Eloge de l’action: pour une Suisse dynamique

2022 ou l’exigence de l’unité

“Le Sonderfall n’est pas un mythe”. Voilà comment résumer l’opinion – encore largement répandue dans notre pays – selon laquelle la Suisse serait à l’écart des mouvements du monde. Pourtant, après cette année marquée par la radicalisation du débat public et l’exacerbation de nos divisions internes, nous ne semblons plus faire figure d’exception. Dès lors, comment croire que la Suisse est toujours cet îlot de paix, cette nation d’équilibre et de modération, ce miracle démocratique dont nous avons toujours été si fiers ?

Il ne fait aucun doute que cette question, éminemment politique, nous concerne tous, en cela qu’elle appelle à une réflexion plus large sur notre capacité à faire société dans un monde divisé par nature, dans lequel la place de la vérité se voit toujours plus restreinte. La crise sanitaire n’a fait qu’approfondir les antagonismes qui marquent notre société depuis des décennies, mais elle a cela d’inquiétant qu’elle n’a pas empêché une partie considérable de la population de marquer son opposition aux mesures du gouvernement avec une violence peu commune pour notre pays. Les Suisses, longtemps si fiers de leurs institutions, héritage d’une longue tradition de compromis et de modération politique, sont aujourd’hui nombreux à se défier de leurs autorités. Ainsi, l’accusation de “dictature”, régulièrement émise à l’encontre du Conseil fédéral, doit nous faire prendre conscience de la radicalisation effarante à laquelle est aujourd’hui soumis notre débat public.

Il est évident que notre pays a toujours été marqué par de profondes divisions sociales et culturelles. Notre unité artificielle, faite de diversité, fonde notre identité commune, puisque comme peu d’autres nations, la Suisse tire sa force de l’institutionnalisation de ses contradictions internes. L’Etat fédéral que nous connaissons est le fruit d’une guerre civile. En outre, certaines questions touchant à notre identité, telle que l’histoire contrastée de nos relations avec l’Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, ont pu être résolues grâce à un travail de mémoire honnête et détaillé.

Pourtant, si ces exemples témoignent d’une volonté manifeste de dépasser nos différences culturelles, la plupart des antagonismes qui divisèrent notre pays au siècle dernier se caractérisaient par la présence de clivages qui structurent aujourd’hui encore le débat public, et que la crise sanitaire a indéniablement exacerbés. Ainsi, les trois principales sources de division que la Suisse connaît aujourd’hui, à savoir des écarts géographiques, générationnels et culturels en constante progression, doivent renforcer notre attachement à notre système démocratique et nous inciter à faire prospérer notre culture politique de dialogue et d’écoute, qui fonde notre conception du Sonderfall et conditionne l’unité de notre pays.

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