Au-delà des apparences

Parlementaires suisses a Taiwan; un voyage anodin ?

La visite à Taiwan prévue du 5 au 10 Février prochain d’une délégation parlementaires suisses voyageant à titre privé confirme deux vérités.  Premièrement tout parlementaire suisse, à le droit d’aller ou il veut, quand il veut. Deuxièmement, sur le plan de la technologie, Taiwan représente pour la Suisse une plate-forme incontournable. Ceci-dit tout ce qui relève de Taiwan n’est pas anodin et , qu’on le veuille ou non,  mets le doigt sur une problématique  vieille de plus de 70 ans et qui ne parait pas proche d’être résolue.

Une crise de 70 ans

Tout a commencé le premier Octobre 1949 quand Mao proclame la République Populaire de Chine. Les communistes règnent en maitres sur le pays à l’exception de l’ile de Taiwan ou se sont réfugiées les dernière force du Kuomintang (KMT). En Janvier 1950 le président Truman déclare que Washington n’as pas l’intention de défendre Taiwan.

Le 14 Février 1950 Mao signe un traité d’alliance avec Staline. Quatre mois plus tard, le 25 Juin  la Corée du Nord attaque la Corée du Sud. Vu de Washington le scénario est simple ; derrière les Coréens du Nord il y a les Chinois et derrière les Chinois il y a Moscou. Il est donc impératif pour Washington de tenir Pékin en échec si l’on veut contrer les Soviétiques. Et le lieu choisi, c’est Taiwan.

Ainsi ce même 25 Juin Truman ordonne à le 7 flotte de patrouiller dans le détroit de Taiwan pour empêcher les Communistes de débarque su l’ile.

La 7 eme flotte intervient

Pendant les vingt ans qui suivirent la politique étrangère Américaine perpétua la fiction que le KMT, réfugié à Taiwan représentait la Chine. Le passage du temps eut raison de cette chimère le 1 Janvier 1979 Washington et Pékin établirent des relations diplomatique sur le principe qu’il n’y avait qu’une seule Chine dont le gouvernement était à Pékin avec comme corollaire un non-dit, à savoir qu’il y avait a Taiwan un pouvoir local de fait avec le-quel Washington continuerait à avoir des relations officieuses ; une façon de  mettre le problème en veilleuse. Mais pas son environnement.

Le KMT, au pouvoir à Taiwan se présentait comme le gouvernement de la République de Chine à l’oppose de celui à Pékin qui s’affirmait comme celui de la République Populaire de Chine. En 1988 Deng Xiaoping proposa une solution : Taiwan se rallierait à la République Populaire de Chine tout en gardant son drapeau, son armée, son économie et ses institutions pendant une période de 100 ans. En pratique c’était le statut quo sous l’apparence de la réunification. Le KMT répondit en exigeant que Pékin abandonne le Communisme. L’impasse était totale. En fait il y avait deux pouvoirs concurrents sur le territoire de la Chine avec ce bémol que l’un occupait une ile de quelques 20 millions d’habitant et l’autre les reste du pays qui en comptait plus d’un milliard.

Une ligne rouge

Le KMT n’avait à l’époque pas plus de velléités démocratique que son homologue Communiste. Mais avec le temps Taiwan évolua vers une société qui acceptait une diversité politique Ainsi, en Janvier 2016, le KMT qui avait jusqu’alors régné sur l’ile perdit les élection qui virent la victoire de son principal adversaire le PPD ou Parti  Populaire Démocratique. Or contrairement au KMT qui prétendait représenter toute la Chine, la  charte du PPD, elle, prévoyait l’Independence pour l’ile. Pour Pékin c’était une ligne rouge à ne pas dépasser. Qu’un gouvernement chinois concurrent occupe une partie du territoire Chinois n’était pas pour plaire à Pékin mais c’était acceptable. Mais qu’un pouvoir local, qui devait son existence à une intervention occidentale fasse sécession et ampute la Chine d’une partie de son territoire ne l’est pas.

C’est là une réalité que le PPD a bien compris et qui l’as amené à mette en sourdine ses projets d’Independence ; sans compter le fait que la constitution de Taiwan  rend toute modifications des frontière de la Chine des plus problématiques. Mais il n’en reste pas moins que, vu de Pékin,  dans climat de méfiance  qui prévaut actuellement  dans ses relations avec les Etats Unis ,on est de plus en plus convaincu que Washington cherche à alimenter une sécession.

La réalité

Or celle-ci n’est pas ce que désire le Taiwanais moyen qui, lui ,ne demande qu’une chose : le maintient du statu quo. Or celui-ci est éloquent.

On estime que entre 2 % et 3 % e la population de Taiwan soit environs 500 000 personnes travaillent en Chine continentale en toute légalité. Taiwan, avec 190 milliards de dollars est le premier investisseur extérieur en Chine qui est la destination de 43 % des exportations de l’ile et 22 % de ses importations. Et quant aux liaisons aériennes entre les deux Chines elles continuent comme si rien n’était. Enfin si l’ile compte une armée professionnelle de quelques 180 000 hommes la durée de l’entrainement militaire obligatoire pour chaque citoyen est de…quatre mois. Ce qui revient à dire que il y a beaucoup de théatre dans les invectives qui s’échangent entre Taiwan et Pékin…

L’avenir ?

Reste l’avenir. Pékin, pour la forme, continuera à exiger une réunification. Taiwan, sous le parapluie américain continuera à provoquer Pékin tout en connaissant les limites à ne pas dépasser; un jeu qui peut durer longtemps.

Lorsque Truman a envoyé la 7 flotte dans le détroit de Taiwan il l’as fait parce que il en avait les moyens et qu’il n’y avait personne pour l’en empêcher. Reste à savoir si dans les décennies à venir Washington , en cas de crise, aura et les moyens et la volonté pour intervenir à 12 000 km de ses cotes en faveur d’une ile peuplée de quelques  22 millions d’habitants au risque d’une guerre aux conséquences imprévisibles.  Or c’est cette guerre qu’il convient d’éviter. D’où pour les parlementaires suisse deux impératifs ; ne pas se faire instrumentalisés et rappeler aux chinois, qu’il soient de Pékin ou de Taiwan qu’il est temps qu’ils parviennent   à s’entendre entre eux.

Alexandre Casella ; Ancien Directeur pour l’Asie au HCR et ancien Secrétaire Exécutif au Centre Asiatique des HEI.

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