “Heidi.news”, six questions parmi celles qui sont souvent posées au sujet de la santé mentale de Vladimir Poutine et dont la première est celle-ci: “Poutine est-il rationnel?” Voici sa réponse:
“Si les gouvernements agissent de façon rationnelle, l’avenir devient prévisible. Vladimir Poutine n’a pas respecté le droit international, c’est un fait. Mais s’est-il montré rationnel, en fonction de ses propres intérêts? Jusqu’à l’invasion de jeudi, oui. Il a atteint plusieurs de ses objectifs: le retour de la Russie comme acteur global, sa propre reconnaissance comme interlocuteur incontournable avec la multiplication des visites de haut niveau à Moscou, et le fait de remettre sur la table la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
Mais le pas d’après, attaquer l’Ukraine, n’est à mon avis pas rationnel. Je ne peux pas imaginer que cela va servir les intérêts russes. Car cela aura des conséquences graves et imprévisibles, un conflit qui pourrait durer, une résistance de la part des Ukrainiens qui sera sanglante. Tout cela va peser sur la politique européenne ces prochaines années. Et cela change tout, parce que dès qu’une dictature devient irrationnelle, la situation devient très dangereuse.”
Pour sa part, Joschka Fischer, ancien ministre allemand des Affaires étrangères et vice-chancelier de 1998 à 2005, écrit dans “Le Temps” d’aujourd’hui:
“Le président russe Vladimir Poutine a fait son choix. Il a amené la guerre en Ukraine. C’est un moment décisif pour l’Europe. Pour la première fois depuis les guerres des Balkans des années 1990, […], le continent est une fois de plus confronté à des bombardements de villes et à des divisions de chars en mouvement. Sauf que cette fois-ci, c’est une superpuissance nucléaire qui a ouvert les hostilités.
En ordonnant une invasion, Poutine affiche un mépris éhonté à l’encontre des traités internationaux et du droit international. Il n’y a pas eu d’événement comparable en Europe depuis Hitler. Selon les dernières déclarations de Poutine, l’Ukraine n’a aucun droit d’exister en tant qu’Etat souverain – même si elle est membre des Nations unies, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et du Conseil de l’Europe – et même si la Russie elle-même (sous Boris Eltsine) a reconnu l’indépendance du pays.”
[…]
Au sujet de la nostalgie de Poutine pour le passé impérial de la Russie, l’ancien ministre allemand des affaires étrangères ajoute:
“Les déclarations de Poutine sont absurdes à l’aune des faits historiques. Son but premier consiste de façon claire à donner à sa propre population une justification pour envahir l’Ukraine. Poutine sait que si les Russes lambda avaient le choix entre une guerre pour dominer l’Europe de l’Est, et une vie meilleure et plus prospère dans leur pays, ils préféreraient cette dernière option. Comme souvent dans l’histoire russe, le peuple est dépossédé de son avenir par ses dirigeants.
[…]
Le projet impérial russe s’est toujours caractérisé par un mélange de pauvreté au niveau national, d’oppression brutale, de paranoïa lyrique et d’aspirations au rang de puissance mondiale. Et pourtant, il s’est avéré exceptionnellement résistant à la modernisation – pas seulement sous les tsars, puis sous Lénine et Staline, également sous Poutine.
[…]
En termes historiques, Poutine ramène la Russie au XIXe siècle, à la recherche de sa grandeur passée, tandis que la Chine avance pour devenir la superpuissance déterminante du XXIe siècle. Alors que la Chine réalise une modernisation économique et technologique sans précédent, Poutine engrange les revenus de la Russie de ses exportations d’énergie dans l’armée, en dépossédant une fois encore le peuple russe de son avenir.
L’Ukraine tente d’échapper à ce cycle sans fin de pauvreté, d’oppression et d’ambition impérialiste, en s’orientant de plus en plus vers l’Europe. Une démocratie libérale de style européen efficace en Ukraine risque de mettre en péril le régime autoritaire de Poutine. Le peuple russe pourrait se poser cette question à lui-même, puis à ses dirigeants: “Pourquoi pas nous?” Poutine n’aurait aucune bonne réponse à leur donner – et il le sait très bien. C’est pour cette raison que la Russie est en Ukraine aujourd’hui.”
– Joschka Fisher, “L’avenir volé de la Russie”, Le Temps du 27 février 2022 (https://www.letemps.ch/opinions/lavenir-vole-russie).
Que Vladimir Poutine ait une vision déformée de l’histoire est un fait confirmé par de nombreux historiens et chercheurs, y compris dans un article récent paru dans ce journal même à ce sujet. Après avoir muselé l’opposition et pris le contrôle de la presse au point de lui interdire maintenant de publier les rapports autres qu’officiels sur les soldats russes morts et blessés au combat, ne voit-il pourtant pas son cercle se restreindre comme peau de chagrin? N’est-ce pas en particulier visible après l’humiliation publique que ce pur produit du KGB qui, de plus en plus enfermé dans son autisme, ne jure désormais plus que par la manière forte et dont la cote populaire a chuté de plus de 50% en moins de dix ans, a infligée le 21 février dernier à son chef du renseignement?
Qui ne voit, ou refuse de voir, qu’avec l’invasion de l’Ukraine, comme l’a relevé Korine Amacher* du “Global Studies Institute” de l’Université de Genève, c’est à l’Occident que le dictateur mégalomane du Kremlin a d’ores et déjà déclaré la guerre?
*Korine Amacher, “Comment arrêter Vladimir Poutine ?”, RFJ, 25 février 2022 (https://www.rfj.ch/rfj/Actualite/Region/20220225-Comment-arreter-Vladimir-Poutine.html).
On le voit, ce ne sont pas les avis autorisés qui manquent pour étoffer le débat que vous proposez. Ne vous lirait-on pas avec d’autant plus de plaisir et d’intérêt s’il suscitait autre chose que des plates cajoleries à grands renforts de “likes” et autres emoticon?
L’hiver vient.
Par jour, en Ukraine, la Covid tue encore plus que les soldats russes.
Bonne analyse et bien argumentée je trouve. Étant moi même étudiant au gymnase, ça me rassure de voir des gens de mon âge aussi impliqués dans la politique. Il faut dire qu’aujourd’hui, beaucoup d’entre nous ne nous y intéressons pas vraiment, alors que nous devrions.
J’aurais juste quelques questions en rapport avec l’article:
N’y avait t’il pas eu des tentatives de dialogue entre la Russie et l’Occident pour éviter d’en arriver à là ?
La situation déjà tendue (toujours non résolue) entre l’Ukraine et la Russie avec la guerre du Donbass et la Crimée annexée par la Russie en 2014, n’aurait elle pas favorisé le conflit acruel, d’une certaine manière ?
Bonjour,
Merci pour ce commentaire ! Il me semble que toutes les tentatives de dialogue se sont révélées infructueuses. Ainsi, à la chute de l’union soviétique, l’appel lancé par Gorbatchev (qui souhaitait créer une “maison commune” avec les puissances européennes et développer un partenariat stratégique avec l’OTAN) semble être resté sans réponse. Malgré une certaine condescendance américaine à l’égard de la Russie, plusieurs Etats européens ont esquissé les linéaments d’une politique de rapprochement avec la Russie, qui ne s’est jamais réellement concrétisée.
Oui, c’est parce que Poutine a pu réaliser l’annexion de la Crimée et mener une guerre dans le Donbass sans réelle entrave qu’il a cherché à étendre son emprise sur l’Ukraine avec une invasion du pays par des moyens conventionnels.