Bon baiser de Suisse

Antispécisme: La pente glissante du radicalisme

De l’activisme à l’action

Les militants de la cause animale sont actifs depuis longtemps dans notre pays, que ce soit au travers des sociétés de protection des animaux, de la lutte contre la vivisection ou plus récemment avec l’essor du mouvement antispéciste.

Une définition glanée sur Internet mais qui semble faire consensus définit l’antispécisme comme un courant de pensée, qui a pris naissance dans les années 1970, et qui refuse la notion d’espèce. Les antispécistes combattent les critères prédéterminés qui seraient liés à l’appartenance à une espèce, et notamment à la domination de l’Homme sur l’animal.

En mai 2017, premier coup d’éclat antispéciste en Romandie avec l’association 269Life Libération Animale qui rependait du faux sang dans un Mac Donald de Lausanne avant d’être énergiquement évacuée par la police.

L’antispécisme faisait sa une et allait susciter des vocations.

De quelques dizaines d’individus isolés, le mouvement est passé à plusieurs centaines de militants actifs qui échangent avec leurs homologues étrangers et qui participent à des actions en Suisse et dans les pays voisins.

Premières cibles, les abattoirs, vaudois en particulier, régulièrement bloqués, dénoncés, ou encore infiltrés avec à la clé des vidéos chocs et du matériel de communication percutant.

En janvier 2018, c’est le  22e salon de l’agriculture à Lausanne qui était perturbé par des militants de la cause animale, provoquant quelques accrochages mineurs avec des agriculteurs fiers et travailleurs, peu réceptifs aux arguments de jeunes perçus comme urbains et totalement déconnectés de la terre.

Enfin, depuis quelques mois, c’est Genève qui fait l’expérience d’une vague de vandalisme contre des commerces, plus particulièrement des boucheries, attribuée à des antispécistes, heureusement minoritaires, qui prônent l’action violente pour réveiller les consciences.

Convictions, moqueries et sous-estimation : le cocktail explosif

Réduire les militants actifs de la cause animale à des bobos intello urbains en manque de combat ou à des doux rêveurs, c’est commettre une grave erreur d’appréciation.

Au Royaume-Uni, bastion et figure de proue de la cause animale, l’extrémisme animalier fait partie depuis près de 20 ans des menaces majeures contre la sécurité publique suite à des attentats répétés contre des laboratoires de vivisections.

De 2000 à 2010, la National Extremism Tactical Co-ordination Unit, groupe chargé de lutter contre l’extrémisme intérieur au Royaume-Uni, était même occupée quasi exclusivement par la lutte contre plusieurs groupes d’extrémistes de la cause animale qui avaient basculé dans l’action violente.

Les services de sécurité anglais soulignent que parmi les radicalismes étudiés en Europe, celui de la cause animale est celui qui permet le recrutement le plus facile et le basculement dans l’action violente le plus rapide.

La raison à cela est très simple, la grande majorité des humains développent une empathie naturelle pour l’animal, hors de tout discours ou doctrine.

Il n’y a rien à apprendre pour être touché par le sort de certains animaux et il est tout aussi naturel de vouloir faire quelque chose.

Dans une étude de la Northeastern University de Boston parue en novembre 2017, des chercheurs ont même mis en évidence le fait que l’être humain développe plus d’empathie envers la souffrance animale qu’humaine.

Ainsi, dès lors que l’on fait un amalgame entre violence faite aux animaux et violence faite à des humains, la suite logique veut que l’action violente soit légitimée comme étant une forme de légitime défense pour autrui, et ce d’autant plus que l’animal est muet et sans défense.

Ecoute et réponses

La lutte contre la maltraitance animale ou plus largement l’exploitation animale est une lutte louable et profondément morale, c’est d’ailleurs l’un de ses atouts envers le grand public et la communication de ces groupes de militants l’a bien intégré.

La Suisse a jusqu’ici été épargnée par des actions violentes (incendies, attentats) de l’intensité qu’a connu le Royaume-Uni mais découvre des signes précurseurs d’une intensification de la lutte.

Il est dès lors intéressant de se pencher sur la manière dont les autorités anglaises ont géré et gèrent encore le mouvement animalier.

L’approche anglaise est duale, répression contre les éléments violents et collaboration avec les éléments plus modérés.

C’est surtout cette deuxième composante qui mérite que  l’on s’y attarde.

Pionnière et très active depuis 1824,  l’association Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA) possède une hotline ouverte 24h/7 qui permet de dénoncer tout abus envers les animaux.

L’association possède en outre ses propres enquêteurs qui récoltent des éléments et montent des dossiers qui sont ensuite transmis à la police.

Ces dénonciations et ces dossiers transmis à la police sont réellement pris en charge et débouchent régulièrement sur des condamnations.

D’un point de vue judiciaire, l’Animal Welfare Act 2006, prévoit des interdictions de détention d’animaux de durée limitée ou à vie ainsi que des amendes et des peines de prison fermes jusqu’à 1 an.

En 2016, un amendement à loi passé en Irlande du Nord a relevé le plafond des peines jusqu’à GBP 20’000.- pour les amendes et jusqu’ à 5 ans de prisons pour les cas les plus graves de maltraitance animale.

Bien entendu, ces peines ne sont pas systématiques mais la réponse policière effective aux abus conjuguée à la neutralisation des éléments les plus radicaux ont drastiquement réduit la problématique outre-manche.

Il ne faut pas perdre de vue que si elles sont motivées par de multiples facteurs, les actions violentes sont aussi une manière de communiquer (et revendiquée comme telle) pour des militants qui s’estiment inaudibles pendant que d’autres êtres souffrent.

Nous aurions ainsi tout à gagner à ce qu’un effort politique soit entrepris pour que ces associations puissent travailler de concert avec les pouvoirs publics pour, déjà, combattre efficacement des situations de maltraitance animale indiscutables.

D’un point de vue judiciaire, les peines anecdotiques infligées en Suisse aux détenteurs d’animaux qui commettent des abus devraient également faire l’objet d’une révision, visiblement souhaitée par une partie grandissante de la population.

Enfin, pour ce qui est des radicaux qui sabotent les outils de travail d’éleveurs respectueux de leurs bêtes ou qui jettent des cailloux dans des vitrines d’artisans bouchers, la fermeté reste la meilleure option.

Bon baiser de Suisse.

 

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