Le défi masculin

Le débat sur la mixité, ou l’art de créer un problème là où il n’y en a pas.

On se rappelle Amanda Gorman réciter son poème bouleversant à l’inauguration de Joe Biden. Sa poésie est maintenant traduite dans de nombreuses langues. Scandale aux Pays-Bas, sa traductrice, une des meilleures du pays, est blanche. Comment peut-on laisser une blanche traduire une poétesse noire ? Du racisme!
Ailleurs, dans un grand syndicat français, un groupe de travail sur les problèmes de racisme est réservé aux gens de couleur. Scandale dans la presse française: comment peut-on faire des groupes réservés au noirs ? C’est du racisme anti blancs!

On pourrait multiplier les exemples. Qu’il s’agisse de mixité raciale ou de genre, il semble qu’on fasse un problème là où il n’y a en fait que du choix et du contexte.

En ce qui concerne les groupes d’hommes, la question de la non mixité se pose aussi. Est-il sensé de faire des groupes réservé aux hommes? Et bien oui il est très important qu’à certains moments les hommes puissent se parler entre eux. Il y a des sujets qui touchent les hommes au quotidien dont ils ne parlent pas. Parmi ceux-ci, certains peuvent être chargés de honte, de culpabilité, de secret. Comment par exemple imaginer des hommes décrire, élaborer, dépasser les sujets les plus embarrassant de la sexualité masculine en présence de femmes ? Quelles sont les conditions pour pouvoir aborder le rapport à la pornographie, entrer dans les détails de ce qui nous excite ou nous révulse, partager des fantasmes que l’on a jamais pu exprimer tant ils peuvent être crus?
La confidentialité en est une. La non mixité, dans ce cas, en est une autre.

Dans les années 70, la vague féministe était forte et parmi les femmes certaines se sont posé la question suivante: comment se fait-il que seul le gynécologue (homme la plupart du temps, à cette époque) sache mieux que moi comment mon sexe est fait? Est-ce que je ne pourrais pas voir par moi-même? Au sein du mouvement féministe se sont constitués des groupes d’auto observation. Il s’agissait par exemple de regarder son anatomie intime à l’aide d’un miroir et d’un spéculum.
Cette pratique a été très utile. Elle a aidé les femmes à prendre confiance en elles-même, en leur corps et en leur féminité. Et bien sûr il était impensable de faire de telles recherches en présence d’hommes.

L’introduction de la mixité dans les écoles au siècle passé a été un grand progrès. Aucun doute là-dessus. L’ouverture de toutes les activités sociales, professionnelles, etc. à tous les genres est une évidence.
Mais dans certains cas, à certains moments, de façon spécifique, il est essentiel de pouvoir se réunir entre hommes ou entre femmes. Cela permet à chaque genre d’augmenter sa confiance en soi et de s’adresser à l’autre genre depuis une position de tranquillité et de sécurité. Cela permet de nettoyer des conditionnements difficiles à verbaliser et de mettre en lumière des composantes de nos sexualités que nous ne pouvons pas faire émerger dans la relation avec nos partenaires mais qui peuvent, une fois élaborés et transformés, enrichir nos relations au plus grand bénéfice de toutes les parties.
L’utilité de la non mixité est liée à un contexte précis. En soit elle n’est ni bonne ni mauvaise, tout dépend de ce qu’on en fait.

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